Comment faire plier l'Iran sur le nucléaire
Comment faire plier l'Iran sur le nucléaire
The Middle East Could Still Explode
The Middle East Could Still Explode
Op-Ed / Middle East & North Africa 4 minutes

Comment faire plier l'Iran sur le nucléaire

Bien qu'il y ait peu de sujets internationaux plus importants que la crise nucléaire iranienne, cette question n'a toujours pas de solution. L'Iran demeure catégorique quant à son droit à poursuivre sa politique d'enrichissement d'uranium sur son propre territoire jusqu'à en posséder complètement la maîtrise. Les Etats-Unis sont formels et s'opposent à ce que l'Iran s'engage plus avant dans l'enrichissement d'uranium à des fins civiles. L'Union européenne, de son côté, a joué les médiateurs, mais pour l'instant sans grand succès, ne possédant – sans un engagement américain – ni le bâton pour faire pression sur Téhéran, ni la carotte pour persuader l'Iran de mettre fin à ses activités. La Russie a proposé la solution de l'enrichissement d'uranium dans un pays tiers, mais Téhéran ne semble pas prêt à accepter un procédé qui l'empêcherait d'acquérir la maîtrise de cette technologie. Pendant ce temps, la rhétorique incendiaire du président iranien, le soutien sans faille apporté à des groupes militants, et la décision du pays de reprendre ses activités nucléaires ont remis la question iranienne sur le devant de la scène. Tout ceci aboutit à donner – et c'est bien compréhensible – une bien piètre image des pouvoirs de la diplomatie. Cette faillite conduit à envisager d'autres options, qu'il s'agisse de sanctions ou d'actions militaires.

Mais ni les unes ni les autres ne semblent faciles à mettre en oeuvre. Obtenir un consensus international sur les sanctions est une tâche difficile dans le contexte actuel ; et réussir à instaurer des sanctions qui seraient suffisamment efficaces pour faire plier l'Iran semble encore plus délicat.

Des frappes militaires présentent d'autant plus de risques qu'il ne pourrait s'agir de «frappes chirurgicales» : l'Iran a disséminé ses installations nucléaires dans des zones d'habitation. De telles actions engendreraient, sans coup férir, un déluge de représailles : le régime bénéficierait d'un réflexe de solidarité patriotique qui pourrait avoir des répercussions jusqu'en Irak, en Afghanistan, en Palestine, voire en Occident. En outre, rien n'indique que de telles mesures permettraient de ralentir la poursuite du programme nucléaire iranien au-delà de quelques années.

Il vaut bien mieux choisir la voie diplomatique, la meilleure des options restant la proposition russe de permettre à l'Iran de poursuivre son programme civil à condition que l'enrichissement de l'uranium se fasse dans un pays tiers. Mais il y a peu d'espoir que cela réussisse, notamment sans mesures américaines encourageantes allant jusqu'à la reconnaissance diplomatique et la levée des sanctions en vigueur. Pour que cela devienne possible, il faudrait un changement radical de la politique étrangère iranienne. Ni Washington ni Téhéran ne semblent intéressés le moins du monde à y consentir pour le moment.

L'autre solution diplomatique – suggérée par l'International Crisis Group – consiste à réconcilier les préoccupations légitimes de l'Iran et de l'Occident. L'Iran veut que les Etats-Unis et l'Union européenne reconnaissent son droit à enrichir l'uranium, selon le principe du traité de non-prolifération nucléaire. Washington et Bruxelles, soutenus par la majorité de la communauté internationale, sont déterminés à ce que l'Iran n'accède pas aux moyens de développer l'arme nucléaire.

Un compromis réaliste consisterait à ce que l'Iran – motivé par de sérieuses incitations d'ordre sécuritaire, économique ou énergétique – accepte un régime d'inspection très strict et que toute activité d'enrichissement local soit ajournée de plusieurs années ; des conditions qui lui donneraient la possibilité de poursuivre un programme civil limité en taille et en capacité, avant d'obtenir, à terme, la possibilité d'enrichir normalement son propre combustible.

Cette proposition de compromis soulève des objections : un tel processus permettrait à l'Iran d'acquérir le savoir-faire nécessaire à la poursuite d'un programme militaire sous couvert d'un programme civil. Mais, en l'absence d'accord, Téhéran va non seulement continuer ses activités nucléaires, mais aussi échapper à tout contrôle. Comme l'a montré l'échec des trois années d'action diplomatique, l'option retenue d'un «enrichissement zéro» a peu de chances d'être mutuellement acceptée ou effectivement imposée. Le schéma d'enrichissement limité et différé doit être mis en balance non pas avec le statu quo – à la fois fragile et intenable – mais avec le scénario d'une escalade sans fin et d'une possible confrontation militaire. Sans compter que toute activité militaire clandestine aurait toutes les chances d'être découverte par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) chargée d'exercer une surveillance stricte des activités nucléaires iraniennes.

Une autre objection est qu'un tel compromis renforcerait le camp des radicaux iraniens et affaiblirait celui des plus pragmatiques. Deux réponses à cela. Primo, en dépit de toutes les questions posées par la nature du régime iranien, la priorité des priorités reste la question nucléaire. Il est impératif de s'assurer que l'Iran ne développe pas de filière nucléaire militaire. Secundo, le meilleur moyen de renforcer le parti des plus modérés est d'avancer une solution propre à emporter l'adhésion d'une majorité d'Iraniens. Interdire totalement le processus d'enrichissement d'uranium reviendrait à favoriser le resserrement des rangs autour du régime en place ; l'autoriser, sous réserve d'ajournement à long terme et de stricte surveillance, pourrait bien faire apparaître des dissensions internes entre les partisans du développement de l'arme nucléaire et ceux qui s'y opposent.

Il va de soi que la solution diplomatique ne peut s'imposer que si l'Iran perçoit clairement le risque qu'il prendrait en la rejetant. C'est la raison pour laquelle la communauté internationale – l'Union européenne, la Russie et la Chine en tête – doit faire clairement comprendre que, si l'Iran rejetait cette offre ou l'acceptait en théorie, pour la violer en pratique, de sévères sanctions seront imposées. Ce n'est qu'en travaillant ensemble, à la fois en proposant des solutions réalistes et en menaçant de sanctions suivies d'effets, que la communauté internationale peut espérer obtenir un résultat satisfaisant.

Subscribe to Crisis Group’s Email Updates

Receive the best source of conflict analysis right in your inbox.