Op-Ed / Middle East & North Africa 30 June 2013 3 minutes L’Autorité palestinienne en question Share Facebook Twitter Email Linkedin Whatsapp Save Print Les tentatives du secrétaire d’État américain John Kerry de relancer les pourparlers entre Israéliens et Palestiniens ont fait couler beaucoup d’encre. La question de l’avenir si les négociations reprennent puis échouent à nouveau est loin d’avoir reçu une telle attention. 2012 a été une année agitée en politique palestinienne et la violence s’est accrue en Cisjordanie depuis la guerre de novembre entre Israël et Gaza, alimentant les prédictions d’une troisième intifada. Sur fond de crise financière d’une Autorité palestinienne incapable de verser les salaires ou de combattre le déclin économique, dont le Fatah s’est servi pour attiser les manifestations contre le premier ministre Salam Fayyad, ce dernier a présenté sa démission. Les manifestations ont alimenté les craintes d’une nouvelle guerre, voire de la disparition de l’Autorité palestinienne. Mais ces peurs ont été exagérées. Il semble peu probable que les Palestiniens précipitent leur système politique dans l’abîme ou se lancent dans un nouvel affrontement avec Israël. Pour sa part, Jérusalem tente d’éviter un tel scénario en maintenant l’économie palestinienne tout juste en vie et en limitant le nombre de Palestiniens tombés sous ses balles. L’idée d’un soulèvement populaire recueille peu de soutien en raison de l’absence de stratégie et d’unité palestinienne et de la lassitude de la population. Il est révélateur que deux thèmes consensuels et dépassant les clivages partisans aient nourri cette contestation: la débâcle financière de l’Autorité palestinienne et la grève de la faim des prisonniers. Ces questions secondaires, quoique importantes dans la vie nationale palestinienne, mobilisent la population précisément parce que les différentes factions l’autorisent et qu’elle pense que cela peut aboutir. Si certains Palestiniens souhaiteraient s’en servir pour provoquer un changement plus radical, peu semblent prêts à se lancer vers l’inconnu. Les partisans de la «fin d’Oslo» n’ont pas réussi à convaincre, notamment en raison de l’incertitude autour des conséquences d’une telle évolution et de l’absence de garantie qu’elle résoudra quoi que ce soit. L’arrêt de mort de l’Autorité palestinienne ne semble donc pas encore avoir été signé. Les dirigeants israéliens considèrent que son existence, voire sa prospérité, sert ses intérêts. Par ailleurs, les divisions entre Hamas et Fatah poussent ce dernier à préserver l’Autorité palestinienne, la plus puissante de ses institutions. Les diplomates occidentaux et de nombreux Palestiniens considèrent que les sommes d’argent qui continueront à être versées seront suffisantes pour maintenir l’Autorité palestinienne en vie, et que le président Abbas va redoubler d’efforts pour retarder la confrontation avec Israël. L’aide internationale permet ainsi de gagner du temps. Pourtant, une page se tourne. La vie politique palestinienne et l’Autorité palestinienne se transforment. La succession n’est plus un sujet tabou. Lorsqu’Abbas, âgé de 78 ans, se retirera, ce sera bel et bien la fin d’une ère: le président est en effet le dernier dirigeant d’envergure nationale toujours favorable à une solution négociée sur le modèle souhaité par la communauté internationale. La «dissolution» de l’Autorité palestinienne sera probablement moins une décision qu’un processus d’érosion de la légitimité des institutions palestiniennes, aujourd’hui la plus grande menace pour la Cisjordanie. Des mesures palliatives, comme l’investissement ou le développement économique, permettront peut-être de retarder l’effondrement du gouvernement, mais ne résoudront pas les problèmes de fond. Empêcher ainsi le conflit d’éclater revient à colmater les brèches les unes après les autres sans jamais réparer la fuite. La reprise des négociations pourrait elle aussi retarder l’éclatement d’une crise. Bien que les Palestiniens n’aient que peu d’espoir de les voir aboutir, les pourparlers donneraient à leurs dirigeants une raison – ou un prétexte, selon certains – de différer toute décision susceptible de faire monter la tension, comme par exemple une saisine de la Cour pénale internationale. Les négociations pourraient également convaincre certains membres des forces de sécurité que l’heure de l’Autorité palestinienne n’a pas encore sonné. En revanche, l’échec de ce nouveau dialogue risquerait de précipiter les évolutions qu’il est censé empêcher. «Négocier par amour de la négociation» pourrait faire plus de mal que de bien. L’Autorité palestinienne ne résistera pas à l’épreuve du temps et à la pression exercée par une rue de plus en plus mécontente. Frustration politique, désespoir, fragilité économique, violence accrue, et sentiment que la coopération en matière de sécurité profite aux Israéliens et non aux Palestiniens: autant de conditions réunies pour un soulèvement. Les Palestiniens pourraient ainsi décider, peut-être à la suite d’un événement perturbateur, que sur le long terme l’instabilité leur permettra de parvenir à leurs fins. En l’absence de mesures pour renforcer la légitimité des institutions palestiniennes et favoriser la perspective d’une paix globale, la déstabilisation sera inévitable. L’aide internationale ne permet qu’un gain de temps limité. 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