Briefing / Europe & Central Asia 3 minutes

Le Kirghizstan au bord du gouffre

Les combats qui ont opposé partisans et opposants du gouvernement, auxquelles la police à mis fin à grand renfort de coups de matraque et de gaz lacrymogène sur la place centrale de la capitale cette semaine, sont une illustration spectaculaire de ce que le Kirghizstan est au bord d’une rupture politique et peut-être d’une guerre civile.

  • Share
  • Enregistrer
  • Imprimer
  • Download PDF Full Report

Synthèse

Les combats qui ont opposé partisans et opposants du gouvernement, auxquelles la police à mis fin à grand renfort de coups de matraque et de gaz lacrymogène sur la place centrale de la capitale cette semaine, sont une illustration spectaculaire de ce que le Kirghizstan est au bord d’une rupture politique et peut-être d’une guerre civile. Le gouvernement et l’opposition ont entamé des négociations pour éloigner le pays du précipice et le président a signé le 9 novembre une nouvelle constitution que le parlement avait adoptée la veille. Mais les tensions persistent. Les négociations devront s’étendre sur un plus grand nombre de questions pour pouvoir trouver une solution aux différends de fonds, qui s’appuient sur une division des pouvoirs entre le président et le parlement, et à d’autres problèmes connexes. La communauté internationale devrait jouer un rôle bien plus actif en matière de diplomatie préventive étant donné que, si l’on ne trouve pas de solution rapidement, l’instabilité du Kirghizstan pourrait facilement affecter d’autres États fragile en Asie centrale.

Pendant une bonne partie de l’année, deux groupes ont rivalisé pour contrôler le pays:

  • Le gouvernement, dirigé par le président Kurmanbek Bakiyev, le Premier ministre Feliks Kulov, le Premier ministre adjoint Daniyar Üsönov et le Secrétaire d’État Adakhan Madumarov; et
     
  • Le mouvement d’opposition “Pour les réformes !, dirigé par des parlementaires, dont Ömürbek Tekebayev, Melis Eshimkanov et Azimbek Beknazarov; un certain nombre d’anciens ministres de l’administration Bakiyev, notamment Almazbek Atambayev et Roza Otunbayeva; et des militants de la société civile comme Edil Baysalov.

La confrontation s’est accrue depuis le printemps 2006. L’opposition a organisé des manifestations à Bichkek et ailleurs pour exiger des réformes politiques. Les troubles, qui ont commencé lorsque l’opposition a demandé des contrôles sur le pouvoir présidentiel, ont pris un caractère régional parce que le gouvernement comptait sur le soutien des régions du sud (en particulier les provinces de Jalalabat et Osh) et que l’opposition comptait largement sur le soutien du nord (notamment des provinces de Chüy et Talas). La police et les forces de sécurité sont divisées entre les deux camps mais, jusqu’à présent, elles ont pu éviter des affrontements dans la capitale.

L’opposition a organisé des manifestations de masse dans le centre de Bichkek depuis le 2 novembre, essayant de forcer Bakiyev à approuver une nouvelle constitution qui limiterait les pouvoirs du président et permettrait au groupe parlementaire le plus important de former le gouvernement. Bakiyev, qui en vertu de la constitution jouit de pouvoirs quasiment illimité, a refusé. Les deux camps ont commencé à rassembler leurs partisans et ce qui a commencé comme une querelle entre élites politiques est en train d’entraîner dans son sillage un grand nombre de citoyens ordinaires. Le centre de la capitale a été divisé en deux parties:les partisans de l’opposition se sont rassemblés dans les bâtiments du gouvernement, la « Maison blanche » tandis que les supporters du gouvernement se sont réunis près du parlement.

Alors que l’on s’attendait à des affrontements le 7 novembre, des négociations de dernière minute ont permis de réduire la tension mais les manifestations dans les deux camps se poursuivent et il est toujours possible qu’elles dégénèrent en conflit. Les pourparlers entre le président du parlement Marat Sultanov et le président Bakiyev ont conduit à un accord visant à présenter une constitution qui serait un compromis au parlement, qui l’a adoptée le 8 novembre. Le président Bakieyev l’a signée le lendemain mais il n’est pas certain qu’il mettra en œuvre cette nouvelle constitution. Par ailleurs, il faut encore prendre des mesures pour soutenir le processus politique. La trêve reste très fragile.

Le gouvernement doit agir rapidement, de même que l’opposition et la communauté internationale, afin de tirer parti de ce qui n’est peut-être qu’une accalmie. Il s’agit de prendre les mesures suivantes:

  • le gouvernement et l’opposition doivent appeler leurs partisans à évacuer les places de Bichkek où ils sont présents et demander à leurs partisans dans le reste du pays de ne pas venir à Bichkek pour participer aux manifestations;
     
  • l’UE, les États-Unis, la Russie, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et l’ONU (en premier lieu par le biais du Secrétaire général) doivent chacun appeler le président Bakiyev à la retenue et surtout à éviter de recourir à la force pour reprendre le contrôle de la situation;
     
  • la mission de l’OSCE à Bichkek devrait être prête à mettre à disposition, si besoin, des locaux en terrain neutre pour poursuivre les négociations entre le gouvernement et l’opposition;
     
  • le Secrétaire général de l’OSCE et le Représentant spécial de l’UE pour l’Asie centrale devraient se rendre immédiatement à Bichkek, essayer d’impliquer davantage de représentants de deux parties dans les négociations et proposer leur médiation pour trouver un mécanisme approprié pour arriver à un compromis sur un plan de renforcement des institutions; et
     
  • le gouvernement kirghiz et l’opposition, avec le soutien actif de la communauté internationale, devraient initier un programme de réconciliation nationale afin d’apaiser les tensions entre les différentes régions et factions du pays.

