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Élections en Haïti: L’opportunité d’un report

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Résumé

Le gouvernement de transition haïtien a reporté la date des élections présidentielles et parlementaires au 27 décembre. Toutefois, cette décision ne parait pas offrir les garanties suffisantes pour qu’un nouveau gouvernement légitime puisse prendre ses fonctions à la date prévue par la Constitution, c'est-à-dire le 7 février. Hâter ces élections afin qu’elles aient lieu au moment des congés de Noël ferait courir des risques importants au scrutin: le taux de participation serait très certainement décevant, les observateurs internationaux en nombre insuffisant, et le temps consacré à sa préparation serait trop court pour résoudre de graves problèmes d’organisation et de sécurité. Le gouvernement haïtien et la communauté internationale devraient plutôt chercher à s’assurer de la crédibilité de la procédure, en reportant d’un mois la date des élections. Le transfert du pouvoir aurait alors lieu en mars 2006.

Près de 75 pour cent des électeurs potentiels d’Haïti sont allés s’enregistrer sur les listes électorales, les campagnes présidentielle et parlementaire sont lancées et une personnalité forte a enfin été nommée pour superviser le processus électoral. Malheureusement, la conjonction d’autres facteurs amoindrit ces avancées. Peu nombreux sont les électeurs inscrits qui ont reçu leur carte. La violence et l’insécurité demeurent des menaces quotidiennes dans de nombreuses zones. En outre, certaines candidatures pour les élections présidentielle et parlementaire ont été validées au dernier moment, ce qui a accru la confusion générale. L’éducation civique a été minimale et pratiquement personne n’a encore été recruté pour le décompte des voix. Ces disfonctionnements ont déjà conduit à deux reports successifs des élections.

Les retards et les incertitudes ont entravé la campagne électorale. Il a fallu attendre le 11 novembre pour connaître la liste finale des candidats qualifiés pour se présenter à la présidentielle. Deux concurrents ont été disqualifiés du fait de leur double citoyenneté. Les retards, parfois délibérés, ont principalement été le fait de luttes de pouvoir entre des éléments du gouvernement de transition, de l’opposition de gangs criminels et politiques, ainsi que d’obstacles bureaucratiques. La communauté internationale a trop tardé à trouver le bon équilibre entre carottes et bâtons pour obtenir des élections crédibles, ce qui importe plus que le respect du calendrier initialement fixé.

Reporter les élections d’un mois constituerait une première étape essentielle. Ensuite, la réussite des élections nécessite d’agir sur trois fronts:

Restructuration du processus électoral. La communauté internationale, en particulier les Nations Unies, les États-Unis, la France, le Canada, et les gouvernements d’Amérique latine qui composent la Mission des Nations Unies de stabilisation en Haïti (MINUSTAH), doivent immédiatement exercer une pression significative pour mettre fin aux disputes internes haïtiennes et aux tactiques de blocage du processus. La validité des candidatures doit être confirmée, non seulement pour l’élection présidentielle, mais également pour les élections parlementaires et locales. Les bureaux de vote doivent être mis en place, les bulletins imprimés, le personnel électoral recruté et formé. De même, les observateurs internationaux doivent être enregistrés pour toute la durée du processus électoral, depuis la campagne jusqu’à l’inévitable procédure d’appel qui suivra l’annonce des résultats.

Si la préparation des élections échoue de nouveau, la première option consisterait en une prise en charge internationale du processus électoral, avec adoption d’une résolution au Conseil de Sécurité. Ainsi, en cas de pratiques électorales assorties de corruption, de liens criminels ou d’encouragement à la violence, des sanctions ciblées, telles que le retrait de visas, la saisie de biens et d’avoirs financiers dans tous les pays, seraient autorisées contre les responsables. Un nombre non négligeable d‘Haïtiens influents possèdent la double citoyenneté et résident aux USA, en France ou au Canada. Une telle menace pourrait très certainement encourager la coopération qui manquait jusqu’à présent au processus de transition.

Sécurité. La MINUSTAH doit appliquer le mandat du Conseil de Sécurité concernant le désarmement et la démobilisation des groupes armés, en commençant par des villes en zone rurale et des banlieues sélectionnées avec soin. Il est également nécessaire que la Police des Nations Unies (UNPOL) exerce son autorité de contrôle selon ce même mandat, pour obtenir de la Police Nationale d’Haïti (PNH) qu’elle relève de leurs fonctions et interpelle tous les agents que l’UNPOL a reconnu responsables de violences criminelles. Si le gouvernement de transition continue à bloquer cette action, le Conseil de Sécurité devra réagir en octroyant à la MINUSTAH un contrôle total des forces de police.

