La « question sudiste » au Yémen : comment éviter l’implosion du pays
La « question sudiste » au Yémen : comment éviter l’implosion du pays
The Conflict in Yemen Is More Than a Proxy War
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Op-Ed / Middle East & North Africa 3 minutes

La « question sudiste » au Yémen : comment éviter l’implosion du pays

La Conférence pour un dialogue national (CDN), qui a commencé le 18 mars, a suscité beaucoup d’espoir. Le Yémen, seul pays du printemps arabe qui est sorti de la crise grâce à une concertation publique, a choisi une méthode délibérative pour résoudre des tensions vieilles de plusieurs décennies. Mais après le 18 septembre, date d’expiration du délai fixé par la conférence, la question du sud du Yémen demeure en suspens. Des doutes subsistent par ailleurs quant à la capacité des représentants du Sud à convaincre une population intransigeante, quelle que soit l’issue des négociations. Un discours qui met en avant le clivage Nord-Sud semble gagner du terrain parmi la population du Sud, ce qui nuit aux pourparlers sur les options politico-économiques qui permettraient d’éviter une séparation.

La CDN n’a pas fixé de nouvelle date butoir, mais de nombreux acteurs locaux et internationaux souhaitent respecter la feuille de route de la transition : clore la conférence, élaborer une nouvelle Constitution, et tenir un référendum constitutionnel et des élections début 2014. Cependant, la question de la structure de l’État n’a toujours pas été résolue et la CDN actuelle, bien qu’ayant été prolongée, ne peut pas régler ce problème.

Cela est principalement dû au fait que quasiment aucune mesure promise au Sud pour reconstruire la confiance – s’attaquer au chômage et répondre aux griefs liés à l’insécurité, entre autres – n’a été prise. Pourtant, de telles actions auraient pu renforcer la position des représentants sudistes enclins à renoncer à la séparation. D’autres facteurs ont également joué un rôle, comme le sentiment que la transition est prise en main par l’ancienne élite en qui plus personne n’a confiance.

Le mouvement du Sud, dit Hiraak, un mouvement décentralisé ayant comme seul point commun le désir de voir le Sud devenir indépendant, fait aussi partie du problème. Ses dirigeants sont extrêmement divisés, ce qui affaiblit sa position lors des négociations. Seuls quelques militants de Hiraak, pour la plupart associés au président Abed Rabbo Mansour Hadi, ont participé au dialogue, tandis que la plupart sont restés en retrait.

Si le Yémen espère un futur plus stable, un accord sur la structure de l’État sera indispensable. Mais cela ne signifie en aucun cas qu’il faille forcer un accord final dans un contexte où confiance, légitimité et consensus font cruellement défaut. Un accord obtenu dans de telles circonstances signerait l’effondrement d’un État déjà extrêmement fragile, dont le pays est fragmenté et la classe politique divisée. Cela discréditerait sûrement davantage le processus de transition, tout en radicalisant davantage de Sudistes et en augmentant le risque d’escalade de la violence, particulièrement au moment du référendum constitutionnel. Ce qu’il faut, c’est un plan pour que les négociations continuent et que les accords se consolident, afin que ces derniers puissent s’adapter à la réalité politique et faciliter la mise en place d’un compromis plus global.

L’actuelle CDN a certes permis des progrès. Elle a lancé un débat public sur les principaux obstacles et les pistes de solution. De plus en plus, les délégués semblent converger vers un compromis qui prévoit la création d’un État fédéral, bien qu’ils continuent de s’opposer sur les détails de sa mise en œuvre, notamment l’organisation de l’administration et la répartition des compétences.

Il est désormais crucial de faciliter un dialogue continu, avec la participation de tous les secteurs de la société, pour parvenir à un accord final. Les participants de la CDN et leurs partenaires internationaux devraient considérer que la conférence a été un succès si elle a permis des accords sur certains problèmes, tout en ouvrant la voie à des discussions futures sur d’autres questions, comme celle de la structure de l’État. Ils devraient aussi conclure d’autres accords transitoires : retarder d’une durée précise la tenue du référendum et des élections ; mettre en place des mesures pour rassurer les Sudistes, notamment en instaurant des délais précis de mise en œuvre des décisions, des mécanismes de concertation, des financements et des garde-fous ; et inclure davantage de Sudistes dans les concertations, notamment des dirigeants de Hiraak, qu’ils résident au Yémen ou à l’étranger.

Les bailleurs de fonds internationaux craignent que cela ne retarde la prise de décision. Mais un accord souffrant d’un déficit de popularité et de légitimité, tant auprès de la population que des élites, aurait toutes les chances de conduire à ce que personne ne désire : une instabilité accrue et une dangereuse fragmentation territoriale.
 

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