L'OTAN doit renforcer sa présence au Darfour
L'OTAN doit renforcer sa présence au Darfour
Sudan’s Calamitous Civil War: A Chance to Draw Back from the Abyss
Sudan’s Calamitous Civil War: A Chance to Draw Back from the Abyss
Op-Ed / Africa 4 minutes

L'OTAN doit renforcer sa présence au Darfour

A la suite de la nomination, au milieu du mois de juillet, de l'ancien ministre finlandais Pekka Haavisto comme "représentant spécial" de l'Union européenne au Darfour, les Etats-Unis nomment, fin juillet, Roger Winter envoyé spécial au Soudan. Derrière ces mouvements se cachent un face-à-face entre l'Union européenne et l'OTAN pour savoir qui dirigera les opérations de soutien militaire et logistique aux forces de l'Union Africaine (UA) au Darfour.

Et pour cause, l'UA, malgré sa bonne volonté et au vu de la qualité et de la quantité des soutiens qui lui sont actuellement offerts ­ - et promis ­ - ne peut mettre fin à la crise du Darfour. L'UA ne possède pas les moyens requis pour prévenir d'urgence la mort et le massacre de dizaines de milliers de Soudanais dans ce conflit qui dure depuis deux ans.

La situation est devenue telle que toutes les alternatives efficaces et rapides ont été épuisées. Seule l'OTAN semble être en mesure d'épauler l'Union africaine pour mettre fin aux tueries quotidiennes.

Même après la tenue de la conférence d'Addis-Abeba, la Mission de l'Union africaine au Darfour (MUAS) présente deux faiblesses neutralisantes : son mandat et sa taille. L'actuel mandat, comme l'autorise le Conseil de paix et de sécurité de l'UA, se limite à des tâches d'observation et de vérification.

Du fait de sa dilution dans des contraintes politiques, il ne permet que "la protection de civils menacés dans l'environnement immédiat des positions de la MUAS et dans les limites de ses ressources et de ses moyens".

Pour être efficace, le mandat de la MUAS devrait être renforcé pour lui permettre de prendre toutes les mesures nécessaires à la protection des civils. Et, si besoin est, elle devrait pouvoir recourir à des actions actives sans être dépendante de la coopération du régime de Khartoum. Mais la MUAS ne possède pas les capacités humaines et militaires requises.

Sa taille ne lui permet pas de s'interposer efficacement entre les milices janjawids et leurs victimes ni de protéger les civils et les interventions humanitaires vitales pour les 2 millions de réfugiés du Darfour.

A l'origine, la force devait avoir un personnel de 3 300 membres au Darfour ­ - il manque toujours 600 policiers civils à l'appel. Ce chiffre devrait atteindre les 7 700 en septembre. C'est trop peu. La présence d'au moins 12 000 à 15 000 membres est requise dès aujourd'hui pour mener à bien la protection des villages et des femmes contre le viol systématique à l'extérieur des camps, la défense des déplacés au sein même du Soudan contre les rapatriements forcés.

Jusqu'à présent, et dans un effort compréhensible, l'Union africaine et ses partenaires ont été très clairs concernant leur refus d'avoir des troupes occidentales sur le terrain. Cependant, si toutes les autres options échouent, ce qui semble être le cas, l'intervention d'une force multinationale pour remplir le vide, en attendant que l'UA puisse mener à bien sa mission, est urgente. En effet, nous n'avons assisté, de la part des autorités soudanaises, qu'à un simulacre d'efforts pour désarmer les milices.

L'ONU a déjà voté en une année trois résolutions consensuelles sur le Darfour mais sans améliorer la situation. La quatrième résolution, votée le 31 mars 2005, n'a pas réussi à sérieusement intimider le gouvernement soudanais et les milices janjawids qu'il soutient. Le Conseil de sécurité de l'ONU est donc complètement paralysé.

Et pour cause, la Chine, qui importe 10 % de son pétrole du Soudan, a maintes fois menacé d'utiliser son droit de veto contre des résolutions qui sanctionneraient effectivement le gouvernement soudanais. De son côté, la Russie, dont les industries d'armement sont largement dépendantes des exportations, ne cherche pas à froisser le gouvernement client de Khartoum. Finalement, les Américains ne veulent pas tarir leurs sources d'informations dans leur guerre contre Al-Qaida.

Car, il faut le reconnaître, le régime soudanais coopère effectivement avec les Etats-Unis ; preuve en est la dernière visite, sur invitation de la CIA, du chef des services de renseignement soudanais à Washington en avril 2005, celui-là même que le Congrès a inscrit sur la liste des instigateurs des massacres du Darfour.

Quant aux pays arabes, Egypte et Libye en tête, il semble qu'ils cherchent à soutenir toute action qui donnerait du crédit politique au gouvernement soudanais et le renforcerait plutôt que de réellement résoudre la crise dans l'ouest du pays. Plusieurs sommets tenus à Tripoli et au Caire n'ont révélé qu'un semblant d'effort pour trouver une solution.

L'Union européenne ne possède pas encore la capacité de coordination militaire requise en ce qui concerne la planification, la chaîne de contrôle et de commandement ainsi que les moyens logistiques nécessaires pour couvrir un territoire africain aussi vaste que la France.

De plus, il ne semble pas qu'il y ait un pays européen prêt à remplir à lui seul cette mission ; les forces multinationales qui sont actuellement en formation ne sont malheureusement toujours pas assez nombreuses. Cependant, le rôle de l'Europe au Darfour reste primordial. L'entraînement que les pays européens offrent aux forces de l'UA, la logistique et le financement des opérations et des aides sont vitaux. Mais bien que ces actions aient déjà débuté en 2004, elles n'ont pas réussi à mettre un terme à la crise du Darfour.

L'annonce d'une mise en place de trois centres de commandement et de support aérien ne peut être que bénéfique, mais hélas insuffisante.

A l'évidence, l'UE, France en tête, était très réticente face à l'implication de l'OTAN en Afrique. Finalement, les deux organisations se sont mises d'accord, et ce au bénéfice de tous, pour que l'opération soit coordonnée par une cellule militaire basée à Addis-Abeba, en Ethiopie, sous commandement de l'Union africaine.

Cependant, il est important que l'opération de l'OTAN ne serve au Darfour que pour remplir les missions les plus urgentes de protection des civils en attendant que la force de l'Union africaine soit complète et efficace.

L'Organisation atlantique se doit donc d'offrir : soit une aide logistique substantielle à l'UA pour qu'elle puisse augmenter le nombre de ses troupes à plus de 12 000 hommes, et non pas en 2006 mais dans les deux mois ! Soit une force temporaire sur le terrain pour soutenir les troupes de l'UA en attendant que ces dernières soient au complet.

En l'absence d'alternatives efficaces, près de 10 000 personnes meurent chaque mois au Darfour tant en raison des massacres que de leur situation précaire de réfugiés.

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