Briefing / Africa 4 minutes

Accord de paix global soudanais: au-delà de la crise

Le 11 octobre 2007, le Mouvement populaire pour la libération du Soudan (MPLS) annonçait qu’il suspendait sa participation au gouvernement d’unité nationale en raison de la non-application par le Parti du congrès national (PCN) de certains aspects fondamentaux de l’Accord de paix global signé en 2005, accord qui avait mis fin au conflit opposant depuis une vingtaine d’années le nord au sud du pays.

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I. Synthèse

Le 11 octobre 2007, le Mouvement populaire pour la libération du Soudan (MPLS) annonçait qu’il suspendait sa participation au gouvernement d’unité nationale en raison de la non-application par le Parti du congrès national (PCN) de certains aspects fondamentaux de l’Accord de paix global signé en 2005, accord qui avait mis fin au conflit opposant depuis une vingtaine d’années le nord au sud du pays. Après des mois de réunions au plus haut niveau, de déclarations de plus en plus agressives et de prises de positions militaires, les parties se sont finalement accordées sur une série de mesures, écartant la menace d’une nouvelle crise. Le 27 décembre, le MPLS a réintégré un gouvernement central remanié. La crise a été désamorcée dans l’immédiat mais les difficultés de fond persistent et le risque de nouveaux combats grandit dans la région d’Abiye. Les deux partis doivent réaffirmer leur engagement envers la mise en œuvre complète de l’accord de paix global pour consolider la paix. Pour sa part, la communauté internationale doit réaffirmer son engagement en soutien d’un accord de paix toujours fragile et reconnaître que la mise en œuvre de celui-ci offrirait le meilleur environnement pour établir la paix au Darfour et au-delà.

En dépit des progrès réalisés sur la plupart des questions soulevées, rien ne garantit que les nouveaux délais fixés en décembre seront respectés. Les partis se positionnent pour les élections nationales prévues pour 2009 et pour le référendum sur l’indépendance du Sud qui devrait avoir lieu en 2011. Elles continuent de discuter d’un accord de « partenariat » mais trois facteurs de taille continuent de menacer l’accord de paix. Tout d’abord, ceux qui voient l’accord de paix et les élections comme une menace à leur contrôle dominent le PCN quasiment depuis la mort en juillet 2005 de John Garang, chef du MPLS. Après avoir mis sur la touche le vice-président Osman Taha, qui avait négocié cet accord avec Garang dans l’espoir qu’un partenariat électoral avec les anciens insurgés pourrait apporter une victoire démocratique au PCN, les autorités ont cherché à protéger leur contrôle sur l’État et l’économie et à repousser les élections. Le PCN souhaite toujours former un partenariat mais un partenariat qui neutralise le MPLS en tant que rival au niveau national et qui définisse ce dernier comme un partenaire de moindre importance, uniquement préoccupé par le sud.

Deuxièmement, le MPLS reste profondément divisé quant à ses priorités. La principale division sépare ceux qui sont favorables à une stratégie mettant le sud au premier plan et se concentrent sur le référendum de 2011 et ceux qui soutiennent la vision d’un nouveau Soudan telle que proposée par Garang et souhaitent jouer un rôle dans la politique nationale, y compris par le biais d’une confrontation ouverte avec le PCN. Ce dernier cherche à changer la gouvernance du pays et à répondre aux revendications de ses régions marginalisées. Les conflits internes au MPLS ont affaibli tant la mise en application de l’accord de paix global que la position de ce parti vis-à-vis du PCN.

Le MPLS a offert au PCN de partager une liste électorale en échange de l’application de l’accord de paix dans sa totalité, à commencer par les dispositions concernant la région d’Abiye, et pour le moment ceux qui poursuivent une stratégie nationale sont en position de force. Mais la convention du MPLS qui doit se tenir en mai, la deuxième depuis la création du parti, offrira à la fois d’une part une occasion cruciale de réconcilier ses visions rivales et d’établir des processus décisionnels plus transparents et d’autre part une occasion potentiellement risquée pour ses dirigeants de faire face aux demandes exprimées dans différentes régions, notamment Monts Nuba, Nil bleu et Abiye.

