Blocked Transition: Corruption and Regionalism in Tunisia
Blocked Transition: Corruption and Regionalism in Tunisia
Table des matières
  1. Executive Summary
Young Tunisians sit next to a sculpture featuring a cart and symbolising poverty on Mohamed Bouazizi square on December 14, 2015, in Sidi Bouzid, Tunisia, on 14 December 2015. AFP/Fethi Belaid
Impact Note / Middle East & North Africa 4 minutes

Tunisie – Briser les tabous

Pendant les vagues de protestations dans le monde arabe, la Tunisie a eu des difficultés à maintenir son cap. Grâce à l’analyste principal pour la Tunisie, son travail de terrain unique et son accès privilégié à certains acteurs influents, Crisis Group à pu jouer un rôle d’aiguilleur des orientations politiques afin que la transition démocratique du pays demeure pacifique.

La Tunisie fait figure d’exception dans le monde arabe. C’est le seul pays de la région à être engagé dans une transition démocratique pacifique, six ans après la vague de protestations de 2011-2012. La présence de l’International Crisis Group sur le terrain et son accès privilégié aux acteurs influents a contribué à maintenir la transition à flot. Depuis 2011, notre analyste principal pour la Tunisie, Michaël Ayari, s’est imposé comme une référence incontournable dans le pays et a joué un rôle d’aiguilleur des orientations politiques.

Notre dernier rapport, La transition bloquée : corruption et régionalisme en Tunisie, publié le 10 mai 2017, a eu un impact considérable. Un mois après sa sortie, 14 000 personnes l’avaient consulté, dont la moitié en Tunisie. Sur les réseaux sociaux, les réactions témoignent de l’intérêt de l’opinion publique. « Lisez ce rapport du Crisis Group et vous comprendrez ce qui se passe en ce moment en Tunisie », conseille un internaute sur Facebook. « Ça fait un an que je suis en Tunisie, je n'avais rien compris à ce qu'il se passait, jusqu'à ce que je le lise et que tout me paraisse clair », confie de son côté un diplomate. 

Fort de son expertise cumulée et de sa compréhension intime de la société tunisienne, Ayari a analysé dans le détail le caractère peu inclusif de l’économie nationale. Il a montré comment les mécanismes administratifs à l’œuvre depuis des décennies dans le domaine socio-économique menacent aujourd’hui la transition. La mise en évidence de la ligne de clivage entre acteurs de l’économie formelle et informelle a relégué au second plan l’antagonisme stérile entre islamistes et anti-islamistes. Quant au dialogue économique national, recommandé par Crisis Group, il pourrait voir le jour courant 2018.

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 « J'étais impressionné, mais pas surpris, de l'impact dans les médias, les cercles politiques ainsi que la société civile que votre rapport a provoqué. J'ose croire qu'il commence à avoir l'effet escompté à la lumière de la campagne anticorruption que [le chef du gouvernement Youssef] Chahed vient d'initier ».

Jalloul Ayed, ancien ministre des Finances (janvier-décembre 2011)

Notre rapport, sorti le jour d’un discours du chef de l’Etat sur ce sujet controversé, a brisé des tabous et lancé un débat, au niveau national, sur l’influence politique des élites économiques et leur rôle dans le renforcement du clientélisme et du trafic d’influence au plus haut niveau de l’Etat, ainsi que sur l’ampleur des discriminations sociales et régionales. Dans la semaine qui a suivi sa parution, les arrestations de personnalités du monde des affaires se sont multipliées, le chef du gouvernement évoquant la lutte contre la corruption. Notre rapport, néanmoins, ne préconisait pas l’emploi de méthodes si expéditives, appelant au contraire au dialogue. Partis politiques, chancelleries étrangères, grandes entreprises, agences de développement ont consacré des séances de travail entières à son examen. Deux semaines après sa parution, le directeur de la section Afrique du Nord du ministère des Affaires étrangères français a quant à lui commandé une étude sur les réseaux qui entravent les réformes économiques.

