Report / Europe & Central Asia 3 minutes

Chypre : Stopper la dérive vers la partition

Il serait bon que, en 2008, un effort particulier soit fait, avec les encouragements soutenus des Nations unies et de l’Union européenne (UE), pour mettre un terme à la querelle qui oppose de longue date Grecs et Turcs à propos de Chypre et aboutir à un règlement global de réunification de cette île.

  • Share
  • Enregistrer
  • Imprimer
  • Download PDF Full Report

Synthèse

Il serait bon que, en 2008, un effort particulier soit fait, avec les encouragements soutenus des Nations unies et de l’Union européenne (UE), pour mettre un terme à la querelle qui oppose de longue date Grecs et Turcs à propos de Chypre et aboutir à un règlement global de réunification de cette île. Toutes les parties auraient à y gagner. Pour les Chypriotes grecs, cela mettrait un terme à une situation prolongée d’insécurité, leur ouvrirait les portes de l’économie turque, la plus dynamique dans la région, et donnerait de la valeur à leur industrie des services en tant que foyer actif en Méditerranée orientale. Pour les Chypriotes turcs, cela leur permettrait de jouir des avantages du statut de membre de l’UE dont ils sont à présent largement privés. En ce qui concerne l’Union européenne, le litige entrave son fonctionnement sur des questions aussi diverses que la coopération avec l’OTAN en Afghanistan ou les importations de chaussures chinoises. Quant à la Turquie, un règlement permettrait de surmonter un obstacle majeur à sa convergence avec l’UE.

Si cet effort n’aboutit pas, la seule option restante risque d’être la partition. Un mouvement en ce sens s’est accéléré depuis 2004 lorsque le Plan Annan présenté par l’ONU, dans ce qui fut un renversement ironique des positions traditionnelles, a été accepté par les Chypriotes turcs mais a échoué suite au rejet des Chypriotes grecs ; le gouvernement chypriote grec a alors rejoint l’UE en tant que seul représentant de l’île divisé. Si quasiment aucune goutte de sang n’a été versée depuis l’invasion turque de 1974 et si l’éventualité d’un conflit violent reste tout à fait improbable, les événements de 2004 ont montré que les temps où l’on se reposait confortablement sur la perspective d’un statu quo relativement calme et que l’on préserverait indéfiniment sont bel et bien révolus.

Dans l’hypothèse où aucun règlement n’est trouvé, l’accélération de ce que l’on appelle sur place le processus de “Taïwanisation” sera inexorable, avec en bout de course la partition de l’île. L’ensemble des parties doivent accorder bien plus d’attention qu’elles ne l’ont fait jusqu’à présent aux inconvénients que comporterait une telle évolution. Les Chypriotes grecs devront composer avec une plus grande tolérance internationale envers l’autoproclamée République turque de Chypre du Nord, avec la perte d’une portion de territoire significative qui aurait été rendue par le nord dans le cadre d’un règlement, le stationnement permanent de troupes turques, l’accélération d’un boum immobilier chypriote turc sur les propriétés appartenant à des Grecs et l’arrivée sur l’île de nouveaux Turcs. Les Chypriotes turcs subiront pour leur part un développement plus lent, une lutte plus acharnée contre les éléments criminels qui tirent partie de leur isolement et la suspension indéfinie d’une bonne partie de leurs droits en tant que citoyens de l’UE. Quant à la Turquie, elle connaîtra une atmosphère troublée dans un certain nombre de discussions avec l’UE et l’OTAN, ce qui rendra d’autant plus difficile pour ses responsables de poursuivre des réformes économiques, juridiques et administratives supplémentaires.

Tout règlement global de réunification devra se fonder sur le principe d’un partage bizonal et bicommunautaire admis depuis longtemps par les parties et qui est au cœur des efforts de médiation de la part des Nations unies. Dans les deux camps, on pourrait s’accorder d’au moins deux tiers des 9 500 pages du plan Annan proposé par l’ONU et l’on peut facilement envisager des solutions aux questions litigieuses en suspens à la condition, comme toujours, que l’on rassemble la volonté politique d’engager des négociations constructives. Il faudra pour cela prendre un nouveau départ : depuis mars 2006, lorsque Crisis Group a publié son premier rapport sur Chypre, il est devenu apparent que le processus initialement prometteur qui se fondait sur l’accord du 8 juillet 2006 entre les responsables des deux communautés présentes sur l’île est dans une impasse totale.

La période qui suivra les élections présidentielles chypriotes grecques de février prochain pourrait offrir aux deux communautés une occasion de réaffirmer leur volonté d’entamer des négociations sérieuses. S’il est compréhensible qu’un certain scepticisme persiste dans certains milieux quant à ce que les résultats probables de ces élections soient propices à l’ouverture de telles négociations, il est important de ne pas préjuger de l’avenir. Dans les semaines à venir, des efforts maximum devraient être fournis, tant en interne qu’en externe, pour se concentrer sur les questions essentielles qui sont en jeu – les inconvénients d’une évolution accélérée vers la partition et les avantages d’un règlement global de réunification – et sur le processus qui permettra aux négociations d’avancer. C’est dans cet esprit que s’inscrit le présent rapport.

