Briefing / Latin America & Caribbean 4 minutes

Haïti: Les élections pourront-elles avoir lieu en 2005?

De nombreux obstacles sécuritaires, politiques et techniques doivent être surmontés très rapidement ou les élections en Haïti -- locales et municipales en octobre, parlementaires et présidentielles en novembre -- devront être reportées.

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RESUME

De nombreux obstacles sécuritaires, politiques et techniques doivent être surmontés très rapidement ou les élections en Haïti -- locales et municipales en octobre, parlementaires et présidentielles en novembre -- devront être reportées. La Mission des Nations Unies de Stabilisation en Haïti (MINUSTAH), les autres acteurs internationaux et le gouvernement de transition doivent accélérer l'enregistrement des électeurs, persuader les citoyens que voter est important, et désarmer les gangs et les ex-militaires. Autrement, la participation ne sera probablement pas satisfaisante, la crédibilité des résultats en souffrira, et la légitimité du gouvernement sera mise en question.

Dix-huit mois après que l'ancien Président Aristide ait été contraint de quitter le pays, la situation en Haïti demeure dangereuse et instable. Aussi inquiétants sont le désenchantement, l'apathie et l'ignorance vis-à-vis du processus électoral manifestés par la plupart de la population, qui illustrent ainsi l'incapacité de la période de transition à créer de nouveaux emplois, de meilleurs services et un niveau de sécurité plus élevé.

Des élections crédibles sont une étape essentielle dans une phase de transition réussie, mais ne signifient pas son achèvement. Cependant, les élections ne constitueront une avancée vers la stabilité démocratique seulement si les citoyens comprennent les institutions qu'ils sont censés faire naître de leur vote, si le processus électoral laisse s'exprimer la volonté populaire, si les mécanismes électoraux allant de l'enregistrement au contrôle et comptage des voix fonctionnent convenablement, et si la sécurité permet aux candidats qui veulent se présenter et aux citoyens qui veulent voter de le faire sans risquer leur vie.

La MINUSTAH, l'Organisation des États Américains (OEA), les principaux bailleurs et les forces politiques haïtiennes doivent reconnaître que ces conditions sont loin d'être réunies aujourd'hui. Seules des mesures urgentes sont susceptibles de créer ces dernières et permettre la tenue d'élections acceptées par la majorité des Haïtiens et la communauté internationale. La MINUSTAH et l'OEA estiment que de telles mesures seront adoptées, et que des élections appropriées auront lieu. C'est la légitimité du prochain gouvernement et non nécessairement l'adhérence à un calendrier électoral ambitieux établi il y a des mois par le Conseil Électoral Provisoire (CEP), qui est l'objectif à atteindre.

Les conditions préélectorales devront pour l'essentiel être établies à la date que le CEP fixera pour lancer la campagne -- probablement fin août. Sans quoi, un nouveau calendrier devrait alors être fixé, en reportant les élections locales mais de manière à ce que le nouveau gouvernement puisse encore entrer en fonction le 7 février 2006 comme prévu. Toutefois, si les conditions sont telles que les élections paraissent imposées et très aléatoires, alors même cette date ne devrait pas être considérée comme absolue.

Sécurité. Des mesures de sécurité suffisantes doivent être mises en place afin de permettre au processus politique de se dérouler de façon relativement sûre à travers tout le pays. Les enlèvements crapuleux mais aussi politiques perpétrés par des gangs urbains armés ont atteint des niveaux historiques. Depuis septembre 2004, il y a eu près de 800 personnes tuées, notamment des victimes de querelles politiques, liées au trafic de drogues ainsi qu'aux rivalités entre groupes armés. Les citoyens ne se sentent pas en sécurité dans la plupart des alentours de Port-au-Prince, où vivent près d'un tiers des électeurs.

La MINUSTAH devrait poursuivre ses tactiques plus actives adoptées récemment visant à contrer et affronter les gangs armés dans les vastes bidonvilles qui hébergent la majorité des habitants de la capitale -- mais elle devrait le faire d'une façon plus ciblée. Il faut pour cela davantage de soldats, en particulier le déploiement de la force de réaction rapide approuvée par le Conseil de Sécurité en juin. Le temps est compté, et les États-Unis, la France et le Canada -- les principaux acteurs de la force intérimaire multinationale qui s'est chargée de la phase initiale du maintien de la paix en 2004 -- devraient fournir des forces mobiles pour soutenir la MINUSTAH et renforcer au plus vite sa composante de police civile (CIVPOL).

