Report / Middle East & North Africa 5 minutes

Israël/Hezbollah/Liban : éviter un regain de violence

La résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU a mis fin à un mois de combats entre Israël et le Hezbollah mais n’a pas fait grand-chose pour résoudre le conflit véritable conflit qui les oppose et qu’une mauvaise application de cette résolution pourrait raviver.

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La résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU a mis fin à un mois de combats entre Israël et le Hezbollah mais n’a pas fait grand-chose pour résoudre le conflit véritable conflit qui les oppose et qu’une mauvaise application de cette résolution pourrait raviver. Cette résolution connaît un succès remarquable et est généralement bien appliquée par les parties intéressées. Cependant, les parties pourraient être tentées d’en faire trop, ce qui pourrait entraîner un regain de violence. Il serait notamment dangereux qu’Israël ou les forces de l’ONU (la FINUL) tentaient d’utiliser la résolution 1701 pour désarmer le Hezbollah dans le sud du pays ou si le Hezbollah essayait de tester la détermination de la FINUL. La résolution devrait être un instrument transitoire permettant de stabiliser la frontière et de contenir les élans militaires des deux camps jusqu’à ce qu’une initiative plus audacieuse s’attaque à la fois aux problèmes intérieurs libanais (réforme et démocratisation des systèmes politiques et électoraux ; mise en place d’un État souverain fort ; résolution de la question de l’armement du Hezbollah) et, surtout, aux questions régionales (en particulier la relance du dialogue avec la Syrie et l’ouverture d’un dialogue avec l’Iran). En bref, la communauté internationale doit être modeste dans la mise en œuvre de la résolution 1701 tant qu’elle ne sera pas prête à faire preuve d’une plus grande ambition dans ses efforts diplomatiques dans la région.

La résolution 1701 a recueilli un degré de consensus surprenant. Toutes les parties concernées (Israël, le Hezbollah et le gouvernement libanais ainsi que les acteurs régionaux et autres acteurs internationaux) ont accepté que le Conseil de sécurité joue un rôle d’arbitre dans ce conflit, de même qu’elles ont accepté un déploiement considérable de l’armée libanaise au sud du fleuve Litani, l’expansion de la FINUL avec un mandat renforcé dans la même zone et ont reconnu le besoin d’établir la souveraineté du Liban sur son propre territoire. La résolution mentionne certains obstacles majeurs (p.ex. la libération des soldats israéliens kidnappés, la fin de la présence armée du Hezbollah dans le sud) mais elle les présente plutôt comme des objectifs à atteindre que comme des exigences auxquelles satisfaire immédiatement. Dans l’ensemble, le texte de la résolution est un résultat non négligeable que l’on n’avait pas vraiment prévu. La résolution 1701 est née dans un moment de grande tension, après une bataille diplomatique acharnée, et elle n’a été acceptée que parce que toutes les parties avaient besoin d’une solution qui leur permette de sauver la face. La fatigue collective a donné un résultat ambigu ; personne ne l’a soutenue sans réserve, tous l’ont acceptée à contrecœur.

Après plus d’un mois de conflit violent, Israël et le Hezbollah se sont assagis, conscients des limites de leur pouvoir militaire et réticents à poursuivre les hostilités. Israël a insisté sur le fait qu’il n’arrêterait pas les combats tant que ses soldats ne seraient pas relâchés et que le Hezbollah n’aurait pas désarmé ; en dépit de l’ambigüité de la résolution 1701, il n’a obtenu ni l’un ni l’autre. Israël ne souhaitait pas que la confrontation se prolonge et aujourd’hui, à l’issue d’une guerre qui a réveillé et renforcé l’anxiété face au bourbier libanais, il n’a pas vraiment envie de la reprendre. Les israéliens ont plutôt choisi d’entretenir un espoir prudent dans la présence de forces internationales et libanaises dans le sud pour contenir le Hezbollah et dans la médiation de l’ONU pour libérer les soldats kidnappés.

