Briefing / Middle East & North Africa 3 minutes

Iran : la présidence tumultueuse d’Ahmadinejad

Bien que, depuis la victoire électorale de Mahmoud Ahmadinejad en juin 2005, l’attention se soit surtout portée sur sa politique étrangère, le destin de sa présidence dépend au moins tout autant de sa performance au niveau national.

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Synthèse

Bien que, depuis la victoire électorale de Mahmoud Ahmadinejad en juin 2005, l’attention se soit surtout portée sur sa politique étrangère, le destin de sa présidence dépend au moins tout autant de sa performance au niveau national. Élu sur une plateforme promettant la justice économique et un « gouvernement propre », il sera essentiellement jugé sur ses résultats dans ces domaines. Jusqu’à présent, les résultats sont mitigés. Des prix du pétrole élevés ont permis de consacrer davantage aux programmes sociaux. Mais, dans l’ensemble, le président n’a pas été capable de tenir ses promesses et son mandat, encore loin d’être fini, a été marqué par des conflits répétés avec les autres institutions et centres de pouvoirs. La raclée qu’ont subi le président et ses alliés lors des élections de décembre 2006 pour les conseils municipaux et l’Assemblée des experts trahit l’existence de problèmes sérieux tant dans le camp conservateur qu’au sein du public en général et suggère que la pression nationale plutôt qu’internationale reste le meilleur moyen de pousser au changement en Iran.

Ahmadinejad est arrivé au pouvoir avec des ambitions populistes audacieuses mais il a vite rencontré des obstacles. Ses plans ont été immédiatement tempérés par un parlement (le majlis) dont les membres, bien que conservateurs en majorité, ne sortent pas du même moule et ont à plusieurs reprises rejeté les candidats du président à d’importantes postes ministériels, un fait sans précédent. Bon nombre des politiques brusquement imposées par le nouveau gouvernement ont rencontré l’opposition d’organes plus technocratiques comme la Banque centrale ou l’Organisation de gestion et de planification ; certaines ont par la suite été annulées. Les attaques d’Ahmadinejad contre les “fonctionnaires corrompus” et les “pillards” du privé ont provoqué l’irritation des fonctionnaires et des entrepreneurs mais n’ont pas entraîné de changements concrets dans la transparence ou la responsabilité du gouvernement. Au contraire, la nomination par le président de proches à des postes pour lesquels ils n’étaient pas qualifiés et l’octroi de contrats pour un milliard de dollars au corps des Gardes de la révolution islamique en dehors de toute procédure de passation lui ont valu d’être accusé de copinage et de favoritisme politique.

Ahmadinejad conserve cependant d’importants atouts politiques. Sans doute le plus considérable est-il la ferveur nationaliste qui entoure le programme nucléaire iranien et la réaction internationale qui en a découlé. La poursuite d’une politique populiste via une stratégie de campagne permanente et le soutien apporté à des forces comme le corps des Gardes de la révolution islamique et sa petite sœur, la milice Basij, ont probablement pour but de consolider le soutien dont le président jouit de la part de la base qui l’a porté au pouvoir. Cela lui permettrait également de renforcer les fondations de la République islamique à un moment de pression internationale forte et d’une éventuelle action militaire américaine ou israélienne.

Cependant, en l’absence de changements de politique, la situation risque d’empirer. Les élections de décembre ne furent pas qu’un simple accident de parcours. Elles ont confirmé le mécontentement généralisé du public face aux politiques nationales et, plus ennuyeux pour le président, ont révélé des fissures dans la coalition conservatrice qui l’a emmené au pouvoir. Même sur le front de la politique étrangère, et en particulier en ce qui concerne les menaces contre Israël et le déni de l’Holocauste, le mécontentement grandit. Si l’on reprochait à son prédécesseur Khatami d’être trop passif et trop conciliant, on reproche à Ahmadinejad d’être trop hardi, une accusation plus grave et plus préjudiciable. Il est probable que les attaques des réformistes s’intensifient maintenant qu’ils délaissent leurs accusations de fraudes durant l’élection présidentielle en 2005 et le monopole des conservateurs sur le contrôle des institutions pour se concentrer sur une critique des politiques menées par le président.

Les élections devraient être l’ultime arbitre dans le futur politique de l’Iran. Personne ne le sait mieux qu’Ahmadinejad, qui s’est hissé au pouvoir en critiquant les performances gouvernementales de ses deux prédécesseurs et qui semble avoir passé une bonne partie de l’année dernière à se préparer pour la prochaine campagne. Le résultat de la prochaine élection présidentielle en 2009 est loin d’être acquis. Beaucoup dépendra de la capacité du président à tenir ses promesses et à maintenir sa coalition. Ironie du sort, Ahmadinejad pourrait bien compter sur la prochaine action de Washington pour restaurer l’unité de l’élite politique et reconquérir la popularité qu’il semble être en train de perdre.

L’administration américaine présente les critiques croissantes à l’encontre du président iranien dans son pays comme la preuve de l’efficacité de sa propre stratégie. Elle a raison mais seulement en partie. Un plus grand isolement a assurément enhardi les opposants d’Ahmadinejad. Mais Washington aurait tort de conclure que la solution réside dans une pression accrue comme elle l’envisage à présent (par une position plus agressive en Irak et un renforcement de sa présence navale dans le Golfe) et, à plus forte raison, dans une intervention militaire plus directe.

