Report / Latin America & Caribbean 3 minutes

Une nouvelle chance pour Haïti?

Neuf mois après qu'un soulèvement armé et que la pression internationale aient contraint le Président Jean-Bertrand Aristide à démissionner, la situation sécuritaire en Haïti ne fait que se détériorer.

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Synthèse

Neuf mois après qu'un soulèvement armé et que la pression internationale aient contraint le Président Jean-Bertrand Aristide à démissionner, la situation sécuritaire en Haïti ne fait que se détériorer. Mise en place le 1er juin 2004, la mission des Nations Unies n'a déployé que deux tiers des forces autorisées et n'a pas réussi à désarmer les partisans du leader déchu ainsi que les membres de l'armée également déchue et démobilisée. Afin d'éviter qu'une intervention internationale échoue pour la seconde fois en dix ans et qu'Haïti ne devienne un Etat en faillite atteint d'une hémorragie de réfugiés vers les Etats-Unis, il est essentiel d'entamer un véritable processus de désarmement ainsi qu'un processus politique plus inclusif visant à bâtir un consensus national, et pas seulement à réaliser des élections en 2005, certes promises mais de plus en plus compromises.

Au cours d'une année qui aurait dû être marquée par les célébrations du bicentenaire de leur victoire sur l'esclavage et la colonisation, les Haïtiens ont eu à affronter la violence politique, un changement brutal de gouvernement et des crises humanitaires causées par le passage de deux tempêtes tropicales. Début 2004, après plusieurs années d'efforts diplomatiques stériles pour trouver une solution négociée à la crise politique, Haïti était de nouveau secoué par la violence. Sous la pression exercée surtout par la France et les Etats-Unis, Aristide a quitté le pays le 29 février dernier. Sa chute a mené à une reconfiguration dangereuse du fragile paysage politique, avec notamment la réémergence alarmante d'ex-militaires et de leurs alliés civils qui avaient mené avec succès le coup d'Etat en 1991.

Le Conseil de Sécurité des Nations Unies a autorisé le déploiement rapide d'une force multinationale intérimaire pour stabiliser le pays, suivie d'une mission de maintien de la paix (MINUSTAH). Toutefois, seuls deux tiers de la force autorisée ont été déployés, laissant un vide sécuritaire aux conséquences désastreuses. Un gouvernement de transition formé de technocrates et conduit par l'ancien fonctionnaire des Nations Unies Gérard Latortue en qualité de premier ministre a été rapidement mis en place, mais il est entravé dans sa gestion par l'absence d'un accord politique global. Principalement à cause de cela et de l'incapacité de la MINUSTAH à désarmer les groupes armés illégaux, Haïti glisse vers l'anarchie. Le gouvernement intérimaire n'a pas réussi à établir son autorité dans la plupart des provinces où les ex-militaires agissent illégalement en garants de la sécurité. Au même moment, les sympathisants armés d'Aristide asseyent leur contrôle sur la plupart des quartiers déshérités de la capitale et intensifient les attaques à l'encontre de la police et de cibles civiles.

Au moins 80 Haïtiens, dont onze officiers de police ont été tués (trois des onze policiers furent décapités) lors des agitations et des manifestations pro-Aristide souvent violentes qui ont débuté le 30 septembre, jour anniversaire du coup d'Etat de 1991. La plupart des victimes ont été abattues dans les bidonvilles surpeuplés de Port-au-Prince où des gangs armés ont affronté les forces de la Police Nationale d'Haïti (PNH), accusées d'avoir procédé à des exécutions sommaires de jeunes gens dans les bastions pro-Aristide.

Alors que la force internationale conduite par les Etats-Unis était en mesure de désarmer les forces rebelles et pro-Aristide lorsqu'elle a été déployée, rien n'a été entrepris dans ce sens. La MINUSTAH a échoué dans la mise en oeuvre de l'aspect principal de son mandat: stabiliser Haïti, et son inaction a permis aux ex-militaires de consolider leurs positions, compliquant d'autant tout futur affrontement avec eux. Avec un peu moins de 3000 hommes démoralisés, mal équipés et mal entraînés, la police n'est pas en mesure de ramener l'ordre. Il est urgent d'amener le nombre de soldats onusiens au niveau établi par le Conseil de Sécurité et de durcir leur stratégie à l'égard des groupes armés illégaux.

Le gouvernement intérimaire ne dispose pas d'une assise politique populaire et apparaît de plus en plus fragile. Le processus de transition est en jeu, et des corrections urgentes sont nécessaires pour le renforcer. Elles comprennent notamment un accord politique plus large, une accélération du processus visant à constituer une force de police et une justice impartiales, et un déboursement immédiat des fonds promis pour des projets de redressement et de reconstruction visibles.

