Briefing / Asia 2 minutes

Papouasie occidentale : une perspective locale du conflit

En général, les observateurs extérieurs ne voient qu’une seule dimension du conflit en Papouasie occidentale : le gouvernement indonésien contre le mouvement indépendantiste.

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Synthèse

En général, les observateurs extérieurs ne voient qu’une seule dimension du conflit en Papouasie occidentale : le gouvernement indonésien contre le mouvement indépendantiste. Mais il est en réalité beaucoup plus complexe. Il ne faut pas négliger les tensions au sein des groupes tribaux et entre les Papous indigènes et les colons non-Papous, ni la compétition pour le pouvoir politique et l’accès aux privilèges aux niveaux des districts et des sous-districts. Les problèmes varient significativement d’une région à l’autre. L’attention nationale et internationale s’est toujours focalisée sur la côte septentrionale et les hautes terres du centre, mais peu sur les districts du sud, qui se sont sentent depuis longtemps exclus de la vie politique dans la capitale papoue, Jayapura.

Le district de Boven Digoel, qui ne fait plus partie du district de Merauke depuis 2002, n’est ni le centre du gouvernement provincial ni la cible des grands investisseurs occidentaux ou le bastion d’un groupe indépendantiste actif. Les questions locales les plus sensibles touchent le droit foncier et la politique ethnique. Il est essentiel d’équilibrer les droits fonciers coutumiers papous en investissant dans l’exploitation forestière et des palmiers à huile mais aussi de gérer les tensions sociales liées à l’afflux de non-Papous. Autre source d’inquiétude locale : la compétition entre les élites locales des tribus Muyu et Mandobo pour le pouvoir politique, même si le problème se pose de manière beaucoup moins aiguë depuis les élections de districts en 2005. Cette concurrence interfère dans la politique de la ville de Merauke, qui tente de son côté de créer une nouvelle province de Papouasie du Sud.

L’entreprise coréenne Korindo et ses filiales indonésiennes sont présentes dans la zone depuis 1993, pour abattre du bois et fabriquer du contreplaqué et, depuis 1997, pour exploiter les plantations de palmiers à huile pour en faire des biocarburants. Il n’y a pas eu de véritable escalade de la violence mais les conflits sont fréquents : la société et les propriétaires coutumiers se disputent sur l’accès aux terres et sur le montant des compensations, les clans sont en désaccord sur le tracé des frontières et au sein même des clans, on discute la répartition des compensations. 

Le mécontentement local provoqué par Korindo a par le passé rejoint les actions du mouvement indépendantiste, notamment en janvier 2001 avec l’enlèvement d’employés de l’entreprise par l’Organisation pour la libération de la Papouasie (Organisasi Papua Merdeka, OPM). Depuis que le commandant local de l’OPM, Willem Onde, a été assassiné en septembre 2001, ses partisans peu nombreux ont été assez inactifs.

En dépit de l’absence de véritables menaces sécuritaires dans le district, la police et l’armée sont particulièrement présentes, surtout depuis que Boven Digol s’est séparé de Merauke en 2002. Les habitants des villages, les visiteurs et même les politiciens et les représentants locaux sont surveillés de près. Les forces de sécurité n’ont pas de mission de protection des investisseurs dans le district : Korindo et ses filiales disposent d’un système de sécurité privé. Mais quand les problèmes entre les locaux et l’entreprise réapparaissent, ce sont l’armée et la police paramilitaire (Brimob), dont les postes sont dispersés un peu partout dans les concessions forestières et les plantations, qui sont généralement appelées.

Depuis l’arrêt des opérations militaires à la fin des années quatre-vingt-dix, les forces de sécurité ont commis peu de violations graves des droits humains, mais les petits actes de harcèlement et d’intimidation sont particulièrement répandus. Les problèmes sont souvent liés à des différents personnels et fonciers et à l’implication des militaires dans des affaires illégales de petite échelle plutôt qu’à la vie politique.