La perception d’une victoire du Hezbollah a peut-être enhardi celui-ci mais il doit aussi faire face à de lourdes contraintes. Après la mort de plus de 1000 civils, la destruction de milliers de foyers et d’importants dégâts causés à l’infrastructure économique, déclencher un nouveau cycle de violence serait fort mal vu par ses propres partisans et plus encore par le reste du pays. Le déploiement des forces armées libanaises (pour la première fois depuis plus de trente ans) et le renforcement de la FINUL dans ce qui jusqu’à présent était un sanctuaire du Hezbollah n’avait pas la préférence de ce dernier. Mais cela semblait être le prix à payer pour mettre fin aux combats, éviter d’exacerber les tensions dans le pays et préserver autant que possible le statu quo, y compris sa présence dans le sud.

La communauté internationale et les États-Unis en particulier n’avaient pas vraiment le choix. En laissant la guerre se poursuivre durant des semaines, ils avaient perdu une bonne partie de leur crédibilité et se sont trouvés face à un public arabe et musulman de plus en plus hostile. Washington a maintenu depuis le début que la seule solution digne d’intérêt devrait s’attaquer aux sources du conflit, soit, de son point de vue, la présence du Hezbollah. Finalement, les États-Unis ont dû revoir leurs exigences à la baisse et se contenter d’une présence renforcée des forces onusiennes et libanaises dans le sud et de la réitération de l’objectif à long terme de désarmement des groupes armés. Faisant preuve de pragmatisme, les responsables américains n’incitent pas pour l’instant la FINUL ou l’armée libanaise à désarmer le Hezbollah, espérant plutôt renforcer le gouvernement central et étendre la portée de celui-ci.

Cette modestie partagée doit être préservée pour éviter que la fragile stabilité de la situation ne se détériore. La résolution 1701 n’offre pas un cadre approprié pour résoudre les problèmes qui sous-tendent les relations israélo-libanaises et il faut reconnaître ce fait. Son texte est ambigu par essence et peut être interprété de plusieurs façons ; il ne fixe que des délais vagues et sa façon de décrire des objectifs à long terme contradictoires prête à confusion : le renforcement de la souveraineté libanaise équivaut pour certains à la neutralisation du Hezbollah et pour d’autres à la défense d’Israël. D’autre part, la résolution ne se penche pas sur la situation politique intérieure du Liban. Elle accorde trop d’importance à la question du Hezbollah et n’offre rien aux parties (Syrie et Iran) qui ont des intérêts et des moyens d’obstruction considérables dans la région. Comme la précédente résolution 1559 (2004) du Conseil de sécurité, la résolution 1701 cherche imprudemment à internationaliser un aspect particulier du problème (l’armement du Hezbollah) sans rechercher une solution régionale (s’attaquer au litige frontalier israélo-arabe ou aux différends croissants entre les États-Unis et l’Iran).

En somme, la résolution 1701 : élève la question de l’armement du Hezbollah au rang de préoccupation internationale majeure ; fait reposer la résolution de ce problème sur un processus (le dialogue libanais) qui est structurellement incapable de le prendre en charge et diffère une démarche politique essentielle (progresser vers une paix globale israélo-arabe) alors qu’il s’agit d’une précondition à la résolution de ce problème.

La communauté internationale devrait être prudente lors de la mise en application de la résolution 1701. Son pouvoir de dissuasion ayant été sérieusement dégradé par une interruption des combats généralement considérée comme une défaite, Israël ne tolèrera pas les tentatives éhontées du Hezbollah de réarmer. Inversement, le Hezbollah n’acceptera pas les efforts faits par Israël, la FINUL et ses opposants libanais pour essayer d’obtenir par des voies politiques ce qui n’a pu être obtenu par des voies militaires. La mise en œuvre de la résolution devrait se concentrer sur plusieurs objectifs étroitement liés :

  • Contenir le Hezbollah, non pas en cherchant à le désarmer de façon agressive mais par la présence dans le sud de milliers de soldats libanais et de l’ONU qui entraveraient sa liberté d’action, qui l’empêcheraient d’exhiber ses armes en public et, surtout, qui réduirait sa capacité à se réapprovisionner. Le Hezbollah va tester la détermination de la FINUL ; les forces de l’ONU doivent être prêtes à répondre de façon mesurée afin d’éviter une escalade de violence. De fait, la mise en place de poste de contrôle à travers le sud-Liban place déjà le Hezbollah devant un environnement bien différent de celui qu’il a connu entre 2000 et 2006 ;
     