L’idéal serait que, aussi rapidement que possible après les élections, les responsables des deux camps rencontrent des représentants des Nations unies et manifestent un réel engagement à reprendre les négociations, engagement qui s’accompagnerait de mesures unilatérales d’instauration de la confiance. L’ONU dépêcherait alors une mission afin de mettre en place un cadre pour ces négociations. La Turquie devrait pour sa part ouvrir de façon unilatérale ses frontières portuaires et aéroportuaires au trafic chypriote grec. À cette ouverture succéderait rapidement une action de la part des Chypriotes grecs pour lever les obstacles qu’ils ont posés au commerce direct de l’UE avec les Chypriotes turcs. Aussi difficiles à prendre que ces mesures ne manqueront pas d’être, elles permettraient, prises dans leur ensemble, de créer une atmosphère dans laquelle des négociations auraient une véritable chance d’aboutir à un succès.

Nicosie/Istanbul/Bruxelles, 10 janvier 2008

Executive Summary

One more major effort, strongly encouraged by the UN and European Union (EU), should be made in 2008 to resolve the long-running dispute between ethnic Greeks and Turks on Cyprus and achieve a comprehensive settlement to reunify the island. All sides have much to gain from such a settlement. For the Greek Cypriots, it would end lingering insecurity, give them access to the Turkish economy, the most dynamic in the region, and increase their service industry’s value as an eastern Mediterranean hub. For Turkish Cypriots, it will mean being able to enjoy the benefits of EU citizenship of which they are presently largely deprived. For the EU, the unresolved Cyprus problem now hampers its functioning on issues as diverse as cooperation with NATO in Afghanistan and Chinese shoe imports. And for Turkey a settlement would overcome a major obstacle to its convergence with the EU.

If such an effort fails, the alternative is likely to be partition. Movement toward this has accelerated since 2004, when the UN’s Annan Plan, in an ironic reversal of long-held positions, was accepted by the Turkish Cypriots but collapsed due to Greek Cypriot rejection, and the Greek Cypriot government entered the EU as the sole representative of the divided island. While there has been almost no bloodshed since the Turkish invasion of 1974 and violent conflict remains highly unlikely, the events of 2004 have rendered obsolete the comfortable belief that the relatively tranquil status quo can be preserved indefinitely.

If no settlement is found, the process referred to locally as “Taiwanisation” will inevitably speed up, consolidating partition. All sides need to focus much more sharply than they have to date on the downsides of this. Greek Cypriots will experience growing international toleration of the self-declared Turkish Republic of Northern Cyprus, loss of significant land that would have been returned by the north in any settlement, permanent stationing of Turkish troops, acceleration of a Turkish Cypriot building boom on Greek-owned properties, and the arrival on the island of more Turkish settlers. Turkish Cypriots will experience slower development; a tougher struggle against criminal elements taking advantage of their isolation; and indefinite suspension of many of their rights as EU citizens. Turkey will face a troubled atmosphere in a wide range of its dealings with the EU and in NATO, making it much harder for its leaders to pursue additional economic, legal and administrative reforms.

Any comprehensive reunification settlement will need to be based on the bizonal and bicommunal principles that have been long understood by the parties and are at the heart of past UN mediation efforts. Both sides can live with at least two thirds of the 9,500-page UN Annan plan, and solutions can readily be envisaged to the outstanding matters in dispute if only, as ever, the political will can be summoned to engage in serious negotiations. That will require a fresh start: since March 2006, when Crisis Group first reported on Cyprus, it has become apparent that the initially promising process based on the 8 July 2006 Agreement between the leaders of the island’s two communities is wholly stalemated.

The period following the Greek Cypriots’ February 2008 presidential election may offer both communities an opportunity to reestablish their will to engage in meaningful negotiations. While there is understandable scepticism now in many quarters as to whether any likely outcome of that election will be conducive to such negotiations, it is important that this issue not be pre-judged. In the weeks ahead maximum efforts should be made, internally and externally, to focus on the substantive matters at stake – the disadvantages of an accelerated move to partition and the advantages of a comprehensive reunification settlement – and the process by which negotiations might be advanced. This report is written in that spirit.

The ideal outcome would be for the leaders of both sides, as soon as possible after the election, to meet and signal to the UN a real commitment to restart talks, backing this up with unilateral confidence-building measures (CBMs). The UN should then send a mission to establish a framework for subsequent face-to-face talks between the leaders. At that point Turkey should unilaterally open its seaports and airports to Greek Cypriot traffic, followed quickly by action from the Greek Cypriots to remove the obstacles they have created to EU direct trade with the Turkish Cypriots. Difficult as they no doubt will be to achieve, such measures, taken together, would create an atmosphere in which negotiations would have a realistic chance of succeeding.

Nicosia/Istanbul/Brussels, 10 January 2008

Subscribe to Crisis Group’s Email Updates

Receive the best source of conflict analysis right in your inbox.