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Sri Lanka : l’échec du processus de paix

Après quatre ans d’une paix relative, le Sri Lanka est de nouveau plongé dans un conflit militaire entre le gouvernement et l’organisation séparatiste des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE).

Synthèse

Après quatre ans d’une paix relative, le Sri Lanka est de nouveau plongé dans un conflit militaire entre le gouvernement et l’organisation séparatiste des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE). Le cessez-le-feu de 2002, négocié avec l’aide de la Norvège, reste intact en théorie mais de moins en moins respecté sur le terrain et les brutalités vont croissant. Plus de 2500 personnes, dont un grand nombre de civils, ont été tuées depuis janvier. Abus des droits de l’Homme et exécutions politiques sont pratiqués en toute impunité dans les deux camps. La crise humanitaire dans le nord-est est critique : plus de 200 000 personnes ont dû quitter leur maison durant l’année. Tant que les attitudes ne changeront pas des deux côtés, on peut s’attendre à une aggravation rapide de la violence.

Le cessez-le-feu de 2002 a mis fin à un conflit de vingt ans dans lequel 70 000 personnes ont trouvé la mort mais les diverses tentatives d’arriver à une solution politique se sont rapidement heurtées à des obstacles. Les négociations ont été interrompues à la mi-2003 lorsque le LTTE a suspendu sa participation. Les pourparlers qui ont eu lieu en février et octobre 2006 n’ont pas permis de reprendre les discussions à la recherche d’un règlement politique et, dans les deux camps, les chefs militaires semblent désormais prendre de l’ascendant. Le traité de paix initial a été conclu à la va-vite, le gouvernement cherchant à exploiter la peur de la guerre ressentie par la population. Bien que le processus de paix ait mis fin aux affrontements militaires à grande échelle, d’importants problèmes dans sa conception ont finalement contribué à un regain de violence.

D’une part, le processus de paix se concentrait exclusivement sur deux parties : le gouvernement, alors dirigé par Ranil Wickremesinghe, du Parti national uni (UNP), et le LTTE. La présidente Chandrika Kumaratunga et les autres membres de premier plan de l’élite politique du sud avaient été en grande partie exclus de ce processus. Parmi les tamouls, en dehors du LTTE, les partis n’avaient aucun rôle, pas plus que la communauté musulmane, qui représente pourtant 7 pour cent de la population. La dynamique du conflit s’explique en grande partie par les frictions entre les communautés ethniques mais parce que le processus de paix ignore ce fait, il est improbable qu’il permette d’aboutir à une paix durable.

D’autre part, le processus de paix reposait en trop grande partie sur des incitations économiques et il a souffert politiquement de l’opposition au programme de réforme économique du gouvernement. Plus grave encore, aucun des deux camps n’avait une idée précise de ce à quoi le processus pourrait aboutir. Bien que le gouvernement ait promis une administration intérimaire dans le nord-est qui serait dirigée par le LTTE, cette idée n’a pas tenu compte de la nature du mouvement rebelle, qui a continué à tuer et réduire au silence ses opposants, à recruter des enfants soldats et administrer les zones sous son contrôle à la façon d’un régime totalitaire. Le LTTE était également incapable de proposer une vision claire de son avenir. Son rêve de former un État distinct (réitéré par son chef, Velupillai Prabhakaran, dans son discours annuel prononcé le 27 novembre 2006) est inacceptable tant pour les cingalais que pour l’Inde, principale puissance régionale, et il ne faudrait pas s’attendre à une transition vers une politique pluraliste étant donné le rejet du LTTE des méthodes démocratiques.

Le regain de violence durant l’administration du président Mahinda Rajapakse rend tout règlement politique plus difficile. Rien de prouve qu’aucun des deux camps peut obtenir une victoire militaire. Bien que le LTTE ait pu être affaibli par des divisions internes et par une pression internationale croissante sur la levée de fonds au sein de la diaspora tamoule, il demeure une force militaire redoutable, capable d’organiser des attaques terroristes à travers l’île et d’affronter les troupes gouvernementales dans des batailles conventionnelles. Le conflit est le cadre de graves abus des droits de l’Homme, qui amoindrissent la perspective d’un règlement pacifique, et la situation humanitaire s’est fortement détériorée, des milliers de personnes ayant dû fuir pour éviter d’être pris dans les combats.

