Report / Latin America & Caribbean 2 minutes

Équateur : vaincre l’instabilité ?

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Synthèse

Depuis une décennie, l’Équateur est la démocratie la plus instable d’Amérique Latine. Avec comme point de départ la destitution du président Abdalá Bucaram par le Congrès suivie de manifestations en 1997, des gouvernements faibles et temporaires se sont depuis succédés. En l’an 2000, Jamil Mahuad fut renversé par un coup d’État civilo-militaire et, en 2005, des manifestations provoquèrent le renvoi de Lucio Gutiérrez, qui avait facilité la destitution de Mahuad. Le gouvernement de Rafael Correa, du mouvement Alianza País (AP), entré en fonction au mois de janvier et qui jouit d’indices de satisfaction record, pratique la « thérapie de choc » pour écraser une opposition discréditée et jeter les fondements d’une assemblée constituante qui devrait générer un « changement profond, radical et rapide ». Cela a déclenché l’une des plus âpres confrontations entre les branches du gouvernement depuis le retour à la démocratie en 1979. Au mois de mars, la Cour électorale destitua 57 membres de l’opposition au Congrès, ce qui déclencha des émeutes. Pour rétablir la stabilité dans ce pays en difficulté, Correa aura besoin de s’attacher davantage à faire respecter l’État de droit, en faisant de l’assemblée constituante un terrain de jeu égalitaire et en dégageant un consensus qui lui permettra d’engager des réformes fondamentales.

L’instabilité chronique est liée à la dégradation progressive de l’État de droit. Le droit de veto de grands groupes économiques et des partis au Congrès et dans les affaires juridiques a été renforcé, de même que l’influence des mouvements sociaux, notamment des organisations indigènes et, dernièrement, celle de certains secteurs des classes moyenne et moyenne supérieure dans les grandes villes, à Quito en particulier. L’armée conserve son influence officieuse mais pourrait être plus réticente à intervenir directement que par le passé si l’ordre public n’est pas au bord du gouffre. Si la crise économique et bancaire des années quatre-vingt-dix, qui a été décisive dans la chute de Mahuad, a été surmontée grâce à l’introduction du dollar comme seule monnaie officielle en l’an 2000, et si la croissance économique est constante, des questions relatives à leur durabilité doivent être posées. Si les prix du pétrole diminuent, l’environnement incertain des investissements et le déclin de la production de l’entreprise étatique PetroEcuador pourraient voir le retour à la stagnation économique. Correa s’applique à lutter contre l’opposition et à créer l’assemblée constituante. Nul ne sait s’il saura trouver le consensus nécessaire à la sortie de crise de l’Équateur, surtout au mépris de l’hostilité des élites.

L’instabilité remonte à la conception du système institutionnel élaboré à la restauration de la démocratie et dans la dette extérieure que le pays cumule depuis le boom pétrolier des années soixante-dix. Depuis, le manque de solides majorités parlementaires et l’exclusion d’importantes franges de la société, notamment les indigènes, ont empêché toute planification à long terme mais aussi la lutte contre la corruption, le clientélisme politique et les activités de recherche de rente encouragées par l’abondance de pétrole. En 1997-1998, le président par intérim Fabián Alarcón tenta de rétablir la capacité à gouverner grâce à une nouvelle Constitution. Ce fut un échec, et l’on peut au moins se demander si le projet de Correa d’introduire des réformes d’envergure à l’aide d’une nouvelle Constitution sera plus efficace. L’histoire a montré que les problèmes de l’Équateur ne peuvent être résolus uniquement par un processus constitutionnel et que les élites intransigeantes et les partis traditionnels feront tout ce qui est en leur pouvoir pour conserver leurs privilèges.

Pour réussir, Correa devra :

  • faire respecter l’État de droit et garantir la séparation des pouvoirs ;
     
  • préparer les élections de l’assemblée constituante en toute transparence et en assurant des garanties à l’opposition ;
     
  • rechercher le consensus avec l’opposition sur des points clef du nouveau projet constitutionnel qui sera élaboré par l’assemblée constituante, dont des réformes économiques ;
     
  • faire progresser l’institutionnalisation et la démocratisation d’Alianza País ainsi que celle des mouvements sociaux et politiques ; et
     
  • élaborer, avec une large participation citoyenne, un plan de développement national économiquement viable pour la période 2007-2011.

Bogotá/Bruxelles, 7 août 2007

Executive Summary

Ecuador has been Latin America’s most unstable democracy for a decade. Starting with the ousting of President Abdalá Bucaram by Congress and street protests in 1997, weak, temporary governments have been the rule. In 2000, Jamil Mahuad was toppled by a civilian-military coup, and in 2005, protests brought down Lucio Gutiérrez, who had helped oust Mahuad. The government of Rafael Correa of the Alianza País (AP) movement, who took office in January and enjoys record-high approval ratings, is applying “shock therapy” to overwhelm the discredited opposition and pave the way for a constituent assembly (CA) intended to produce “profound, radical and fast change”. This triggered one of the sharpest clashes between branches of government since the return to democracy in 1979, including the Electoral Court’s firing of 57 opposition members of Congress in March, accompanied by street violence. To restore stability to the troubled country, Correa will need to pay more attention to upholding the rule of law, ensuring a level CA playing field and building consensus for fundamental reforms.

Chronic instability has been linked to progressive undermining of the rule of law. Veto power of powerful economic groups and the parties in Congress and the judiciary has been strengthened, as has the street power of social movements, in particular indigenous organisations, but lately also sectors of the middle and upper-middle class in large cities, especially Quito. The military retains its behind-the-scenes influence but may be more reluctant to intervene directly than in the past unless collapse of public order is imminent. While the economic and banking crisis of the late 1990s, central to Mahuad’s fall, was patched over by introducing the dollar as the official currency in 2000, and economic growth is steady, there are sustainability questions. If oil prices fall, the uncertain investment environment and declining production of state-owned PetroEcuador could bring back economic stagnation. Correa is focused on fighting the opposition and making the CA happen. It is uncertain whether he could build the necessary consensus to steer Ecuador out of crisis, especially in the face of hostility from the elites.

Instability’s roots trace back to the institutional framework established during the return to democracy and the foreign debt accumulated at the start of the oil boom in the 1970s. Since then, lack of stable congressional majorities and the exclusion of important segments of society, in particular the indigenous, have prevented long-term planning, and an effective attack on corruption, patronage politics and rent-seeking attitudes fostered by oil wealth. In 1997-1998, interim President Fabián Alarcón tried to restore governability with a new constitution. He failed, and it is at least questionable whether Correa’s plan to introduce sweeping reforms by a new constitution will fare better. History shows Ecuador’s problems cannot be solved solely by constitutional engineering and that the intransigent elites and traditional parties will do everything in their power to protect their privileges.

If he is to succeed, Correa will need to:

  • uphold the rule of law and guarantee the separation of powers;
     
  • prepare the CA election with full transparency and guarantees for the opposition;
     
  • seek consensus with the opposition on key points of the new constitutional framework to be elaborated by the CA, including economic reforms;
     
  • advance institutionalisation and democratisation of Alianza País and the social and political movements; and
     
  • elaborate, with broad citizen participation, an economically viable National Development Plan 2007-2011.

Bogotá/Brussels, 7 August 2007

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