Au-delà du besoin urgent de mener une action diplomatique pour désamorcer la crise dans l’immédiat, l’OSCE, l’UE, la Russie, le Kazakhstan et les États-Unis doivent tous s’impliquer davantage pour aider à négocier et mettre fin à cette débâcle politique.

Bichkek/Bruxelles, 9 novembre 2006

I. Overview

Street battles between thousands of pro and anti-government protestors broken up by police billy clubs and tear gas in the central square of the capital this week illustrate dramatically that Kyrgyzstan is on the verge of political breakdown and possible civil war. The government and opposition have begun talks to pull the country back from the brink, and the president signed a new constitution on 9 November that the parliament had passed the previous day. But tensions are still high. The talks will need to be widened if they are to resolve the underlying dispute, which is centred on the division of power between the president and the parliament, and related issues. The international community should become much more active in preventive diplomacy because if a solution is not found quickly, Kyrgyzstan’s instability could easily affect other states in the fragile Central Asian region.

For much of this year, two groups have been competing for control:

  • the government, headed by President Kurmanbek Bakiyev, Prime Minister Feliks Kulov, First Deputy Prime Minister Daniyar Üsönov and State Secretary Adakhan Madumarov; and
     
  • the opposition movement “For Reforms!” (Za reformy!), led by parliamentarians including Ömürbek Tekebayev, Melis Eshimkanov and Azimbek Beknazarov; a number of former ministers in the Bakiyev administration, including Almazbek Atambayev and Roza Otunbayeva; and civil society activists such as Edil Baysalov.

A confrontation has been growing since the spring of 2006, with the opposition holding demonstrations in Bishkek and elsewhere, demanding political reforms. The troubles, which began over opposition demands for checks on presidential power, have taken on a regional character, with the government relying on support from the southern regions (particularly the provinces of Jalalabat and Osh), and the opposition relying heavily on support from the north (particularly the provinces of Chüy and Talas). The police and security forces are split between the two camps but so far they have been keeping both sides mostly apart in the capital.

The opposition had been holding large demonstrations in central Bishkek since 2 November, trying to force Bakiyev to approve a new constitution that would limit presidential powers and allow the largest block in parliament to form the government. Bakiyev, who under the constitution enjoys almost unlimited powers, refused. Both sides began rallying their supporters and what began as a dispute between political elites is rapidly drawing in larger numbers of ordinary citizens. The centre of the capital has been divided into two parts, with opposition supporters rallying at the main government compound, the “White House”, and government supporters gathering near the parliament building.

As further clashes appeared likely on 7 November, last-minute negotiations reduced tensions, but demonstrations from both sides are continuing and the possibility of conflict remains. The talks between Speaker of the Parliament Marat Sultanov and President Bakiyev produced agreement to present a compromise constitution to parliament, which adopted it on 8 November. President Bakieyev signed it the next day but it remains uncertain how he will implement it. Moreover, further action is required to shore up political processes. The truce remains very fragile.

Quick action is still needed from government, opposition and international community alike in order to take advantage of what may be no more than a brief lull. The following steps are needed:

  • the government and the opposition must both call on their supporters to vacate the squares in Bishkek they currently hold and urge their supporters in other parts of the country not to come to Bishkek to participate in demonstrations;
     
  • the EU, U.S., Russia, the Organisation for Security and Cooperation in Europe (OSCE) and UN (through the Secretary-General in the first instance) must each appeal to President Bakiyev for restraint, especially to avoid using force to bring the situation under control;
     
  • the OSCE mission in Bishkek should be prepared to provide, if needed, a neutral venue for continuing negotiations between the government and the opposition;
     
  • the OSCE secretary general and the EU special representative for Central Asia should immediately visit Bishkek, work to draw in to the talks more representatives from both sides, and offer to mediate efforts to find a suitable mechanism for reaching a compromise on a plan for institution building; and
     
  • the Kyrgyz government and opposition, with active international support, should embark on a program of national reconciliation to ease tensions between the country’s various regions and factions.

Beyond the urgent need for rapid diplomatic action to defuse the immediate crisis, the OSCE, EU, Russia, Kazakhstan and U.S. all need to be more fully involved in helping negotiate an end to the political breakdown.

Bishkek/Brussels, 9 November 2006

Subscribe to Crisis Group’s Email Updates

Receive the best source of conflict analysis right in your inbox.