Afin de porter un coup direct aux fauteurs de trouble impliqués dans la contrebande et l’évasion douanière, au moins l’un des ports devrait être placé sous contrôle international. Cela pourrait également mettre fin au financement suspect de certains candidats par des réseaux criminels. Afin de prouver que la MINUSTAH dispose de la force nécessaire pour mener ces actions, les États-Unis devraient annoncer qu’ils ont désigné une force navale constituée de marines “à déploiement immédiat”, prête à intervenir si cela s’avère nécessaire.

Accords politiques. Afin que les élections puissent être vécues comme le début d’une nouvelle ère politique, il faut redoubler d’efforts dans l’élaboration d’un pacte de gouvernance nationale. La réconciliation a été douloureusement absente du processus de transition. A partir du code de conduite électoral que les partis ont déjà signé avec le soutien de la MINUSTAH, il est nécessaire de s’appuyer sur le gouvernement qui découlera de ces élections afin de signifier que l’impasse politique qui a précédé est de l’histoire ancienne. Une possibilité consisterait à prolonger l’accord passé entre les candidats clefs ayant franchi l’étape du premier tour. Cet accord se concentrerait alors sur quelques priorités, telles que l’éducation nationale, une des grandes infrastructures (le réseau routier par exemple) et la corruption.

Port-au-Prince/Bruxelles, le 25 Novembre 2005

I. Overview

The transitional Haitian government’s postponement of presidential and parliamentary elections to 27 December leaves it still unlikely that a new and legitimate government can be installed by the constitutionally mandated target of 7 February 2006. Rather than rush the elections over the Christmas holidays – risking low turnout, insufficient international observation, and not enough time to fix serious organisational and security problems – the government and the international community should ensure a credible procedure by delaying the process one month, with the transfer of power taking place in March 2006.

Nearly 75 per cent of the eligible voters have been brought on to voter rolls, presidential and parliamentary campaigns are in motion, and a strong manager finally has been appointed to orchestrate the election. Unfortunately, a convergence of other factors has offset those gains. Few of those registered voters have received their voter ID cards, and violence and insecurity are daily concerns in many areas. In addition, last minute qualifying of presidential and parliamentary candidates has added to public confusion, civic education has been minimal and almost no one has been hired yet to count ballots. Those failures have led to two postponements already.

Delays and uncertainties have hindered campaigning. A final decision on qualified presidential candidates was made only on 11 November. Two contenders were disallowed because of dual citizenship, while the delays (some intentional) largely resulted from power struggles among elements of the transitional government, opposition by criminal and political gangs, and bureaucratic snags. The international community has been too slow in finding the right mix of carrots and sticks to force not merely timely but, far more importantly, credible elections.

Once the first, essential step of a month’s postponement is taken, action is needed on three fronts for successful elections:

  • Electoral restructuring. Immediate, meaningful pressure is required from the international community, primarily the UN, the U.S., France, Canada and the Latin American governments forming the UN Mission for the Stabilisation of Haiti (MINUSTAH), to end the internal Haitian disputes and delaying tactics. Not only presidential but also parliamentary and local candidates have to be finally confirmed, voting centres set up, ballots printed, voting officials hired and trained, and international observers enlisted for the entire process from campaign through the inevitable appeal of the results. If the process falters again, options begin with a new Security Council resolution mandating a virtual international takeover of the election process. This should authorise – in the event that electoral misconduct involves corrupt practices, criminal links or support for violence – targeted sanctions against those responsible, including review of their travel visas, assets and financial holdings in all countries. Given the many influential Haitians with dual citizenship in the U.S., France and Canada, the threat of that action might well encourage the kind of cooperation that has been lacking in the transition to date.
     
  • Security. MINUSTAH needs to begin implementing the existing Security Council mandate for disarmament and demobilisation of armed groups, starting in carefully selected towns in the countryside and in urban neighbourhoods. At the same time, the UN Police (UNPOL) should exercise their vetting authority under that mandate and direct the Haitian National Police (HNP) to suspend and detain all officers identified by UNPOL as responsible for criminal violence. If the transitional government continues to block that action, the Security Council will need to respond by giving MINUSTAH full control of the police. To strike a direct blow at the spoilers involved in smuggling and customs evasion, at least one port should be placed in international hands. That also might cut suspected financing of some political candidates by criminal networks. To demonstrate that MINUSTAH has the muscle for these actions, the U.S. should announce it has designated an “over the horizon” force of ship-based Marines to assist if necessary.
     
  • Political accords. If the elections are to be seen as opening a new chapter of political opportunity, efforts should be renewed to pursue a national governance pact. Reconciliation has been sorely missing from the transition process. Building on the election code of conduct the parties already have signed with MINUSTAH’s support, a focus on the post-election government could send a message that the old political stalemate has been broken. One option would be to pursue agreement among the key surviving candidates after the first round of voting on a few priorities, such as public education, a physical infrastructure element like roads and tackling corruption.

Port-au-Prince/Brussels, 25 November 2005

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