Lors du coup d'envoi de la campagne électorale, la MINUSTAH et sa CIVPOL devront également appliquer le mandat du Conseil de Sécurité pour réformer et certifier la Police Nationale d'Haïti (PNH), dont les mauvais éléments à la fois entachent cette force et ternissent l'image de l'ONU dans ce pays.

Le désarmement, la démobilisation et la réinsertion (DDR) des membres de l'ex-armée haïtienne sont nécessaires à l'échelle du pays, même si ces derniers forment désormais de petites bandes clairsemées. Un processus similaire devrait être mis en place pour les gangs urbains, dont la plupart des membres sont jeunes, désespérés et manipulés. Les deux processus devraient offrir des indemnités en cas de coopération, et une application implacable de la loi en cas de non coopération.

Participation politique. La raison d'être des élections échappe à de nombreux citoyens du fait de l'absence d'une campagne d'éducation civique; le dialogue national intermittent n'a débouché sur aucun agenda commun pour le futur du pays. L'absence de compromis a été soulignée par l'utilisation qu'a fait le gouvernement de transition de ses pouvoirs pour persécuter les anciens partisans et dirigeants Lavalas, tels que Yvon Neptune, dans la plupart des cas sans charges ou procès. Accepter la conduite d'un processus en bonne et due forme est vital pour que les éléments modérés de Lavalas soient incités à rompre avec l'aile dure du parti et à participer aux élections.

Processus électoral. Le soutien de l'ONU et l'OEA au processus électoral a été lent à se mettre en place, largement en raison des manœuvres politiques du CEP lui-même, lequel n'a pas encore émis de directives en matière de financement des partis, défini les procédures d'appel, ou choisi la date de lancement de la campagne électorale. La loi électorale n'a pas été passée avant le 3 février 2005, l'enregistrement a débuté en avril mais à la fin juillet beaucoup de centres d'enregistrement n'étaient pas encore ouverts. Au 28 juillet, avec la fin de la période d'enregistrement fixée au 9 août, quelques 870 000 électeurs, soit un cinquième du nombre total estimé, étaient enregistrés et pas un n'avait encore reçu la nouvelle carte électorale exigée pour voter. Pas plus qu'il n'y avait de partis ayant pleinement satisfait les critères requis pour présenter des candidats; le CEP devra repousser la date de fin d'enregistrement ou bien assouplir les critères imposés à la participation des partis.

Le financement, la planification, et la formation des observateurs nationaux et internationaux ainsi que l'organisation de leur sécurité sont d'autres aspects du processus électoral qui restent en suspens, bien que de récentes promesses semblent avoir réduit à moins de 4 millions de dollars le déficit dans un budget électoral qui s'élève à 60,7 millions de dollars.

Les élections en Haïti ne doivent pas être vues (sans parler de leur crédibilité) comme l'épilogue de la transition mettant fin à la présence des soldats de la paix et autorisant les donateurs de changer leurs priorités. Le pays requiert un engagement international à long terme. Si le calendrier actuel ne peut pas être respecté, alors un report, d'abord des élections locales, et pas seulement une extension de la période d'enregistrement, sera nécessaire. La date du 7 février 2006 fixée par la constitution lors de laquelle le nouveau président et le nouveau parlement prêteront serment, pourrait également être différée si nécessaire. Dans un pays qui glisse chaque jour davantage vers le statut permanent d'État en faillite et dont la constitution a été largement ignorée pendant des années, s'accrocher à une date symbolique ne doit pas être la première priorité.

Port-au-Prince/Bruxelles, 3 août 2005

I. Overview

Massive technical, political and security obstacles must be overcome very quickly or Haiti's elections -- municipal and local in October, parliamentary and presidential in November -- will have to be postponed. In particular the UN mission (MINUSTAH), other international actors and the transitional government need to move faster at registering voters, persuading the failed state's citizens that the exercise is meaningful, and disarming both urban gangs and former military. Otherwise, turnout is likely to be unsatisfactory, credibility of the outcome will suffer, and the government's legitimacy will be in question.

Eighteen months after former President Aristide was forced out of the country, Haiti remains insecure and volatile. Equally disturbing is the disenchantment, apathy and ignorance about the electoral process of much of the population, a reflection of the failure of the transition to produce new jobs, better services and greater security.

