Report / Asia 3 minutes

Jihadisme en Indonésie : Poso sur le fil du rasoir

Après huit mois passés à essayer de les convaincre de se rendre, la police indonésienne a mené deux raids de grande ampleur ce mois-ci à Poso, dans la province du Sulawesi central, dans le but d’arrêter un groupe d’hommes, pour la plupart des membres locaux de l’organisation terroriste Jemaah Islamiyah et recherchés pour une série d’attentats à la bombe, de décapitations et de fusillades.

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Synthèse

Après huit mois passés à essayer de les convaincre de se rendre, la police indonésienne a mené deux raids de grande ampleur ce mois-ci à Poso, dans la province du Sulawesi central, dans le but d’arrêter un groupe d’hommes, pour la plupart des membres locaux de l’organisation terroriste Jemaah Islamiyah et recherchés pour une série d’attentats à la bombe, de décapitations et de fusillades. Les efforts pacifiques déployés jusqu’alors avaient manifestement échoué mais le nombre de morts lors du deuxième raid a fait des criminels des victimes. Le jihad, habituellement dirigé contre les chrétiens locaux, pourrait à présent viser la police en tant que thoghut (force anti-islamique) et donner un coup de fouet à un mouvement jihadiste indonésien affaibli. Le gouvernement doit de toute urgence collaborer avec les dirigeants musulmans afin d’expliquer au public dans le détail qui étaient les suspects et pourquoi il a dû recourir à la force. Il devrait également examiner la façon dont les opérations de police ont été menées afin de voir si des mesures auraient pu être prises pour éviter des morts. De même, les autorités doivent commencer à répondre à toute une série de griefs locaux.

À l’aube du 22 janvier 2007, la police indonésienne s’est déployée dans une rue tranquille de Poso. Les policiers se sont trouvés confrontés non seulement aux hommes qu’ils recherchaient mais aussi à une résistance fortement armée qui comptait des moudjahidin venus d’autres parties de la région de Poso et plusieurs autres de Java. À la fin de la journée, un policier et quatorze civils avaient été tués et on comptait des blessés des deux côtés. Une vingtaine de personnes ont été arrêtées alors qu’elles tentaient de s’enfuir.

Il s’agit de la deuxième tentative en deux semaines d’arrêter par la force plus de vingt hommes qui étaient recherchés depuis mai 2006. Le 11 janvier, les policiers avaient déjà mené un raid dans plusieurs maisons où ils pensaient que se cachaient ces hommes ; ils en avaient tué deux et blessé six et avaient saisi une collection d’armes assez importante.

Certains signes semblaient déjà indiquer que les suspects et leurs sympathisants, dans un effort pour enrôler des moudjahidin dans leur groupe, présentaient les opérations de police comme des attaques contre les musulmans. Chaque mort causée par ces opérations renforçait leur position et ils vont sans doute élever au rang de martyrs au moins seize de leurs hommes tués lors des raids policiers, voire dix-sept en comptant un jeune homme tué en octobre 2006 dans un affrontement avec la police. La police court désormais le danger d’être la cible d’une guerre anti-thoghut menée par les jihadistes dans d’autres villes en dehors de Poso.

Un autre danger serait que la faction de la Jemaah Islamiyah qui s’oppose habituellement aux attentats contre des cibles occidentales et qui considère que Noordin Mohammed Top, le terroriste le plus recherché d’Asie du sud-est que l’on croit être derrière certains des attentats les plus meurtriers d’Indonésie, s’écarte de leur doctrine estime désormais que ce type de jihad est légitime.

Finalement, il est possible que certains des fugitifs essayent de se rendre à Java pour rejoindre les forces de Noordin. Les moudjahidin de Poso ont une grande expérience en matière d’assassinats ciblés, une tactique qui n’a pas été employée en dehors des zones de conflit. Bien que la probabilité d’un lien opérationnel entre ces deux groupes soit mince, l’adhésion même d’un seul tireur d’élite expérimenté au groupe de Noordin pourrait être extrêmement dangereuse.