La communauté internationale a un rôle clé à jouer pour contenir les deux camps et les encourager à mener des discussions sérieuses pour arriver à un règlement politique. Cependant, la reprise des combats a engendré la frustration plutôt qu’un nouveau dialogue ; certains donateurs et acteurs majeurs sont désormais plus réticents à s’engager dans le pays. Pourtant, le Sri Lanka a plus que jamais besoin d’un engagement international décisif et qui s’inscrive dans la durée, qui insisterait sur le court terme sur les droits de l’Homme et autres questions humanitaires mais qui présenterait une vision politique à plus long terme et dont l’objectif serait de relancer le processus de paix en tenant compte de la complexité du conflit.

Le présent rapport, le premier de Crisis Group sur le Sri Lanka, présente le contexte du conflit, les différentes étapes qui se sont succédé et la situation présente et identifie les problèmes majeurs qui ont nui au processus de paix jusqu’à présent. Il sera suivi d’une série de rapports plus spécifiques qui s’accompagneront de recommandations.

Colombo/Bruxelles, 28 novembre 2006

Executive Summary

After four years of relative peace, Sri Lanka has again plunged into military conflict between the government and the separatist Tamil group, the Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE). A 2002 ceasefire, negotiated with Norway’s help, remains intact on paper but is flouted on the ground with increasing regularity and frequent brutality. More than 2,500 people, many of them civilians, have been killed since January. Human rights abuses and political killings are carried out with impunity by both sides. The humanitarian crisis in the north east is critical, with more than 200,000 fleeing their homes during the year. Until attitudes change on both sides, the immediate prospect is for worsening violence.

The 2002 ceasefire ended twenty years of conflict, in which as many as 70,000 died. But attempts to reach a political solution quickly ran into problems. Negotiations ground to a halt in mid-2003, when the LTTE suspended its participation. Talks in February and October 2006 failed to restart discussion of a political settlement, and on both sides military leaders now seem to be in the ascendancy. The initial peace deal was rushed through, with the government keen to capitalise on war-weariness among the population. Although it stopped full-scale military clashes, significant problems in the design of the process ultimately contributed to the renewal of conflict.

The peace process was exclusively focused on two parties: the government, then led by Ranil Wickremesinghe of the United National Party (UNP), and the LTTE. President Chandrika Kumaratunga and other key southern political elites were largely excluded from the process. Among Tamils, non-LTTE parties had no role; nor did the important Muslim community, which makes up some 7 per cent of the population. Much of the dynamic of the conflict is within ethnic communities, and the failure of the peace process to address this made a lasting peace more unlikely.

The process also relied too heavily on economic incentives and was undermined politically by opposition to the government’s economic reform program. More significantly, neither side had a clear idea of what the endgame might look like. Although the government promised an interim administration in the north east, run by the LTTE, this did not take into account the nature of the rebel movement, which continued to kill and silence opponents, recruit child soldiers and run the areas it controlled like a totalitarian regime. The LTTE was also unable to articulate a clear vision of its future. Its dream of a separate state – reiterated by its leader, Velupillai Prabhakaran, in his 27 November 2006 annual speech – is unacceptable to the Sinhalese, and to the major regional power, India, and its rejection of democratic methods makes its eventual transition to pluralistic politics deeply problematic.

The renewal of conflict under the administration of President Mahinda Rajapakse makes any political settlement more difficult. There is little evidence that either side can win militarily. Although the LTTE may have been weakened by internal splits and increased international pressure on its fundraising among the Tamil diaspora it remains a formidable military force, able to mount terrorist attacks throughout the island and confront government troops in conventional battles. The conflict has spawned serious human rights abuses that further undermine the goal of a peaceful settlement, and the humanitarian situation has declined markedly, with thousands of internally displaced persons (IDPs) fleeing to avoid being caught in the fighting.

The international community has a key role to play in restraining both sides and pushing for serious discussion of a political settlement. However, rather than engendering a new level of engagement, the resumed fighting has led to frustration, with some donors and key players more reluctant to become involved. Sri Lanka more than ever before needs international engagement that is critical and sustained, focusing above all on immediate human rights and humanitarian concerns but with a longer-term political view that seeks to renew a peace process taking into account the full complexity of the conflict.

This report, Crisis Group’s first on Sri Lanka, describes the background to the conflict, its successive stages and the present state of play, identifying the major problems that have plagued the peace process so far. It will be followed by a series of more specifically focused reports containing recommendations.

Colombo/Brussels, 28 November 2006

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