« De mémoire, aucun rapport d'ONG ni même d'instance internationale n'a pu à ce point faire bouger les lignes de discussion entre partis politiques. Ce qui est dit dans le rapport était tabou, maintenant ça ne l'est plus. Nous avons gagné beaucoup de temps et pouvons maintenant débattre des choses essentielles sans nous contenter de sous-entendus et de non-dits ».

Saïd Ferjani, membre du bureau politique d’An-Nahda (parti du gouvernement d’union nationale)

Selon de nombreux responsables politiques, hauts fonctionnaires tunisiens et diplomates étrangers, nos travaux rythment depuis 2011 l’évolution de la scène politique, sociale et sécuritaire, en éclairant les zones d’ombres de la transition et en soulevant des questions complexes de nature à l’entraver ou à susciter des conflits meurtriers. Crisis Group aide les responsables à apprivoiser ces problématiques en proposant des pistes d’action concrètes.

Ayari porte ainsi une attention particulière à la question sécuritaire en Tunisie depuis plusieurs années et a acquis une réelle expertise dans ce domaine. Dans La Tunisie des frontières : jihad et contrebande, paru en novembre 2013, il anticipait la dégradation de la situation sécuritaire aux frontières libyennes et algériennes, alertant sur les risques d’un mélange des genres entre groupes jihadistes et criminalité organisée. Ce rapport précurseur, ayant depuis servi de base à des dizaines d’études, encourageait les autorités à augmenter le nombre de patrouilles mixtes sous le contrôle de l’armée dans les zones frontalières et à miser davantage sur le renseignement humain – recommandations aujourd’hui suivies par les autorités.

Rached Ghannouchi, le président du parti islamiste An-Nahda (à droite) et Ahmed Ounaies, le représentant du président séculaire Essebsi (à gauche), acceptent le prix du fondateur d’International Crisis Group à New York en avril 2015. CRISIS GROUP/Ron Pollard

Dans Réforme et stratégie sécuritaire en Tunisie, publié en juillet 2015, Crisis Group met le doigt sur le conflit latent entre police et armée et évoque la manière dont il convient de satisfaire les revendications d’autonomie du corps sécuritaire tout en la limitant. Le rapport souligne la nécessité, pour y parvenir, de multiplier les espaces de discussion entre décideurs politiques, hauts fonctionnaires de la sécurité et experts internationaux. En 2015 et 2016, en partenariat avec l’ambassade du Canada à Tunis, Crisis Group s’emploie à cette tâche, organisant plusieurs tables rondes et facilitant les échanges entre ces différents protagonistes.

« [Depuis 2011, Crisis Group a] joué le rôle d’intermédiaire entre la communauté internationale et les décideurs au niveau national en améliorant leur compréhension mutuelle, en éclairant les partenaires de la Tunisie sur le fonctionnement profond de l’Etat et de la société et en aidant les décideurs tunisiens à mieux décoder les actions de la communauté internationale ».

Giordano Segneri, conseiller paix et développement auprès des Nations unies en Tunisie

En 2013, Crisis Group avait publié la première enquête approfondie sur le salafisme-jihadisme en Tunisie, esquissant les évolutions futures de ce courant. Lorsque parait Tunisie : violences et défi salafiste, le pays traverse une phase difficile après l’assassinat de l’homme politique de gauche Chokri Belaïd par un militant salafiste jihadiste supposé. Le parti islamiste An-Nahda entend notre appel à s’ancrer de manière plus explicite dans l’héritage du mouvement réformiste tunisien pour réduire les risques de radicalisation religieuse, multipliant les discussions internes sur son aggiornamento doctrinal adopté officiellement en 2016. Le 22 juin 2016, Crisis Group appelle à mettre en œuvre une stratégie nationale de lutte contre l’extrémisme violent et le terrorisme. Le Conseil de sécurité nationale tunisien (rattaché à la présidence de la République) adopte une telle stratégie le 7 novembre 2016, ce qui constitue une étape essentielle pour la réussite de la transition démocratique.

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