Briefing / Asia 3 minutes

L’“Afghanistan Compact” en difficulté

Alors que l’insurrection croissante attire de plus en plus l’attention sur le pays, les efforts à long terme pour établir les institutions gouvernementales solides, dont un Afghanistan faible a bien besoin, vacillent.

Synthèse

Alors que l’insurrection croissante attire de plus en plus l’attention sur le pays, les efforts à long terme pour établir les institutions gouvernementales solides, dont un Afghanistan faible a bien besoin, vacillent. Suite aux conclusions du processus de Bonn, qui a donné naissance aux organes élus du pays, le gouvernement afghan et la communauté internationale se sont engagés lors de la conférence de Londres (les 31 janvier et 1er février 2006) à mettre en œuvre l’Afghanistan Compact, un document qui identifiait “trois domaines ou piliers d’activités essentiels et interdépendants” pour les cinq prochaines années : la sécurité ; la gouvernance, l’État de droit et les droits humains ; et le développement économique et social. Le gouvernement a accepté de concrétiser une “vision partagée du futur” pour un “Afghanistan stable et prospère”. De leur côté, plus de 60 nations et institutions internationales ont promis d’apporter le soutien et les ressources nécessaires aux pays. Un an plus tard, même ceux qui se sont le plus impliqués dans ce processus admettent que le Compact n’a pas encore eu d’impact significatif. Les Afghans tout comme les acteurs internationaux doivent encore prouver qu’ils ont la volonté politique d’entreprendre des changements institutionnels en profondeur pour pouvoir atteindre les objectifs de cette vision partagée.

La présomption d’une relative stabilité sur laquelle s’est fondé le Compact a été mise à mal par l’insurrection dans le sud et dans l’est du pays, qui a entraîné des dépenses en temps et en ressources. Si l’insurrection trouve un soutien et bénéficie de sanctuaires en dehors de ses frontières, il se trouve aussi des Afghans insatisfaits et qui ont perdu leurs illusions pour répondre à l’appel des extrémistes. Il est donc vital de progresser de façon significative et de réaliser de véritables changements dans la vie quotidienne des Afghans. Cependant, la spirale de violence qui secoue le pays a exacerbé les tendances du gouvernement et parmi ses alliés internationaux à privilégier des solutions à court terme, par exemple une police auxiliaire qui risque d’être à peine plus qu’une milice mal entraînée, et à ignorer les institutions démocratiques plutôt que les renforcer en les utilisant.

Le Compact est censé inclure tous les partenaires afghans dans le processus de reconstruction du pays et mesurer les progrès obtenus dans des domaines aussi divers que la consolidation des institutions et l’offre de services publics au niveau provincial, la réforme du secteur de la sécurité au niveau national, l’adoption d’une législation sur la gestion des entreprises et la réduction du nombre de personnes qui souffrent de la faim. Pourtant, même sans l’insurrection, une bonne partie des délais et objectifs fixés dans le Compact sont bien trop ambitieux et ne s’inscrivent pas dans une stratégie ayant fixé des priorités et une certaine séquence pour leur mise en œuvre. Cette mise en œuvre risque d’être envisagée de manière trop bureaucratique, comme s’il s’agissait de cocher des cases sur une liste de choses à faire, plutôt que comme un engagement sérieux à un haut niveau politique (afghan et international) à effectuer le difficile travail nécessaire à l’établissement d’un État qui soit véritablement fondé sur l’État de droit.

L’organe chargé de surveiller la mise en œuvre du Compact, le Conseil conjoint de coordination et de suivi (JCMB) qui réunit des ministres afghans et d’importants acteurs internationaux, a produit un premier rapport public en novembre 2006 qui mettait l’accent entre autres sur la nécessité de réformer le ministère de l’Intérieur. Les recommandations émises dans ce rapport doivent être activement suivies mais la nature du Conseil-même pourrait s’avérer un sérieux obstacle à tout progrès en la matière. Le Conseil se réunit tous les trois mois et doit encore se doter d’un secrétariat indépendant à plein temps. L’engagement international actif reste très limité en dehors des sessions trimestrielles.

Les efforts de consolidation de l’État et de lutte contre l’insurrection doivent être considérés comme complémentaires. Pour faire avancer la mise en œuvre du Compact en 2007, le gouvernement afghan et ses alliés internationaux devraient se concentrer sur les objectifs suivants :

  • contrer la culture florissante d’impunité qui est l’ennemi d’une véritable réforme ;
     
  • harmoniser la capacité des ministres, actuellement fort variable, à tenir leurs engagements ;
     
  • développer un cadre de travail global pour la gouvernance aux niveaux subnationaux ; et
     
  • ramener la branche législative, jusqu’ici largement ignorée, au cœur du processus de gouvernance.

