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Zimbabwe : la sortie de l’impasse ?

Après des années d’impasse politique et de déclin économique et humanitaire, il semblerait que le Zimbabwe puisse depuis quelques mois envisager de façon réaliste de résoudre la crise qui le ronge grâce au scénario suivant : le prochain départ du président Mugabe laissant la place à un gouvernement de transition qui opère un partage du pouvoir entre les différents partis, l’adoption d’une nouvelle constitution et l’organisation d’élections.

Synthèse

Après des années d’impasse politique et de déclin économique et humanitaire, il semblerait que le Zimbabwe puisse depuis quelques mois envisager de façon réaliste de résoudre la crise qui le ronge grâce au scénario suivant : le prochain départ du président Mugabe laissant la place à un gouvernement de transition qui opère un partage du pouvoir entre les différents partis, l’adoption d’une nouvelle constitution et l’organisation d’élections. Tant les factions du Mouvement pour le changement démocratique (MCD), qui constitue une opposition divisée, que de puissants éléments du parti de l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (ZANU-PF) appuient ce projet. Bien que plusieurs dirigeants de son parti le pressent de prendre sa retraite politique à l’expiration de son mandat dans douze mois, Robert Mugabe envisage de rester au pouvoir jusqu’en 2010 grâce à une modification de la constitution qui permettrait d’harmoniser les élections présidentielles et les législatives cette année-là. Une pression accrue et l’intervention notamment de l’organisation régionale qu’est la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC en anglais) et de l’Occident lors de la préparation de la session parlementaire qui aura lieu cet été pourraient conduire à l’avènement d’un nouvel ordre politique au Zimbabwe. Mais on ne devrait consentir de concessions envers le ZANU-PF qu’en échange d’une véritable restauration de la démocratie.

Le déclin économique du Zimbabwe ainsi que l’impact des sanctions ciblées imposées par l’Union européenne (UE) et les États-Unis poussent le ZANU-PF vers le changement puisque les intérêts financiers des principaux responsables en souffrent. Le parti est divisé sur la question de la succession du président mais la tactique de « diviser pour régner » que Mugabe emploie depuis longtemps commence à se retourner contre lui puisque les deux principales factions se réunissent aujourd’hui pour l’empêcher de rester au pouvoir au-delà de l’expiration de son mandat présidentiel en mars 2008. Elles ont déjà montré leur force en bloquant la proposition faite par celui-ci pour modifier la constitution lors de la conférence annuelle du parti en décembre 2006 et essaieront de recommencer lors de la réunion du comité central du mois de mars. Elles envisageront ainsi plusieurs options pour le départ de Mugabe afin de laisser la place à des dirigeants modérés qui pourraient négocier avec le MCD et la société civile sur les mécanismes de transition, chercher à obtenir l’appui de la SADC et reprendre le dialogue avec l’Occident et les investisseurs étrangers.

Un accord qui ne prévoirait que le départ de Mugabe tout en maintenant le statu quo politique par le maintien au pouvoir du ZANU-PF ne changerait rien. La situation rappelle celle des dernières étapes du règne de Mobutu au Congo. Le FMI prévoit que l’inflation (le Zimbabwe connaît déjà le taux d’inflation le plus élevé au monde) pourrait passer à 4000 pour cent d’ici la fin de l’année, alors que les devises étrangères sont gaspillées, volées ou passées à l’étranger en contrebande. Le gouvernement réprime les manifestations pacifiques et il prévoit une nouvelle campagne de démolitions similaire à l’opération Murambatsvina qui avait provoqué le déplacement de 700 000 personnes en 2005. Les salaires des membres des services de sécurité et des fonctionnaires sont pour la plupart en dessous du seuil de pauvreté. Les questions économiques, le mécontentement des policiers et militaires qui sont sous-payés et la volonté croissante des partis de l’opposition et de la société civile de protester dans les rues ajoutent au risque d’un éclat de violence grave et soudain.

Le désir de voir partir Mugabe d’ici la fin de l’année est l’un des rares points communs qui existent entre les partisans de tous bords au-delà des affiliations politiques et des identités ethniques et régionales. Les dirigeants de l’opposition entretiennent ouvertement des contacts avec les dissidents du ZANU-PF alors même qu’ils préparent une campagne non-violente pour réclamer une réforme immédiate de la constitution. La crédibilité et l’efficacité du MCD seront toutefois sérieusement compromises si les efforts en cours pour réconcilier ses factions rivales menées par Morgan Tsvangirai et Arthur Mutambara n’aboutissent pas.

La SADC (notamment l’Afrique du Sud) et la communauté internationale peuvent apporter une contribution vitale à la résolution de la crise zimbabwéenne. Les États membres de la SADC, qui ont longtemps été extrêmement réticents à faire pression sur Mugabe, admettent désormais en privé qu’ils aimeraient le voir partir afin de permettre la formation d’un gouvernement ZANU-PF modéré. Sans recourir à la pression, la troïka de la SADC commence doucement à étudier les possibilités de négocier un accord prévoyant le départ du président tout en persuadant l’Occident de relâcher les pressions qu’il exerce de son côté. Le départ de Mugabe devrait être le point de départ obligé de toute stratégie mais le Zimbabwe a besoin d’un changement plus radical pour se remettre sur pied.