Credible elections are an essential stage in a successful transition, not the definition of its completion. However, the votes will mark progress toward democratic stability only if citizens understand the institutions they are to produce, the electoral process permits expression of the popular will, the electoral mechanisms from registration to vote counting and monitoring are properly managed, and security allows candidates who want to run and citizens who want to cast ballots the opportunity to do so without high risk.

MINUSTAH, the Organisation of American States (OAS), major donors, and Haiti's political forces must recognise that those conditions are largely absent today. Only urgent measures to create them can possibly produce elections accepted by the majority of Haitians and by the international community. MINUSTAH and the OAS believe that those measures will be taken, and adequate elections held. The legitimacy of the next government and not necessarily adherence to an ambitious calendar set months ago by the country Provisional Electoral Council (CEP), however, is the beacon that needs to be pursued.

The critical pre-electoral conditions essentially will have to be in place by the date the CEP sets for the start of the actual campaign -- likely the end of August. Otherwise, a new calendar should be set, initially postponing local elections in a way that still permits the new government to take office, as planned on 7 February 2006. However, even that date should not be considered absolute if conditions are so poor that elections would be forced and badly flawed.

Security. Sufficient security must exist to permit the political process to unfold in relative safety throughout the country. Criminal but also political kidnappings by urban armed gangs have reached historic highs. There have been almost 800 killings, including the victims of political, drug-inspired, and turf-related battles, since September 2004. Citizens do not feel safe in most neighbourhoods of Port-au-Prince, which contains almost a third of all voters.

MINUSTAH should continue its recent more active tactics to counter and confront -- but in a more targeted fashion -- the armed gangs in the vast slums that are home to the majority of the capital's inhabitants. That requires more troops, particularly the rapid reaction force the Security Council approved in June. Time is running out, and the U.S., France and Canada -- the major participants in the multi-national interim force that undertook the initial phase of peacekeeping in 2004 -- should offer mobile forces to bolster MINUSTAH and expand its civilian police (CIVPOL) component now.

By the start of the campaign, MINUSTAH and its CIVPOL also will have to enforce the Security Council mandate to vet the Haitian National Police, whose bad elements both stain that force and tarnish the UN image in the country.

Disarmament, demobilisation and reintegration (DDR) of the former Haitian military is needed nationwide, even if they are now only small disconnected bands, and a similar process should be instituted for the urban gangs, most of whose members are young, desperate and being used by others. Both processes should involve benefits for compliance and the full force of law for defiance.

Political Participation. Civic education has not explained to many citizens the rationale for elections; nor has the on-again, off-again national dialogue produced a common agenda for the future. The absence of compromise has been underscored by the transitional government's use of its power to persecute former Lavalas leaders and supporters, such as Yvon Neptune, mostly without charge or trial. Remedying denial of due process is vital if Lavalas moderates are to be encouraged to break with the party's hardliners and participate in the elections.

Electoral Process. UN and OAS support for holding the elections was slow to develop, largely because of the political manoeuvres of the CEP itself, which has not yet issued rules on party financing, defined the procedures for appeals, or picked the date when campaigning is to begin. The electoral law was not passed until 3 February 2005, registration began in April but at the end of July many registration centres were not yet open. By 28 July and with registration scheduled to end on 9 August, some 870,000 voters, one fifth of the estimated total, had registered, and none had yet received the new national identity card required to vote. Nor have any parties yet fully met the requirements to field candidates; the CEP will have to extend the registration deadline or otherwise amend its requirements for any parties to participate.

Funding, planning for and training national and international monitors as well as organising their safety are other parts of the electoral process which remain up in the air, though Recent pledges appear to have reduced the shortfall in the $60.7 million election budget to less than $4 million.

Elections in Haiti must not be seen as a box to be ticked off, regardless of their credibility -- the concluding chapter of the transition permitting peacekeepers to exit and donors to shift priorities. The country requires a long-term international commitment. If the current timetable cannot be respected, however, a temporary postponement, initially of the local elections and not only extension of the registration process, will be required. The constitutionally designated date of 7 February 2006, when the new president and parliament are to be sworn-in, could also be postponed if necessary. In a country that is slipping every day towards permanent failed state status and whose constitution has been largely ignored for years, keeping a symbolic date must not be the first priority.

Port-au-Prince/Brussels, 3 August 2005

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