En refusant d’exclure les éléments indésirables des postes à responsabilités dans les nouvelles institutions parce que l’on pensait qu’ils pourraient aider dans des domaines prioritaires comme la lutte contre le terrorisme, la communauté internationale a trop souvent suivi l’Accord de Bonn à la lettre plutôt que son esprit. Dès le début, la consolidation de l’État était mal partie. Pour mieux servir ses propres intérêts aussi bien que ceux du peuple afghan, la communauté internationale doit désormais faire preuve d’une plus grande résolution en exigeant du gouvernement Karzaï qu’il prenne des mesures sérieuses pour démettre les responsables corrompus de leurs fonctions et fixer un calendrier d’action plus clair. Elle doit également être prête à imposer des pénalités si le gouvernement ne tient pas ses engagements en matière de lutte contre l’impunité. Même si cela implique quelques sacrifices sur le court terme, il est indispensable de rester concentré sur l’objectif à plus long terme du Compact d’établir un “État démocratique, pacifique, pluraliste et prospère”.

Kaboul/Bruxelles, 29 janvier 2007

I. Overview

While the growing insurgency is attracting increasing attention, long-term efforts to build the solid governmental institutions a stable Afghanistan requires are faltering. Following conclusion of the Bonn process, which created the country’s elected bodies, the Afghan government and the international community committed at the London Conference (31 January-1 February 2006) to the Afghanistan Compact, which identified “three critical and interdependent areas or pillars of activity” over five years: security; governance, rule of law and human rights; and social and economic development. The government signed on to realising a “shared vision of the future” for a “stable and prosperous Afghanistan”, while over 60 nations and international institutions promised to provide the necessary resources and support. A year on, even those most closely associated with the process admit that the Compact has yet to have much impact. Afghans and internationals alike still need to demonstrate the political will to undertake deep-rooted institutional changes if the goals of this shared vision are to be met.

The assumption of relative stability upon which the Compact was premised has been undercut by the insurgency in the south and east, diverting time and resources. While the insurgency is sustained by cross border sanctuaries and support, disillusioned, disenfranchised Afghans are also responding to the call of extremists. Progress that results in real change in everyday life is vital. However, the spiralling violence has exacerbated tendencies among the government and its international backers to favour short-sighted, quick fixes such as auxiliary police, which risk being little more than poorly trained militias, and to work around, not through, the new democratic institutions.

The Compact is meant to bring all Afghan stakeholders into the process of reconstructing the country while measuring progress in areas as diverse as institution-building and delivery of services at the provincial level, nationwide security sector reform, passage of business organisation laws and reduction in the numbers of those suffering from hunger. However, even without the insurgency, many of its timelines and benchmarks are overly ambitious, with little prioritisation and sequencing. Implementation risks being approached too much as a bureaucratic matter of ticking off a formal checklist rather than a serious commitment at a high political level – Afghan and international – to do the tough work necessary to build a state genuinely based on rule of law.

The Compact’s overseer, the Joint Coordination and Monitoring Board (JCMB) consisting of Afghan ministers and major international players, issued a relatively robust first public report in November 2006, emphasising among other things the need to reform the interior ministry. Its recommendations need to be actively pursued but the Board’s own unwieldy nature could be a serious bar to progress. It meets quarterly and has yet to acquire a full-time, independent secretariat. Between sessions there is little international engagement in the process.

State-building and counter-insurgency efforts must be seen as complementary. To advance the Compact in 2007, the Afghan government and its international supporters should concentrate on:

  • countering the flourishing culture of impunity, which is the enemy of genuine reform;
     
  • addressing the widely varying capacity of ministries to deliver on commitments;
     
  • developing a comprehensive framework for sub-national governance; and
     
  • bringing the hitherto largely ignored legislative branch into the heart of the governance process.

By refusing to exclude undesirable elements from positions of power in the new institutions because it was thought they could help on priority matters such as the struggle against terrorism, the international community all too often honoured the Bonn Agreement more in letter than spirit. State-building was warped from the start. To serve its own interests and those of the Afghan people better, the international community must now show more spine by demanding serious steps of the Karzai government to remove corrupt officials and establish clearer time-tables for action, and it must be prepared to impose penalties when the government fails to implement commitments to end impunity. Even at the cost of some short-term pain, the focus must remain on the Compact’s long-term goal of a “democratic, peaceful, pluralistic and prosperous state”.

Kabul/Brussels, 29 January 2007

Subscribe to Crisis Group’s Email Updates

Receive the best source of conflict analysis right in your inbox.