Briefing / Latin America & Caribbean 3 minutes

Garantir la sécurité en Haïti : réformer la justice

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Synthèse

Le système judiciaire en Haïti demeure dysfonctionnel et continue d’être un obstacle au processus démocratique, à la sécurité, à la reconstruction et au développement haïtien. Alors que certaines mesures ont été prises en ce qui concerne la police, la réforme institutionnelle dans le secteur de la justice a pris du retard, ce qui perpétue l’impunité et les menaces à la sécurité du citoyen. En dépit de cinq années de promesses, la majorité des haïtiens a toujours un accès limité à la justice et la méfiance envers le système judiciaire officiel est très répandue. Le président Michel Mar­telly et le parlement doivent dépasser les clivages partisans et travailler ensemble pour parvenir à réformer, notamment en modernisant les procédures pénales et le Code pénal vieux de 174 ans, en établissant des normes pour les juges, en fournissant à l’appareil judiciaire les ressources nécessaires et en créant des mécanismes efficaces qui garantissent un véritable accès à la justice.

L’impact du tremblement de terre de 2010 sur un système déjà surchargé et inefficace a rendu un très grand nombre de tribunaux incapables de fonctionner. Ceux qui fonction­nent encore manquent de personnel et de ressources. L’in­capacité de la majorité pauvre à accéder à des services juridiques adéquats et l’inefficacité dans la gestion des affaires, aggravées par des contraintes financières, matérielles et humaines, entrainent de lourds retards dans le traitement des dossiers et une surpopulation carcérale. Le nombre de détenus est six fois supérieur à la capacité max­imale des prisons établie par les normes internationales. L’absence de sécurité de l’emploi, de supervision, de formation adéquate ainsi que les faibles salaires rendent les juges, les procureurs et les autres employés de tribunaux vulnérables à la corruption. L’ingérence de l’exécutif et du législatif, combinée à la lenteur de la réforme, n’a guère convaincu la population de l’existence d’une volonté politique de changement en profondeur.

Haïti a désespérément besoin d’une justice fonctionnelle capable de réaliser efficacement les investigations, poursuites et condamnations, en particulier pour les criminels dangereux. Actuellement, ces derniers sont souvent libérés alors que des petits délinquants croupissent en prison. La révision de la législation pour adapter un système archaïque à la réalité du 21e siècle a commencé en 2009. Mais la proposition de réforme du Code pénal et du Code d’in­struction criminelle doit encore être finalisée par l’exécutif, soumise au parlement et entrer en vigueur, après consultation. La séparation nécessaire du judiciaire et de l’exécutif dépend de la nomination des huit membres du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) – après des enquêtes approfondies à leur sujet – et du lancement de ses activités. Il est essentiel de renforcer l’Unité d’inspection judiciaire (UIJ) et l’Ecole de la magistrature (EMA) et de mettre fin aux conflits entre les commissaires du gouvernement, les juges et la police nationale pour soutenir les efforts de réforme, améliorer la qualité des investigations et construire un système de sécurité plus cohésif.

En 2007, les espoirs d’une amélioration durable du secteur de la justice ont été ravivés par l’adoption de trois lois fondamentales mais ont été anéantis par l’inaction consécutive de l’exécutif. La nouvelle administration du président Mar­telly a adopté les premières mesures pour nommer quelques membres de la Cour de cassation. Cependant, il a rejeté partiellement la première sélection des candidats proposés par le Sénat, nommant seulement le président de la Cour et un membre. Une consultation préalable devrait permettre d’éta­blir un consensus autour d’une liste de candidats supplémentaires de sorte que la Cour puisse être au complet et que le CSPJ puisse fonctionner : cela constituera un point de départ pour établir et assurer le contrôle des normes et préserver l’indépendance du pouvoir judiciaire. De plus, afin d’assurer une administration du système judiciaire impartiale, transparente et efficace, les autorités haïtiennes, avec le soutien de leurs partenaires internationaux, doivent :

  • renforcer l’indépendance de la justice en mettant à la disposition du CSPJ les ressources humaines et matérielles nécessaires à son fonctionnement immédiat ;
     
  • assurer un système de justice transparent et audacieux, en accordant une protection spéciale à ceux qui travaillent sur les crimes graves notamment les commissaires de gouvernement, les juges et les témoins, en améliorant les conditions de travail et la sécurité de l’emploi et en sur­veillant le déroulement des activités à travers le CSPJ et le UIJ ;
     
  • achever la rédaction et faire voter la révision du Code pénal et du Code d’instruction criminelle et de la législation relative, conformément aux normes internationales notamment dans des domaines comme l’habeas corpus, et après consultation avec les secteurs concernés ;
     
  • assurer l’éducation adéquate de tous les acteurs de la justice en conformité avec le nouveau système, notamment en étendant et en accélérant la formation pour tous les juges, en rendant l’EMA pleinement fonctionnelle et en établissant des normes nationales pour les curriculums des écoles de droit ;
     