Troisièmement, les garants internationaux et l’ONU maintiennent un retrait dangereux par rapport à l’accord de paix global, en partie du fait de leurs inquiétudes concernant le Darfour et en partie en l’absence d’un consensus concernant la marche à suivre. Durant la crise de la fin 2007, ils sont apparus essentiellement préoccupés par le potentiel impact que celle-ci pourrait avoir sur les tentatives de stabiliser le Darfour. Ayant conclu qu’il ne pouvait compter sur les garants, le MPLS a renforcé ses capacités militaires, que nombre de ses membres considèrent comme son seul réel pouvoir sur le PCN, et il a développé des alliances avec des mouvements marginalisés et autres factions rebelles au Darfour, dans le Kordofan, dans l’est et l’extrême nord.

Un retour la guerre n’est dans leur intérêt d’aucun des deux camps et qu’elles ont davantage à gagner à coopérer pour le moment. Mais elles n’ont pas confiance l’une en l’autre et chacune entend définir cette coopération à sa manière. Pour assurer une paix durable, elles doivent se reconcentrer sur l’accord de paix et lui assurer un soutien international plus large. Elles doivent entreprendre de toute urgence les actions suivantes :

  • Le PCN devrait faire appel à nouveau aux personnes qui constituait l’équipe ayant négocié avec succès l’accord de paix global – ceci devrait permettre de rejouer le scénario gagnant qui a mené à la signature de l’accord de paix. Cette décision serait jugée comme un signe de sa bonne foi et comme la preuve de son réengagement envers la mise en œuvre de cet accord.
     
  • Le MPLS devrait profiter de la convention nationale qu’il organisera en mai pour résoudre ses différends internes, adopter une stratégie claire quant à la mise en œuvre de l’accord de paix et mettre en place des mécanismes décisionnels transparents.
     
  • Les garants internationaux et pays partenaires devraient convoquer une conférence dans le cadre de l’Autorité intergouvernementale de développement (IGAD) ou du Forum des partenaires de l’IGAD afin d’élaborer une stratégie coordonnée sur la mise en œuvre de l’accord de paix global, notamment en relation avec le Darfour.
     
  • La Commission d’évaluation et de contrôle (AEC) devrait être redynamisée grâce à la mise en place d’un mécanisme efficace de vérification et à des réunions régulières entre envoyés. La nouvelle présidence de cette commission devrait encourager ses membres internationaux à soutenir activement ses travaux et à unifier leurs positions sur les points discutés dans le cadre d’ateliers. Si elle ne parvient pas à faire preuve d’une plus grande efficacité, les principales missions diplomatiques à Khartoum devraient créer une commission parallèle qui serait libre de fonctionner en dehors des limites imposées par les parties.
     
  • La mission des Nations unies au Soudan (MINUS) devrait renforcer sa surveillance dans les zones où des conflits risquent d’éclater à Abiye et le long de la frontière nord-sud et surveiller les mouvements de soldats afin d’éviter que des échauffourées locales ne dégénèrent. Le PCN empêchent régulièrement la MINUS d’accéder au nord de la ville d’Abiye, une violation du mandat de la MINUS à laquelle il faudra remédier. Le Secrétaire général devrait demander que la MINUS présente au Conseil de sécurité des rapports mensuels sur la mise en œuvre des principaux critères établis par l’accord de paix global, par exemple Abiye, le redéploiement des forces armées, le recensement, la préparation des élections, la gestion fiscale et la transparence des revenus pétroliers. Les informations recueillies par l’AEC et ses recommandations devraient également être communiquées au Conseil de sécurité par le biais de ces rapports mensuels.
     
  • La communauté internationale devrait travailler en étroite collaboration avec le gouvernement d’unité nationale sur différentes options concernant le recensement (en particulier au Darfour) et sur les préparations des élections de 2009, qui prennent déjà du retard.

Par dessus tout, la politique internationale ne devrait plus faire de distinction entre l’accord de paix global et le Darfour. Les divers conflits du Soudan ne sont que les expressions multiples d’un ensemble de problèmes nationaux et ils doivent être traités comme tels.

Nairobi/Bruxelles, 13 mars 2008

I. Overview

On 11 October 2007, the Sudan People’s Liberation Movement (SPLM) announced it was suspending participation in the Government of National Unity because the National Congress Party (NCP) was not implementing key aspects of the 2005 Comprehensive Peace Agreement (CPA) that ended the generation-long, primarily North-South conflict. After months of high-level meetings, military posturing and increasingly aggressive rhetoric, the parties agreed on a series of measures and drew back from the brink. The SPLM rejoined the government, which includes a reorganised cabinet, on 27 December. The immediate crisis has been defused, but underlying difficulties remain, and the risk of significant new fighting is growing in the Abyei area. Both parties must re-commit to full CPA implementation if peace is to hold, and the international community must re-engage robustly in support of the still shaky peace deal and recognise that CPA implementation would create the best environment for peace in Darfur and beyond.