Même si ces dangers étaient écartés et si les derniers suspects arrêtés, il ne faudrait pas s’en satisfaire et considérer que la violence à Poso est une chose du passé. Le conflit intercommunautaire qui a atteint son apogée en 2000/2001 est loin d’être réglé. Certains moudjahidin parlent de la nécessité de faire rapidement des enfants afin de former une nouvelle génération de combattants. Alors même que le gouvernement continue de mener des opérations de sécurité, il est urgent d’adopter une nouvelle approche globale face au conflit.

Le présent rapport examine le processus qui a conduit un quartier de Poso à devenir un fief de la Jemaah Islamiyah et comment un groupe d’hommes restreint a réussi à terroriser cette ville pendant trois ans avant que leurs identités aient pu être établies. Il étudie les liens entre les structures de la Jemaah Islamiyah à Poso et à Java ainsi que les griefs et la rancœur des locaux qui ont motivé la violence actuelle et enfin analyse la marche à suivre.

Jakarta/Bruxelles, 24 janvier 2007

Executive Summary

After eight months of trying to induce surrenders, the Indonesian police have conducted two major raids this month in Poso, Central Sulawesi, to arrest a group of men, most local members of the terrorist organisation Jemaah Islamiyah (JI), wanted for a range of bombings, beheadings and drive-by shootings. Peaceful efforts had clearly failed but the high death toll from the second raid has turned the wanted men into victims. A jihad that has been largely directed against local Christians could now be focused on the police as a thoghut (anti-Islamic force) and give a boost to Indonesia’s weakened jihadi movement. The urgent task now is for the government to work with Muslim leaders to explain in detail who the suspects were and why force was used. It also should examine how police operations were conducted to see if further measures could have been taken to prevent casualties. Authorities likewise need to begin addressing a wide range of local grievances.

Just after dawn on 22 January 2007 Indonesian police moved in on a quiet Poso street. They found themselves confronting not just the men they sought but a much larger and heavily armed resistance, including mujahidin from elsewhere in the Poso area and several from Java. By the end of the day, one policeman and fourteen others were dead, and several on both sides wounded. Some two dozen were arrested as they fled.

This was the second attempt in two weeks to forcibly arrest more than twenty men who had been on a wanted list since May 2006. On 11 January, police raided the houses where they were believed to be hiding, killing two, arresting six and seizing a sizeable collection of weapons.

There were already indications that the suspects and their sympathisers, in an effort to enlist mujahidin from outside their own group, were portraying police operations as an attack on Muslims. Any deaths in the course of the operations would strengthen their hand, and they now have at least sixteen men from the two raids whom they will almost certainly claim as martyrs, or seventeen, counting a young man killed in October 2006 in a clash with police. One danger now is that the jihadis will try to take the anti-thoghut war outside Poso, targeting police in other cities.

Another danger is that the JI faction that opposes bombings of Western targets and sees Noordin Mohammed Top, South East Asia’s most wanted terrorist and the man believed to be behind some of Indonesia’s deadliest bombings, as a deviant, will see this jihad as legitimate.

Finally there is the possibility that some of the fugitives might try to get to Java to join forces with Noordin. The Poso mujahidin are experienced in targeted assassinations, a tactic that has not been used outside conflict areas. While the likelihood of an operational link-up between the two groups is slight, the addition of even one experienced sniper to Noordin’s group could be lethal.

Even if these dangers are avoided and the remaining suspects are arrested, no one should be complacent that the violence in Poso is over. There is too much unfinished business from the communal conflict there that reached its height in 2000-2001. Some mujahidin speak of the need to have children quickly so that a new generation of fighters can be produced. Even as the government continues its security operations, a more comprehensive approach to the conflict is urgently needed.

This report examines how one neighbourhood in Poso became a JI stronghold and how a small group of men managed to terrorise the city for three years before their identities became known. It looks at the links between the JI structures in Poso and Java and the local grievances and resentments driving the ongoing violence and analyses the way forward.

Jakarta/Brussels, 24 January 2007

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