Un vaste processus national consultatif est également essentiel afin d'établir les priorités, les objectifs et un calendrier pour la transition et guider la politique du gouvernement intérimaire jusqu'à ce qu'un successeur élu prenne le relais. L'idéal serait que cela débute avec des consultations locales et départementales, menant à une conférence nationale rassemblant des représentants de tous les secteurs politiques et groupes de la société civile. La MINUSTAH devrait faciliter cela avec la participation d'autres acteurs internationaux. Le processus de réconciliation doit aller au-delà du parti d'Aristide (Fanmi Lavalas) et de l'ex-opposition pour inclure d'autres groupes sociaux, économiques et régionaux. L'objectif serait de parvenir à un pacte entre tous les Haïtiens qui constituerait un ordre du jour inclusif, au moins jusqu'aux élections de 2005. La tenue de ces élections devrait être considérée comme l'élément central du programme de transition mais pas l'unique.

Il faut souhaiter que la communauté internationale puisse tirer les leçons de sa dernière intervention ratée de façon à aider le pays à emprunter enfin le chemin de la démocratisation et du développement. Parmi ces enseignements, figure le besoin de s'engager en faveur de la sécurité et du développement sur une période prolongée (au moins dix ans) avec un véritable processus d'intégration, de rétablissement institutionnel en matière d'éducation et de santé publiques, ainsi qu'un soutien à l'emploi dans les villes et une agriculture durable.

Port-au-Prince/Bruxelles, 18 novembre 2004

Executive Summary

Nine months after an armed uprising and international pressure forced President Jean-Bertrand Aristide to resign, the security situation in Haiti is worsening. The UN Mission, established on 1 June 2004, has deployed only two thirds of its authorised force and failed to disarm armed supporters of the disgraced leader and members of the equally disgraced disbanded army. If international intervention is not to fail for the second time in a decade and Haiti to become a failed state haemorrhaging refugees to the U.S., it is essential to start a serious disarmament process and a more inclusive political process that aims at building a national consensus, not merely holding promised but increasingly at risk 2005 elections.

In a year that was supposed to have been dominated by celebrations marking the bicentenary of their victory over slavery and colonisation, Haitians have had to contend with political violence, an abrupt change of government, and humanitarian crises resulting from two tropical storms. In early 2004, after several years of fruitless diplomatic efforts to bridge political polarisation, Haiti was again convulsed by political violence. Pressured particularly by France and the U.S., Aristide left the country on 29 February. His fall led to a dangerous reconfiguration of a fragile political landscape, including the alarming re-emergence of the former military and their civilian allies who had led a successful coup against him in 1991.

The UN Security Council authorised rapid dispatch of a Multinational Interim Force to stabilise the country and a follow-on peacekeeping mission, MINUSTAH. However, only two thirds of the prescribed force has deployed, leaving a security vacuum that has had disastrous consequences. A transitional government of technocrats led by former UN functionary Gérard Latortue as prime minister was quickly installed but it has been hampered by lack of a comprehensive political agreement. Mainly because it and MINUSTAH have not tackled disarmament of illegal armed groups, Haiti is drifting towards anarchy. The transitional government has failed to establish its authority in most of the provinces where former military are acting unlawfully as security providers. At the same time, armed Aristide supporters are asserting control of most of the capital's poor neighbourhoods and are increasing attacks on police and civilian targets.

At least 80 Haitians -- including eleven police officers (three beheaded) -- have been killed in unrest and often violent pro-Aristide protests that began on 30 September, the anniversary of the 1991 coup d'état. Most were shot in heavily populated Port-au-Prince slums where armed groups battled with the Haitian National Police, who have been accused of summarily executing young men in the Aristide strongholds.

Although the U.S.-led international force was in a strong position to disarm and demobilise rebel and pro-Aristide forces when it entered, very little was done. MINUSTAH has failed to implement the primary aspect of its mandate, to stabilise Haiti, and its inaction has allowed the former military to consolidate, making it more difficult to confront them in the future. With fewer than 3,000 demoralised, poorly equipped and poorly trained members, the police lack the capacity to restore order. It is urgent to increase the number of UN peacekeepers to the level set by the Security Council and to toughen their strategy for dealing with illegal armed groups.

The transitional government lacks a political base and appears increasingly fragile. The transition process is at stake, and urgent corrections are needed to bolster it. These include a broader political agreement, acceleration of the process to constitute an impartial police force and judiciary, and immediate disbursement of pledged funds for visible reconstruction and recovery projects.

Also essential is a broad national consultative process to set out the priorities, objectives and timetable for the transition and steer the transitional government's policy until an elected successor takes office. Ideally this would start with local and departmental consultations, leading to a national conference with representatives from all political sectors and civil society groups. MINUSTAH should facilitate this with the participation of other international actors. The reconciliation process must go beyond Aristide's party (Fanmi Lavalas) and the former opposition to encompass other social, economic and regional groups. The objective should be to broker a pact among all Haitians that would constitute an inclusive agenda at least until elections in 2005. The holding of those elections should be considered as a principal item of the transition agenda, but not the only one.

The international community hopefully will draw the right lessons from the last, failed intervention so it can help the country move forward at last on the path of democratisation and development. They include the need to engage on security and development for a lengthy period -- at least a decade -- including a genuine process of inclusiveness, building of state capacity in public education and health, and support for urban jobs and sustainable agriculture.

Port-au-Prince/Brussels, 18 November 2004

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