There is progress on most issues but few guarantees that the new timetables set in December will be implemented. As the parties position themselves for the scheduled 2009 national elections and the 2011 southern independence referendum, they continue to discuss a “partnership” arrangement, but three main factors still threaten the CPA. First and foremost, those who view the peace deal and the elections as a threat to their control have dominated the NCP almost since the July 2005 death of the SPLM leader John Garang. Having sidelined Vice President Ali Osman Taha, who negotiated it with Garang in the hope an electoral partnership with the former insurgents could bring the NCP a democratic victory, the regime has sought to protect its control over the state and the economy and delay elections. The NCP still wants a partnership but one that neutralises the SPLM as a national challenger and defines it as a purely southern-based junior partner.

Secondly, the SPLM remains deeply divided on priorities. The main division is between those who favour a southern-first strategy and concentrate on the 2011 referendum and those who support Garang’s New Sudan vision and want to play a role in national politics, including through open confrontation with the NCP. The latter seek to change the country’s governance and address the grievances of its marginalised regions. The infighting has weakened both CPA implementation and the party’s position vis-à-vis the NCP.

The SPLM has offered the NCP a joint electoral ticket in exchange for full CPA implementation, beginning with Abyei, and for the moment those pushing a national agenda have the upper hand. But the SPLM’s second-ever national convention, planned for May, will be both a critically important opportunity to reconcile its competing visions and establish more transparent decision-making processes and a potentially risky occasion for leaders who face demands from multiple constituencies, including the Nuba Mountains, Blue Nile and Abyei.

Thirdly, the international guarantors and the UN remain dangerously disengaged on the CPA, due in part to preoccupation with Darfur and in part to a lack of consensus on the way forward. During the late 2007 crisis, they appeared mainly concerned about its potential impact on attempts to settle Darfur. Having concluded that it cannot rely on the guarantors, the SPLM has been building up its military capacity, which many members consider its only realistic leverage over the NCP, as well as developing alliances with marginalised movements and rebel factions within Darfur, Kordofan, the East and the far North.

Both parties calculate that a return to war is not in their best present interests, and they have more to gain working together. But there is great distrust, and each side wants cooperation on its own terms. If peace is to hold, they must rededicate themselves to the CPA and broaden its national support. The following actions are urgently needed:

  • The NCP should appoint those who formed the team that successfully negotiated the CPA to lead on this file, as this offers the best chance to revive the win-win scenario that led to its signature. Such a move would be seen as a sign of good faith and re-commitment to the agreement’s implementation.
     
  • The SPLM should use its National Convention in May to resolve internal differences, adopt a clear strategy on CPA implementation and build transparent decision-making mechanisms.
     
  • The CPA’s international guarantors and partner countries should convene a conference, within the framework of the Intergovernmental Authority on Development (IGAD) or the IGAD Partners Forum, to develop a coordinated strategy on CPA implementation, including its relationship to Darfur.
     
  • The Assessment and Evaluation Commission (AEC) should be revitalised, with an effective verification mechanism and regular meetings at envoy level. The new AEC chair should encourage its international members to actively support its work and unify their positions on issues discussed in working groups. If it cannot become more effective, key diplomatic missions in Khartoum should create a shadow AEC, free to report without the parties’ constraints.
     
  • The UN Mission in Sudan (UNMIS) should increase monitoring of flashpoint areas in Abyei and along the North-South border and negotiate with the parties to create demilitarised zones into which UNMIS forces could deploy and monitor movements of troops to help prevent local flare-ups from escalating. Regular access for UNMIS north of Abyei town has been blocked consistently by the NCP, a violation of the UNMIS mandate that needs to be remedied. The Secretary-General should require monthly reports from UNMIS for the Security Council focusing on implementation of key CPA benchmarks such as Abyei, redeployment of armed forces, the census, election preparations, fiscal management and transparency of oil revenues. The AEC’s findings and recommendations should also be delivered to the Security Council via this monthly reporting.
     
  • The international community should work closely with the national unity government on contingency planning concerning the census (particularly in Darfur) and lagging preparations for the 2009 elections.

Above all, international policies must no longer be bifurcated between the CPA and Darfur. Sudan’s multiple conflicts are outgrowths of a common set of national problems and need to be treated as such.

Nairobi/Brussels, 13 March 2008

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