Report / Latin America & Caribbean 2 minutes

Consolider la stabilité en Haïti

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Synthèse

La sécurité et la stabilité d’Haïti demeurent fragiles. Le président René Préval a mis en place des politiques de réforme des secteurs de la sécurité, de la police, de la justice et des prisons mais leur mise en œuvre est lente, difficile et incertaine à cause de la faiblesse de l’État et des décennies sinon des siècles d’abandon institutionnel. Son premier et véritable succès consiste à avoir démantelé les gangs les plus durs de Port-au-Prince. Mais pour qu’il soit durable, il s’agit d’instituer une Police nationale d’Haïti (PNH) en confiance avec la population, et ce sous la supervision de la mission de maintien de la paix des Nations unies (MINUSTAH). De plus, un climat favorable au développement des infrastructures et de l’économie doit être assuré dans les quartiers pauvres de la capitale, et des processus similaires de redressement et de reconstruction doivent être étendus à tout le pays.

L’assistance transitoire et post-conflit commence tout juste à arriver dans la capitale, dont les communes ne ressentent toujours pas le début d’une ère nouvelle. La coordination entre les bailleurs de fonds et le gouvernement n’est pas encore efficace : à Cité Soleil, où les gangs avaient imposé leur loi, un temps précieux a été perdu dans d’interminables négociations censées déterminer où et quand la PNH devrait établir une présence permanente. La majorité des membres de gang les plus recherchés ont été arrêtés ou tués mais certains ont déjà monnayé leur sortie de prison ou été remplacés par des lieutenants plus jeunes et tout aussi violents. D’autres encore se cachent. Plus d’une dizaine de règlements de compte, notamment des lynchages, se sont produits à Cité Soleil depuis janvier 2007. Le processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) et d’autres programmes de réduction de la violence communautaire sont trop lents. Il est urgent que les initiatives de consolidation de la paix apportent revenus, services de base et espoir à ces communautés.

Afin de consolider la stabilité, Haïti doit également mettre fin à l’impunité et aux manipulations politiques du secteur de la justice et assurer à la fois des procédures légales efficaces et la responsabilité face à la loi. Parmi les actions à court terme, il faut mettre en place une chambre criminelle spécialisée pour traiter certains crimes graves, mener des enquêtes indépendantes, engager des poursuites et commencer les procès de suspects impliqués dans les assassinats et meurtres politiques les plus sensibles de la dernière décennie. Toutes ces étapes ne seront franchies qu’avec le franc soutien du président et du Premier ministre Jacques Edouard Alexis. Il est également essentiel que le Parlement vote rapidement les lois sur la réforme de la justice. Les améliorations à long terme exigent l’accord des bailleurs de fonds et du gouvernement sur l’échéance et les indicateurs des changements à entreprendre en matière de pratiques juridiques, en vue de lier de futurs financements aux progrès de leur mise en œuvre.

Les structures étatiques sont toujours extrêmement faibles, en particulier à tous les niveaux locaux, dont le nombre et la complexité aggravent l’inefficacité de la gouvernance. La décentralisation est importante et devrait être poursuivie mais un consensus national en matière de changements, y compris sur des amendements constitutionnels si nécessaire, est tout aussi fondamental. Il faut qu’Haïti dispose d’un système de gouvernance locale rationnel à la hauteur de ses moyens sans devoir dépendre de subventions extérieures massives.

La perception des recettes, les caisses de l’État et la croissance économique s’améliorent, et l’inflation et les taux de change sont maîtrisés, mais le citoyen lambda n’a ressenti aucune amélioration de ses conditions de vie. Les recettes douanières restent en-dessous de leur niveau potentiel à cause de la corruption et de la contrebande. De même, le manque de capacités administratives limite les possibilités pour les 140 municipalités d’imposer et de percevoir des droits et taxes locaux, et par là-même les empêche de répondre aux besoins locaux. Cette lacune est d’autant plus visible dans les communautés rurales quasiment laissées à l’abandon où vivent 60 pour cent de la population.

