Ouvrir la porte de l'OTAN à la Russie l'obligerait à définir mieux sa politique
Ouvrir la porte de l'OTAN à la Russie l'obligerait à définir mieux sa politique
Is Moscow the Big Winner from War in the Middle East?
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Op-Ed / Europe & Central Asia 4 minutes

Ouvrir la porte de l'OTAN à la Russie l'obligerait à définir mieux sa politique

Les membres de l'Alliance atlantique devraient poursuivre l'élargissement de l'organisation au-delà des frontières qui fâchent, celles de la Géorgie et de l'Ukraine.

Le défi le plus important qui attend les chefs d'Etat des pays membres de l'OTAN lors de leur réunion sur le Rhin aujourd'hui consiste à gérer les relations entre l'organisation et la Russie. Si personne ne semble désirer vivre une nouvelle Guerre froide, les tournures d'esprit de l'époque persistent des deux côtés et continuent à influencer les comportements, ce qui reste une entrave à toute rupture nette avec le passé, pourtant dans l'intérêt de tous.

L'invasion du territoire géorgien par la Russie en août 2008 semble donner raison aux craintes latentes au sein l'OTAN quant au possible réveil agressif de "la bête de l'Est" contre laquelle l'organisation avait été fondée il y a soixante ans. Et il est difficile de ne pas qualifier la réponse de Moscou à la situation en Ossétie du Sud de réaction excessive, quel que soit le jugement que l'on puisse porter sur la responsabilité du président Saakachvili dans le déroulement des événements de l'été dernier. Les réactions en Occident souffrirent, toutefois, d'un manque de réflexion sérieuse sur la responsabilité de nos politiques, depuis l'implosion de l'URSS, dans la nouvelle posture agressive de la Russie.

Dans la plupart des capitales des pays de l'OTAN, on sous-estime encore aujourd'hui à quel point Moscou a ressenti l'expansion de l'Alliance jusqu'au sein même de l'ancien camp socialiste et sur le territoire de l'ancienne URSS comme une réponse brutale, sans tact et agressive au retrait rapide et généreux des troupes soviétiques d'Allemagne et d'Europe centrale. L'Ouest soutient avec raison que tous les nouveaux membres ont rejoint l'OTAN de leur propre initiative, et non sous la pression des Etats-Unis ou de l'Union européenne. La grande majorité des Russes, cependant, continuent à percevoir l'OTAN comme cette alliance militaire offensive, qui bombardait Belgrade en 1999 sans l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU et qui essaie à présent d'encercler la Russie, malgré les promesses faites à Mikhaïl Gorbatchev qu'aucune expansion à l'Est ne suivrait le départ des troupes soviétiques.

L'OTAN est devenue une cible facile pour les nationalistes en Russie qui cherchent à stimuler le sentiment anti-occidental et à convaincre la population qu'elle est face à une menace considérable venant de l'extérieur - au fond, la même que durant la Guerre froide. Dans les conditions actuelles, toute expansion en direction des frontières russes, en particulier en Ukraine et en Géorgie, sera incontestablement perçue par tous en Russie comme un acte inamical appelant une riposte.

Comment désamorcer ces tensions de façon constructive et progressiste, tout en reconnaissant comme réalité politique que ni l'OTAN ni la Russie ne montreront d'enthousiasme à l'idée de changer fondamentalement leur vision du déroulement de l'histoire? Le meilleur point de départ, selon nous, serait de reconnaître que le problème de l'expansion de l'OTAN n'est pas tant dû au fait que l'Alliance se soit rapprochée des frontières russes, mais plutôt qu'elle s'y soit arrêtée.

En conséquence, les chefs d'Etat devraient réaffirmer clairement à Strasbourg que l'OTAN est une alliance de pays libres et souverains, ouverte à tous les pays du continent européen, y compris à la Russie, et encourager Moscou à demander l'adhésion quand elle le jugera opportun.

Faire une déclaration publique aussi explicite aurait au moins trois conséquences positives. La balle serait dans le camp de la Russie, qui se verrait contrainte de prendre une telle offre au sérieux et de formuler une réponse. Cela apaiserait les tensions concernant l'Ukraine et la Géorgie: un éventuel élargissement de l'OTAN dans leur direction ne pourrait plus être perçu comment un acte d'agression "par nature" envers la Russie, si la porte était laissée ouverte pour que celle-ci rejoigne elle-même l'Alliance. Et cela isolerait les politiciens les plus nationalistes en Russie, qui se servent si ouvertement de l'OTAN pour entraver toute évolution sérieuse vers une réelle démocratisation dans le pays.

Cette approche a récemment été testée par l'International Crisis Group au cours d'entretiens privés avec un certain nombre de hauts fonctionnaires à Moscou. Leurs réactions ont été étonnamment homogènes, et fascinantes: Medvedev et Poutine y réfléchiraient très sérieusement, et l'armée y serait probablement favorable. Pour l'armée, rejoindre l'OTAN signifierait élever le niveau et entrer dans le cercle des armées les plus modernes du monde. Pour les dirigeants du Kremlin, que l'OTAN puisse évoluer vers un rôle nouveau et visible de "sécurité collective", et enfin abandonner sa connotation de "défense collective" héritée de la Guerre froide, pourrait véritablement être une réponse à l'appel du président Medvedev pour une nouvelle architecture de la sécurité en Europe.

Medvedev a lancé une très audacieuse réforme des forces armées qui, menée à son terme, pourrait faire de l'armée russe une structure modernisée et rapidement déployable, capable d'agir dans des endroits chauds à l'échelle régionale ou globale, tout comme ses homologues occidentaux, plutôt qu'un vaste bloc défensif face à l'Ouest. L'OTAN ne devrait pas ignorer le potentiel considérable d'un tel message.

Si Barack Obama devait choisir d'annoncer publiquement à Strasbourg ce vendredi que l'OTAN, à 60 ans, est prête à accueillir la Russie, dût-elle choisir d'adhérer, sous réserve de satisfaire aux mêmes conditions que tous les autres nouveaux membres, il appuierait effectivement sur un puissant bouton de "remise en marche" des relations entre les Etats-Unis et la Russie. Pour l'Alliance, le risque engendré par une telle déclaration est négligeable. La Russie pourrait dire "non merci", mais il lui deviendrait ensuite difficile de clamer que l'élargissement de l'OTAN la prend pour cible. A l'inverse, elle pourrait répondre positivement, auquel cas elle devrait commencer à travailler dur pour - entre autres - instaurer le contrôle démocratique nécessaire et tant attendu par de nombreux Russes et Occidentaux sur ses forces armées et ses services de renseignement.

Un monde chaotique nécessite des dirigeants audacieux capables de prendre des initiatives audacieuses et historiques. Il y a deux décennies, à Berlin, Ronald Reagan faisait un appel ardent à Mikhaïl Gorbatchev pour qu'il passe des paroles aux actes en démolissant le mur de Berlin, et la réponse du président soviétique consista à faire exactement cela. Ouvrir la porte de l'OTAN à la Russie de Medvedev est une étape supplémentaire qui aurait des conséquences profondément positives pour la stabilité future de l'Europe et du vaste monde.
 

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