  • améliorer l’accès à la justice et promouvoir la résolution pacifique des différends dans les communautés rurales et les bidonvilles où la violence règne en étendant les services juridiques mobiles et en accroissant l’as­sis­tance juridique ;
     
  • réduire la durée de la détention préventive en améliorant le traitement des dossiers, en appliquant des procédures expresses pour les délits mineurs et en achevant la réforme des prisons ;
     
  • améliorer la coordination entre le gouvernement et les bailleurs de fonds sur les projets de réforme de manière à développer le leadership haïtien et l’appropriation d’un processus comprenant des stratégies et objectifs communs ;
     
  • augmenter les services accessibles à la population ainsi que l’éducation des citoyens sur leurs droits en élaborant et en votant des lois visant à renforcer l’Office de la protection du citoyen (OPC) et améliorer la participation de la société civile à cette mission, notamment pour les organisations communautaires et de proximité.

Port-au-Prince/Bogotá/Bruxelles, 27 octobre 2011

 

I. Overview

Haiti’s justice system remains dysfunctional and continues to pose significant obstacles to its democratic process, security, reconstruction and development. While some steps have begun with regard to the police, institutional reform in the sector has lagged, allowing further impunity and persistent criminal threats to citizen safety. Despite five years of pledges, the majority of Haitians still have limited access to justice, and mistrust of the formal judicial system is widespread. President Michel Martelly and parliament must work in a non-partisan manner to at last produce reform, including by modernising the 174 year-old criminal code and procedures and setting standards for judges, giving the judiciary adequate resources and creating efficient mechanisms that guarantee proper access to justice.

The impact of the 2010 earthquake on the infrastructure of an already overcrowded and inefficient system rendered a large number of courts inoperable. Those that have remained functional are understaffed and under-resourced. The lack of proper legal services for the poor majority and inefficient case management fuelled by financial, material and human resource constraints continue to generate extensive case backlog and overcrowded prisons. The number of detainees exceeds by a factor of six the prison capacity allowable by international standards. Lack of job security, supervision, adequate training and low salaries leave judges, prosecutors and other court personnel vulnerable to corruption. Executive and legislative interference, coupled with the sluggish pace of reform, has done little to convince the population that the political will exists for transformative change.

Haiti desperately needs a functioning justice system with effective and fair investigation, prosecution and conviction capabilities, particularly with respect to serious crimes. At present, serious criminals often go free, while petty offenders languish in prison. Revision of outdated key legislation to bring the archaic system into line with 21st century reality began in 2009. But proposed reforms of penal and criminal procedure codes need to be finalised by the executive, submitted to parliament and passed into law, all after wide consultation. Necessary separation of the executive and judiciary branches awaits the appointment of eight vetted members of the Superior Judiciary Council (Conseil supérieure du pouvoir judiciaire, CSPJ) and the launch of its work. Strengthening the Judicial Inspection Unit (JIU) and the Academy for the Training of Judges (Ecole de la magistrature, EMA) is essential to sustain reform efforts. Friction between prosecutors, judges and the Haitian National Police (HNP) must be ended to improve investigations and build a more cohesive security system.

Hopes for steady justice sector improvement were kindled in 2007 with the passage of three fundamental laws but were quashed by subsequent executive inaction. The new Martelly administration took initial actions to appoint some members of the Supreme Court (Cour de cassation). However, the president partially rejected a first slate of high court nominees submitted by the Senate, finally naming only the chief justice and one other justice. Early consultation will hopefully result in additional acceptable nominees so that the Court can be filled and the CSPJ made operational as the starting point for establishing and monitoring standards and safeguarding judicial independence. Moreover, to ensure a non-biased, transparent and efficient administration of the justice system, the Haitian authorities, with the support of their international partners, must also:

  • strengthen the independence of the judiciary by providing the CSPJ with the human and material resources required for its immediate functioning;
     
  • ensure a transparent and fearless justice system by giving special protection to those dealing with serious crimes, including prosecutors, judges and witnesses; improving work conditions and job security; and monitoring performance through the CSPJ and the JIU;
     
  • complete drafting and passage of revised Penal and Criminal Procedure Codes and accompanying legislation, in accordance with international standards including on such matters as habeas corpus, and after consultation with key national sectors;
     
  • ensure effective training of all justice actors in the modernised system, including by expanding and speeding up training for all judges by making the EMA fully functional and setting national standards for law school curriculums;
     
  • improve access to justice and promote peaceful resolution of conflicts in rural communities and violence-prone slum communities by expanding mobile justice services and increasing legal aid;
     
  • reduce lengthy pre-trial detention by improving case-management, applying fast-track procedures for minor offences and completing prison reform;
     
  • improve co-ordination between the government and donors on reform projects, so as to develop Haitian leadership and ownership of a process with common goals and strategies; and
     
  • increase services available to the population as well as public education on legal rights by drafting and passing statutory legislation to strengthen the office of the ombudsman and enhancing participation of civil society, including grassroots and community-based organisations, in that task.

 

Port-au-Prince/Bogotá/Brussels, 27 October 2011

 

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