La paix enfin pour la Colombie
La paix enfin pour la Colombie
Crimes against the Climate: Violence and Deforestation in the Amazon
Crimes against the Climate: Violence and Deforestation in the Amazon
Op-Ed / Latin America & Caribbean 3 minutes

La paix enfin pour la Colombie

Depuis plus de deux générations, les Colombiens endurent conflit armé, enlèvements, trafics de drogues et violences. Aujourd’hui, une solution politique au conflit le plus ancien du continent américain est peut-être en vue.

Les négociations de paix entre le gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) doivent officiellement débuter jeudi en Norvège. Les pourparlers se poursuivront à Cuba et pourraient s’étendre à un autre groupe rebelle, l’Armée de libération nationale (ELN).

Les Farc ont besoin d’une voie de sortie

Pour la quatrième fois depuis les années 80, le gouvernement et les Farc tentent de trouver une issue à un conflit armé qui déchire le pays depuis presque un demi-siècle. Mais cette fois-ci, la détermination de parvenir à une solution semble accrue, d’autant que chaque partie paraît consciente de sa responsabilité historique de conclure un accord. Aucun acteur n’étant en mesure de l’emporter par la seule force des armes, les parties ont un intérêt évident à parvenir à un règlement politique.

Les Farc sont militairement affaiblies, et leurs chefs semblent se rendre compte qu’il s’agit peut-être de la dernière occasion de solder des décennies de combat par un accord de paix qui réponde, au moins en partie, à certaines causes de l’insurrection. La lutte armée leur permet tout au plus de survivre, et ils ont besoin d’une voie de sortie.

Informer et impliquer la société civile

Le gouvernement se trouve en position de force, bien que son avantage militaire ne soit pas tout à fait décisif. Bogota comprend que les armes ne peuvent à elles seules mettre un terme au conflit. Mais les autorités doivent à présent faire en sorte que le processus de paix ne soit pas uniquement imposé par le sommet, et que les communautés affectées y soient associées et non simplement assujetties.

Plus le processus sera inclusif, plus ses chances de réussite seront grandes. La société civile doit être informée et impliquée dans toutes les étapes des négociations. Les femmes ont un rôle essentiel à jouer et les victimes ne peuvent être négligées.

Améliorer sans délai la situation humanitaire

Certaines réformes telles que la restitution de terres et d’autres formes de dédommagement des victimes sont cruciales, et la loi de 2011 relative à ces questions doit être dûment mise en œuvre. La dissidence politique non violente doit être tolérée plutôt que stigmatisée ou criminalisée. Il faudra lancer en temps utile la réforme du secteur de la sécurité et mettre en place des mécanismes de compensation pour les combattants démobilisés. Tous ces éléments sont nécessaires afin d’instaurer un climat de confiance au sein de la société, réduire les risques de sabotage du processus et poser les fondements d’une paix durable.

Il est toutefois impératif que les parties fassent d’abord preuve de la plus grande retenue sur le terrain afin d’améliorer sans délai la situation humanitaire. Le gouvernement, l’armée et les Farc doivent ensuite conclure un cessez-le-feu dès les premières phases de la négociation.

Si les Farc respectaient le droit international...

La méfiance répandue à l’égard des guérillas risque de constituer un obstacle majeur aux pourparlers. L’opposition politique la plus radicale émane de l’ancien président Alvaro Uribe (2002-2010). Jusqu’à présent, une large majorité de Colombiens soutient le processus de paix, et les courants politiques traditionnels s’y sont ralliés, mais la violence chronique et le manque de résultats concrets risquent de saper une confiance déjà fragile.

Le climat globalement positif qui prévaut actuellement serait renforcé si les Farc respectaient le droit international de la guerre et, par exemple, relâchaient leurs otages et cessaient d’enrôler des mineurs.

Le soutien des Etats-Unis et de l’Union européenne

La communauté internationale, principalement représentée au sein des discussions par la Norvège, Cuba, le Venezuela et le Chili, devra se tenir aux côtés de la Colombie tout au long des pourparlers, à mesure que le pays s’attellera aux défis posés par l’après-conflit. Les principaux bailleurs de fonds tels que les Etats-Unis et l’Union européenne doivent renouveler et renforcer leur soutien politique et financier en faveur d’une amélioration de la situation humanitaire des populations touchées par le conflit.

Ils devraient maintenir et, si possible, accroître le financement destiné aux défenseurs des droits de l’homme, aux initiatives de paix locales ou régionales et aux programmes de formation pour les ONG et mouvements sociaux locaux. La société civile a besoin du soutien international pour s’investir de manière critique, autonome et constructive dans le processus de négociation et dans le nouvel ordre qui en émergera.

Un long chemin semé d’embûches

Tous les jours, cette guerre vieille de 48 ans réclame son tribut en vies humaines. Elle freine en outre le développement socio-économique et empêche la consolidation d’une démocratie véritablement inclusive et pluraliste.

Un accord n’éliminera pas à lui seul la violence, et le chemin sera long et semé d’embûches. Mais la Colombie ne peut se permettre de manquer cette chance de construire la paix.
 

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