Situé à quelques 3 700 kilomètres de la capitale nationale, dépourvu de tout média local indépendant et accueillant très peu d’organisations non-gouvernementales, ce coin reculé de la Papouasie fait l’objet de très peu d’attention. Mais Boven Digoel mérite que l’on s’y intéresse davantage. Il montre comment la vie politique, au niveau du district, tend à monter les élites des tribus papoues les unes contre les autres, au lieu de les solidariser pour former une opposition à Jakarta. De plus, il met en évidence les dangers de la politique ethnique provoquée par le processus de pemekaran (décentralisation administrative) et les retombées potentielles des investissements de grande échelle dans l’exploitation des ressources naturelles, mais aussi l’inquiétude que ces facteurs génèrent chez les Papous indigènes autour de l’afflux de colons indonésiens non-Papous.

Le présent briefing a été élaboré à partir d’entretiens approfondis avec un large panel de représentants du gouvernement du Boven Digoel et de la société civile, de la police locale, des habitants des villages des sous-districts de Tanah Merah, Getentiri et Mindipdana, avec des représentants de sociétés à Asiki et Jakarta, ainsi qu’avec des journalistes et organisations non-gouvernementales à Merauke qui couvrent toute la région du sud.

Jakarta/Bruxelles, 19 juillet 2007

I. Overview

Most outside observers see only one dimension of conflict in Papua – the Indonesian government vs. the independence movement – but it is much more complex. Tensions among tribal groups and between indigenous Papuans and non-Papuan settlers, as well as competition over political power and access to spoils at the district and sub-district levels, are also important. The issues vary substantially from one region to another. National and international attention has tended to focus on the northern coast and the central highlands, with relatively little on the districts in the south, which have long felt excluded from politics in the Papuan capital, Jayapura.

Boven Digoel, a district carved out of Merauke district in December 2002, is neither the centre of the provincial government nor home to any large Western investor or active pro-independence group. The key local concerns are land rights and ethnic politics. Balancing Papuans’ customary land rights with forestry and oil palm investment and managing the social tensions associated with the influx of non-Papuans are critical issues. Another local concern, though notably less of a problem after the 2005 district election, is the competition between local Muyu and Mandobo tribal elites for political power, and how that competition intersects with the politics of neighbouring Merauke, where an effort is underway to establish a new South Papua Province.

The Korean-owned firm Korindo and its Indonesian subsidiaries have been operating in the area since 1993, felling timber for plywood and, from 1997 onwards, moving into oil palm plantations for biofuel production. Although no major violence has broken out, conflicts between the company and Papuan customary land owners over access and compensation, between clans over land boundaries and within clans over compensation sharing are widespread.

Local dissatisfaction with Korindo has intersected with the independence movement in the past, including the January 2001 kidnapping of company employees by the Free Papua Movement (Organisasi Papua Merdeka, OPM). Since the local OPM commander, Willem Onde, was killed in September 2001, however, his small band of followers has essentially been inactive.

Despite the lack of any serious security threats in the district, there is a strong military and police presence, particularly since Boven Digoel split from Merauke in late 2002. Villagers, visitors and even local politicians and officials are closely monitored. The security forces do not play a significant role in protecting investors in the district; Korindo and its subsidiaries have private civilian security guards. But when problems between locals and the company emerge, it is the army and paramilitary police (Brimob), both of which have posts dotted throughout the forest concessions and plantations, that are usually called in.

Since military operations ended in the late 1990s, there have been few serious human rights violations by the security forces, though low-level harassment and intimidation are widespread. The problems that do occur tend to stem from personal and property disputes and the military’s involvement in small-scale, illegal business rather than political issues.

Some 3,700 kilometres from the national capital, with no local independent media and very few non-governmental organisations, this remote corner of Papua is paid precious little attention. But Boven Digoel merits closer examination. It shows how politics at the district level tend to pit Papuan tribal elites against each other rather than bringing them together in opposition to Jakarta. Moreover, it highlights the dangers of ethnic politics often triggered by pemekaran (administrative decentralisation) and the potential pitfalls of large-scale natural resource investment, as well as the anxiety both these generate among indigenous Papuans over the influx of non-Papuan Indonesian settlers.

This briefing is based on in-depth interviews with a wide range of Boven Digoel government and civil society representatives, local police, villagers in Tanah Merah, Getentiri and Mindipdana sub-districts, company representatives in Asiki and Jakarta and journalists and non-governmental organisations in Merauke who cover the entire southern region.

Jakarta/Brussels, 19 July 2007

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