L’Occident devrait à la fois maintenir la pression en ce moment crucial et accroître son soutien aux forces démocratiques et elle devrait dans le même temps être plus précise sur les conditions nécessaires à la levée des sanctions et pour mettre fin à l’isolement du pays. La SADC, l’UE et les États-Unis devraient adopter une stratégie conjointe – qui comprendrait des critères et des délais de mises en œuvre précis – qui aboutirait à un processus démocratique véritable dans le cadre duquel la levée des sanctions et la reprise de l’aide internationale aux institutions gouvernementales pourraient être utilisées comme incitations au moment opportun. Il s’agit désormais de mener des consultations afin de mettre en place une telle stratégie d’ici le mois de juillet, période à laquelle le parlement devrait prendre des décisions cruciales concernant soit le projet d’harmonisation des élections présenté par Mugabe soit les plans de la transition.

Pretoria/Bruxelles, 5 mars 2007

Executive Summary

After years of political deadlock and continued economic and humanitarian decline, a realistic chance has at last begun to appear in the past few months to resolve the Zimbabwe crisis, by retirement of President Robert Mugabe, a power-sharing transitional government, a new constitution and elections. Both factions of the divided Movement for Democratic Change (MDC) opposition and powerful elements of the Zimbabwe African National Union-Patriotic Front (ZANU-PF) party support the concept in outline. Although many of his party’s leaders are pressing him to retire in twelve months, when his term expires, Mugabe seeks to extend his tenure to 2010 by a constitutional amendment to harmonise presidential and legislative elections in that year. Increased pressure and intervention including from the regional organisation, the Southern African Development Community (SADC), and the West, in the run-up to the mid-year parliamentary session, could lead to a new political order, but concessions to ZANU-PF should only be made in exchange for true restoration of democracy.

The economic meltdown, as well as the bite of European Union (EU) and U.S. targeted sanctions, is pushing ZANU-PF towards change, since business interests of key officials are suffering. The party is split over the succession issue but Mugabe’s long successful divide-and-rule tactics have started to backfire as the two main factions are coming together to try to prevent him from staying beyond the expiration of his present term in March 2008. They showed their strength by blocking his proposed constitutional amendment at the party’s annual conference in December 2006 and will seek to do so again at the central committee in March so they can explore a deal resulting in his retirement to make way for moderate leaders who could negotiate with the MDC and civil society on transitional mechanisms, seek SADC endorsement and reengage with the West and foreign investors.

A deal that merely removed Mugabe while in effect maintaining the political status quo by keeping ZANU-PF in power would be no change at all. The situation is reminiscent of the last stages of Mobutu’s reign in the Congo. The IMF predicts that inflation – already the world’s highest – could pass 4,000 per cent by year’s end, while foreign exchange is being wasted or stolen and smuggled abroad. Peaceful protests are repressed, and a new round of home and business demolitions similar to Operation Murambatsvina that displaced 700,000 in 2005 is being planned. Salaries of the security services and civil servants alike are mostly below the poverty line. Economic issues, discontent among underpaid police and troops and the increasing willingness of opposition parties and civil society to protest in the streets all increase the risk of sudden major violence.

The desire to remove Mugabe within the year provides a rare rallying point that cuts across partisan affiliations, and ethnic and regional identities. Opposition party leaders are keeping lines of communication open with the ZANU-PF dissidents while preparing for a non-violent campaign to demand immediate constitutional reform. The MDC’s credibility and effectiveness, however, will be severely compromised unless efforts underway to reconcile its competing factions led by Morgan Tsvangirai and Arthur Mutambara succeed.

SADC (including South Africa) and the wider international community can make a vital contribution to resolving the crisis. SADC governments, who for long have been extremely reluctant to press Mugabe, now privately acknowledge they want him out to pave the way for a moderate ZANU-PF government. Without applying public pressure, the SADC troika is quietly beginning to explore ways to negotiate a retirement package for the president while persuading the West to relax its pressures. Mugabe’s exit, however, should be only the starting point. Zimbabwe needs a more radical change to get back on its feet.

The West should both maintain pressure at this crucial point and increase support for democratic forces but also be more precise about the conditions for lifting sanctions and ending isolation. SADC, the EU and the U.S. should adopt a joint strategy with a clear sequence of benchmarks leading to a genuinely democratic process for which removal of sanctions and resumption of international aid to government institutions could be used at the appropriate time as incentives. Consultations are needed now to get such a strategy in place by July when the parliament will be expected to take crucial decisions either on Mugabe’s harmonisation scheme or on plans for transition.

Pretoria/Brussels, 5 March 2007

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