  • Contenir Israël en adoptant une position claire à l’encontre de toute violation de la souveraineté libanaise, notamment par les survols du territoire libanais. Ni la FINUL ni les forces armées libanaises ne peuvent risquer d’être perçues comme assurant la sécurité d’Israël sans assurer celle du Liban ou comme accordant davantage d’attention à un objectif au détriment d’un autre ;
     
  • Renforcer l’État libanais en renforçant le pouvoir des forces armées libanaises afin que celles-ci soient les gardiennes des frontières nationales et protègent les terres libanaises, et en forçant l’État à céder la place qu’il a longtemps tenu en tant qu’arbitre dans les disputes internes entre les organes de sécurité et la police ; et
     
  • Enrayer les risques potentiels immédiats de regain de violence par un échange de prisonniers et en initiant la résolution du litige relatif aux fermes de Chebaa.

Si ces mesures peuvent aider à stabiliser la situation, elles ne sont pas durables sur le long terme. Une fois de plus, les acteurs régionaux et internationaux utilisent les acteurs libanais pour promouvoir leurs intérêts, exploitant et exacerbant tant les tensions préexistantes que les dysfonctionnements du système politique. Pour résoudre le problème du Hezbollah et arriver à une stabilité réelle à la frontière israélo-libanaise, il faudra que l’État libanais réforme son système politique et, point crucial, que le Quartette et la communauté internationale entament un dialogue avec la Syrie et l’Iran et travaillent à l’élaboration d’un règlement global du conflit israélo-arabe.

Beyrouth/Jérusalem/Amman/Bruxelles, 1er novembre 2006

Executive Summary

UN Security Council Resolution 1701 halted the month-long fighting between Israel and Hizbollah but did little to resolve the underlying conflict and, if poorly handled, could help reignite it. The resolution has held remarkably well, with only limited violations. However, the temptation by either party to overreach could trigger renewed fighting. The greatest threats would be attempts by Israel or UN forces (UNIFIL) to use 1701 as a blunt means of disarming Hizbollah in the south or by Hizbollah to test UNIFIL’s resolve. 1701 should be seen as a transitory instrument that can stabilise the border by containing both sides’ military impulses until bolder action is taken to address both domestic Lebanese matters (reforming and democratising the political and electoral systems; building a strong sovereign state and army; resolving the question of Hizbollah’s armaments) and, especially, regional issues (in particular re-launching the Syrian track and engaging Iran). In short the international community must be modest in implementing 1701 for as long as it is not prepared to be ambitious in its regional diplomatic efforts.

Resolution 1701 achieved a surprising degree of consensus. All relevant parties – Israel, Hizbollah and the Lebanese government, as well as key regional and other international actors – accepted the Security Council as the arbiter of the conflict while agreeing to the extensive deployment of Lebanon’s army (LAF) south of the Litani River, the expansion of UNIFIL with a strengthened mandate in the same area and the need to build up Lebanese sovereignty over its own territory. Core stumbling blocks (e.g., releasing the abducted Israeli soldiers; ending Hizbollah’s armed presence in the south) were mentioned in the resolution, but as strong aspirations, not immediate prerequisites. All in all, this is not negligible, nor was it pre-ordained. 1701 came about at a time of high tension, after a fierce diplomatic battle, and was accepted only because all sides needed a face-saving solution. Collective exhaustion produced an ambiguous outcome that nobody whole-heartedly endorsed but all reluctantly accepted.

After more than a month of violent conflict, Israel and Hizbollah were chastened, conscious of the limits of their military power and reluctant to continue hostilities. Israel had insisted both that it would not stop fighting until its soldiers were returned and Hizbollah was disarmed; 1701’s ambiguity notwithstanding, it achieved neither. Israel had limited appetite for continued confrontation and now, in the wake of a war that reawakened and reinforced anxiety about a Lebanese quagmire, has little stomach for resuming it. Rather, Israelis chose to invest cautious hope in the presence of international and Lebanese forces in the south to rein in Hizbollah and in UN mediation to free the abducted soldiers.