Il serait facile pour les détracteurs d’Ahmadinejad au sein du régime d’invoquer l’isolement de l’Iran pour durcir leurs attaques contre un ennemi politique mais ils n’hésiteront pas à fermer les rangs derrière lui s’ils estiment que la République islamique ou ses intérêts vitaux sont en jeu. Sur les thèmes de la politique étrangères (du droit à l’enrichissement nucléaire aux aspirations pour un rôle régional plus grand), il existe un large consensus au sein du régime ; les différences tiennent essentiellement au style et à la tactique. Une escalade militaire repousserait à plus tard des changements au niveau national, renforcerait les forces plus radicales et entraînerait éventuellement des représailles de la part de l’Iran, qui pourraient échapper à tout contrôle. En se montrant disposés à entamer un dialogue avec l’Iran sans poser de conditions dans le domaine nucléaire, sur l’Irak ou sur les relations bilatérales, les États-Unis feraient preuve de sagesse et rendraient un grand service aussi bien à eux-mêmes qu’à la région dans son ensemble.

Téhéran/Bruxelles, 6 février 2007

I. Overview

Though much of the focus since Mahmoud Ahmadi-Nejad’s June 2005 electoral victory has been on Iran’s foreign policy, the fate of his presidency will ride at least as much on his domestic performance. Elected on a platform of economic justice and clean government, he will be judged chiefly on those grounds. So far, results have been decidedly mixed. High oil prices have enabled greater expenditure on social programs. But on the whole, the president has been unable to fulfil promises, and his still early tenure has been marked by repeated conflicts with other institutions and power centres. The drubbing experienced by the president and his allies in the December 2006 elections for municipal councils and the Assembly of Experts signalled serious problems, both within the conservative camp and with the wider public. It also suggested that domestic rather than foreign pressure remains the best and safest road to reform.

Ahmadi-Nejad came to power with bold populist ambitions but quickly ran into trouble. His plans were immediately tempered by a parliament (majles) whose members, although predominantly conservative, come from a different background and who, in unprecedented action, rejected some of his most important cabinet nominees. Many of the policies abruptly imposed by the new government have been opposed by more technocratic bodies such as the Central Bank and the Management and Planning Organisation, and some subsequently have been reversed. Ahmadi-Nejad’s attacks against private “plunderers” and “corrupt officials” have rattled civil servant and domestic entrepreneurs without triggering concrete change in government openness or accountability. Instead, his appointment of close associates to positions for which they are unqualified, coupled with the award of billion dollar no-bid contracts to the Islamic Revolution Guard Corps (IRGC), have brought charges of cronyism and political favouritism.

Ahmadi-Nejad retains important political assets. Arguably most significant is the nationalist fervour born of Iran’s nuclear program and the resulting international reaction. Pursuit of populist politics via a strategy of permanent campaigning and support for forces such as the IRGC and its poorer sister, the basij militia, are likely to be calculated to fortify backing from core constituencies that brought him to power. They also are designed to strengthen the foundations of the Islamic Republic at a time of greater international pressure and potential U.S. or Israeli military action.

In the absence of policy shifts, however, the ride promises to get rougher. The December elections were more than a bump in the road. They confirmed widespread dissatisfaction with domestic policies and, more ominously for the president, revealed cracks in the conservative coalition that carried him into office. Even on the foreign policy front, and particularly regarding threats against Israel and Holocaust-denial, dissatisfaction is growing. While Khatami, his predecessor, was criticised for being overly passive and conciliatory, Ahmadi-Nejad is blamed for being too adventurous – a more serious and damaging charge. There is also greater scope for a challenge from reformists as they shift their focus from an unfair presidential electoral process in 2005 and monopoly conservative control over institutions to a critique of the president’s policies.

Elections, as before, are likely to be the ultimate arbiter of Iran’s political future. No one knows this better than Ahmadi-Nejad whose critique of government performance under the two previous presidents ushered him to power and who has spent most of the past year as if preparing for the next campaign. The outcome of the next presidential election in 2009 is far from decided. Much will depend on whether the president can fulfil the bulk of his promises and maintain his coalition. Ironically, Ahmadi-Nejad also may be banking on Washington’s next move to help him restore unity among the political elite and regain the popularity he appears to be frittering away.

The U.S. administration points to mounting domestic criticism of the Iranian president as evidence its strategy is working. This is true, but only up to a point. Greater isolation from the world community almost certainly has emboldened Ahmadi-Nejad’s opponents. But Washington would be mistaken to conclude that the solution lies in heightened pressure of the sort currently contemplated – a more aggressive posture in Iraq and a naval build-up in the Gulf – much less any more direct military intervention.

Ahmadi-Nejad’s critics within the regime may have little difficulty invoking concern about Iran’s isolation to sharpen their attacks against a political foe; they will have no hesitation at all closing ranks behind him if they believe the Islamic Republic or its vital interests are at stake. On basic foreign policy issues – from the right to domestic enrichment to aspirations for a greater regional role – there is broad consensus within the regime; what differences exist essentially concern style and tactics. A military escalation would postpone domestic change, strengthen more radical forces and possibly trigger Iranian retaliation that could spiral out of control. By signalling its openness to broad engagement with Iran without preconditions on the nuclear issue, Iraq and bilateral relations, the U.S. would be rendering a far greater and wiser service both to itself and to the region as a whole.

Tehran/Brussels, 6 February 2007

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