Les ministères et institutions publiques doivent accélérer les dépenses et investissements publics et activer une rénovation massive des infrastructures. Beaucoup de créations d’emplois et de projets d’investissement ont été prévus mais n’ont pas pris forme. Ceux qui réussissent sont susceptibles de provoquer un changement culturel et d’apporter de nouvelles pratiques de gouvernance locale mais restent des efforts isolés et doivent encore s’étendre à tout le pays. Le président Préval a récemment affirmé que l’éradication de la corruption à tous les niveaux du gouvernement était sa priorité. Mais, comme pour beaucoup d’autres initiatives capables d’empêcher le pays de glisser à nouveau dans un chaos trop familier alors que l’attention internationale se détourne inexorablement, bien peu a encore été fait.

Port-au-Prince/Bruxelles, 17 juillet 2007

Executive Summary

Haiti’s security and stability remain fragile. President René Préval has endorsed national policies for security, police, justice and prison reform, but a weak state and decades, if not centuries, of institutional abandonment, make implementation slow, difficult and uneven. His first real success has been the dismantling of the toughest gangs in Port-au-Prince, but for this to be sustainable a community-friendly Haitian National Police (HNP) needs to be built under the security umbrella provided by the UN peacekeepers (MINUSTAH), infrastructure and economic opportunity must appear in the capital’s poor neighbourhoods, and comparable recovery and reconstruction have to be extended across the country.

Post-conflict and transitional assistance is only starting to trickle into the capital, whose communes have still not perceived the start of a new era. Likewise, donor and government coordination is not yet efficient: in Cité Soleil, one of the main areas wrested from the gangs, vital time has been wasted in prolonged negotiations about where and when the HNP would establish its permanent presence. The majority of the most-wanted gang members have been killed or arrested but some have already paid their way out of prison or been replaced by younger, no less violent lieutenants, and others are in hiding. More than a dozen private incidents of revenge, including lynchings, have occurred in Cité Soleil since January 2007. Disarmament, demobilisation and reintegration (DDR) and other community violence reduction programs have been too slow. Peacebuilding initiatives are required that bring income, community services and hope to these communities quickly.

To embed stability Haiti must also halt political manipulation of the justice sector, end impunity and assure both accountability and due process of law. Short-term actions include establishing a special criminal court chamber to handle certain serious crimes, as well as non-partisan investigation, prosecution and trial of suspects in the most sensitive political assassinations and killings of the last decade – steps that require strong support from the president and Prime Minister Jacques Edouard Alexis. Parliament’s early passage of the judiciary reform package is also essential. Longer-term improvements require donor-government agreement on benchmarked changes in justice practices, with the extent of future funding linked over time to progress in implementation.

State structures are still extremely weak, especially at the various local levels, the number and complexity of which add to the inefficiency of governance. Decentralisation is important and should be pursued but so should a national consensus on changes, including constitutional amendments if necessary, to rationalise the local governance system and turn it into one that Haiti can afford without massive donor subsidies.

Revenue collection, state reserves and economic growth are rising, and inflation and exchange rates are under control, but the average citizen has not felt an improvement in living conditions. Customs revenue is far less than its potential because of corruption and smuggling. Similarly, the lack of administrative capacity limits the ability of the 140 municipalities to impose and collect local fees and taxes and so to meet local needs, and is even more apparent in the near abandonment of rural communities where some 60 per cent of the population lives.

Ministries and public institutions must accelerate public spending and investment and speed up massive infrastructure renovation. Numerous job creation and investment projects have been planned but not implemented; the most successful ones, with potential to spark cultural change and new local governance practices, have been single-shot efforts, yet to be extended for national impact. President Préval recently spoke of rooting out corruption at all levels of government as a priority but, as with so much else that is needed to ensure the country does not slide back into all too familiar chaos when international attention inevitably wanes, little has yet been done.

Port-au-Prince/Brussels, 18 July 2007

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