Hizbollah’s perceived victory may have emboldened the organisation but it too labours under heavy constraints. With over 1,000 civilian deaths, the destruction of thousands of homes and the damage done to basic economic infrastructure, initiating another round of violence would be deeply unpopular with its own constituency, not to mention the country as a whole. The LAF’s deployment to the south – for the first time in over three decades – and UNIFIL’s strengthening in what heretofore had been a Hizbollah sanctuary was not the movement’s preference. But it was deemed a price worth paying to end the fighting, avoid exacerbating domestic tensions and preserve as much as possible of the status quo, including its presence in the south.

The international community, and the U.S. in particular, were left with little choice. By allowing the war to rage on for weeks, they had lost much of their credibility and faced increasingly hostile Arab and Muslim publics. Washington claimed from the outset that only a solution that dealt with the roots of the conflict – in its view, Hizbollah’s armed presence – was worth pursuing. In the end, it settled for far less, namely a denser UN and Lebanese army presence in the south and reiteration of the longer-term goal of disarming armed groups. Evincing signs of pragmatism, U.S. officials for now are not pressing UNIFIL or the LAF to disarm Hizbollah, hoping instead to strengthen the central government and extend its territorial reach.

Such shared modesty must be preserved lest the fragile stability unravel. 1701 is not the proper framework for the necessary resolution of underlying issues in the Israeli-Lebanese relationship, and it must not be construed as such. It is inherently ambiguous, allowing for different interpretations, offering vague timelines, and covering conflicting long-term goals behind similar wording: strengthening Lebanese sovereignty means neutralising Hizbollah for some and defending against Israel for others. It does not address Lebanon’s domestic political situation. It places disproportionate emphasis on the question of Hizbollah and offers nothing to parties (Syria and Iran) with considerable interest and means of obstruction. Like its predecessor, Security Council Resolution 1559 (2004), it unwisely seeks to internationalise a particular aspect of the problem (Hizbollah’s armament) without regionalising its solution (addressing the broader Arab-Israeli conflict or the growing U.S.-Iranian differences).

In sum, 1701 all at once elevates Hizbollah’s armed status to the rank of core international concern; entrusts its resolution to a process (Lebanon’s internal dialogue) that is structurally incapable of dealing with it; and defers the key political step (progress toward a comprehensive Arab-Israeli peace) that is a precondition for settling it.

In carrying out 1701, therefore, the international community should keep its eye on the risks. With its deterrent power severely damaged by a military draw most interpreted as a defeat, Israel will not tolerate brazen attempts by Hizbollah to resupply. Conversely, Hizbollah will not accept efforts by Israel, UNIFIL or its Lebanese opponents to try to achieve politically what could not be done militarily. Implementation should focus on several interrelated goals:

  • containing Hizbollah, not by aggressively seeking to disarm it, but through the presence of thousands of Lebanese and UN troops in the south who can constrain its freedom of action, ability to display weapons and, especially, capacity to resupply. Hizbollah will test UNIFIL’s resolve; UN forces must be ready to respond in a measured way that does not trigger escalation. Indeed, the establishment of checkpoints throughout the area already is confronting Hizbollah with a far different environment than the one it faced between 2000 and 2006;
     
  • containing Israel, by taking a clear stance against any violation of Lebanese sovereignty, in particular through over-flights. Neither UNIFIL nor the LAF can risk being perceived as securing Israel without securing Lebanon or as being more preoccupied with one goal than with the other;
     
  • strengthening the Lebanese state by empowering the LAF to become a guardian of national borders and a protector of its lands, and forcing it to cede the place it has long held as the arbiter of internal disputes to other security organs and the police; and
     
  • drying up the immediate potential triggers of renewed conflict through a prisoner exchange and setting in motion a process to resolve the Shebaa farms issue.

While these measures can help stabilise the situation, they are not sustainable in the longer term. Once again, regional and international actors are using Lebanese players as proxies to promote their interests, exploiting and exacerbating both pre-existing domestic tensions and the political system’s dysfunctionalities. Solving the question of Hizbollah and achieving real stability on the Israeli-Lebanese border will require steps both by the Lebanese state to reform the political system and, crucially, by the Quartet and the wider international community to engage Syria and Iran and work toward a comprehensive settlement of the Arab-Israeli dispute.

Beirut/Jerusalem/Amman/Brussels, 1 November 2006

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