Report / Middle East & North Africa 4 minutes

Après la Mecque : dialoguer avec le Hamas

Cela fait un an que le Hamas a formé son gouvernement. Une année difficile : les islamistes ont cru pouvoir gouverner sans rien devoir céder sur le plan idéologique ; le Fatah a cru qu’il pourrait rapidement écarter les islamistes et reprendre le pouvoir.

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Synthèse

Cela fait un an que le Hamas a formé son gouvernement. Une année difficile : les islamistes ont cru pouvoir gouverner sans rien devoir céder sur le plan idéologique ; le Fatah a cru qu’il pourrait rapidement écarter les islamistes et reprendre le pouvoir. En imposant des sanctions et en boycottant le gouvernement, les membres du Quartette (États-Unis, Union européenne, Russie et ONU) et Israël espéraient pouvoir forcer le Hamas à changer ou bien persuader les Palestiniens de le forcer à quitter le pouvoir. Washington a promis d’apporter une aide économique et en matière de sécurité pour encourager le Fatah à faire face au Hamas et aider à le mettre en échec. Mais ces illusions n’ont pas été concrétisées. Le 8 février 2007, l’accord de la Mecque signé sous l’égide des saoudiens entre les rivaux palestiniens a fourni une occasion de repartir sur de nouvelles bases : il devrait permettre au Hamas et au Fatah de rétablir l’ordre et de contrôler les milices ; aux Israéliens et Palestiniens de mettre en place un cessez-le-feu global et d’initier un processus de paix crédible ; et au Quartette (ou au moins à ceux de ses membres qui sont enclins à le faire) d’adopter une attitude plus pragmatique et de juger un gouvernement d’unité nationale en fonction de ses actes plutôt que d’un point de vue rhétorique. Ceci demandera un ajustement qui ne sera aisé pour personne. Mais l’alternative est bien pire.

On peut difficilement nier que les Palestiniens n’ont pas su tirer profit des douze derniers mois. Traité en paria par la communauté internationale et en intrus chez lui par une bonne partie des forces de sécurité et des fonctionnaires alignés sur le Fatah, le Hamas a été incapable de gouverner. Il a survécu, ce qui, étant donné les circonstances, est un succès impressionnant. Mais c’est sans doute le seul. Le Fatah, obsédé par l’idée de reconquérir le pouvoir, n’a quasiment rien fait pour se réformer ni pour restaurer sa crédibilité auprès du public. Il a à plusieurs reprises menacé de provoquer des élections anticipées ou un référendum pour renverser les islamistes, ce qui a exacerbé les tensions sans proposer de solution pour sortir de l’impasse. Alors que les institutions de l’Autorité palestinienne et l’ordre public s’effondrent, les relations entre le Hamas et le Fatah se sont détériorées au point d’être au bord de la guerre civile.

Israël et le Quartette ont eux aussi gaspillé leurs chances durant l’année qui vient de s’écouler. Les sanctions qu’ils ont imposées n’ont pas atteint leurs objectifs. L’UE (dont on peut comprendre qu’elle ait été réticente à l’idée d’affamer le peuple palestinien) a injecté davantage d’argent dans l’Autorité palestinienne mais de façon moins efficace et moins transparente. Des années d’investissement dans des institutions palestiniennes aujourd’hui décrépites n’auront servi à rien. L’engagement occidental envers la démocratie au Moyen-Orient a été fortement discrédité. Le Hamas, affaibli mais toujours solide, ne s’en va pas. La diplomatie a surtout brillé par son absence, la violence continue entre Israéliens et Palestiniens et il n’y a eu aucune avancée en vue d’un échange de prisonniers. Sur quasiment tous les plans imaginables – gouvernance, sécurité, économie, consolidation des institutions, processus de paix – il n’y a eu que des régressions.

L’accord de la Mecque et l’espoir de former un gouvernement d’unité nationale qu’il fait naître représentent une chance de mettre un terme à l’escalade catastrophique qui mène droit à la guerre civile. Cet accord reprend les conclusions tirées par le Hamas et le Fatah : ni l’un ni l’autre ne peuvent sortir vainqueur d’un affrontement ; le public est en train de se retourner contre eux ; la poursuite de leur affrontement pourrait rapidement échapper à tout contrôle. Or, cette chance est fragile. Fatah et Hamas devront faire preuve d’une plus grande humilité et flexibilité politique que jamais. Ils devront s’attaquer à des problèmes que l’accord évoque à peine – l’intégration du Hamas dans l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et l’intégration des milices au sein des services de sécurité – et trouver des solutions pour dissiper la profonde rancœur et la soif de vengeance que l’on ressent dans de nombreux clans et familles dans les territoires occupés.

La communauté internationale doit également assumer une lourde responsabilité. Le Quartette a d’abord réagi avec prudence à l’accord de la Mecque. Celui-ci n’adopte pas les trois conditions que pose le Quartette à la reprise de l’aide et des contacts diplomatiques avec les Palestiniens : le gouvernement “respectera»les accords israélo-palestiniens passés mais ne les appliquera pas nécessairement, il ne reconnaîtra pas Israël et il n’a pas renoncé à la violence, montrant une fois de plus qu’une année de pressions et de sanctions n’a pas permis de tirer grand-chose du Hamas. Mais ce qui importe surtout, c’est de savoir si ce gouvernement acceptera et imposera un cessez-le-feu mutuel, s’il traitera avec Israël sur les affaires courantes, s’il acceptera des négociations entre Israël et le président Abbas en tant que chef de l’OLP et, dans l’éventualité d’un accord sur un statut permanent, s’il le soumettrait à un référendum populaire dont il promettrait de respecter les résultats.

Ces conditions devraient désormais s’imposer à un gouvernement d’unité nationale. Le boycott économique et politique devrait immédiatement être assoupli pour permettre de dialoguer avec le gouvernement dans son ensemble et inciter le Hamas à modérer plus encore sa position. Avec le temps et en fonction des actions de l’Autorité palestinienne, notamment le respect du cessez-le-feu et la libération du caporal Shalit lors d’un échange de prisonniers, les sanctions devraient être progressivement levées. Il s’agit cependant d’une voie sur laquelle les États-Unis, qui sont politiquement et économiquement paralysés, ne voudront sans doute pas s’engager. Mais c’est une voie que les États arabes et les autres membres du Quartette, notamment l’UE, devraient suivre. Maintenir les sanctions et ignorer un gouvernement qui devrait intégrer certains des Palestiniens les plus pragmatiques ne rapprocherait pas la communauté internationale de ses objectifs. Par contre, cela renforcerait les extrémistes du Hamas, jetterait un plus grand discrédit sur le Fatah et risquerait de provoquer de nouvelles violences entre Israéliens et Palestiniens.

Le principal objectif est bien sûr de relancer le processus de paix et de progresser vers une solution impliquant la coexistence de deux États. Les détracteurs de l’accord de la Mecque et du gouvernement d’unité nationale, au premier rang desquels se trouvent les États-Unis et Israël, prétendent qu’il est lui même un obstacle à tout progrès – critique étrange étant donné qu’il n’y avait aucun processus de paix en cours avant que le Hamas remporte les élections et avant que le Fatah accepte de rejoindre le gouvernement. En fait, l’accord de la Mecque est un préalable au processus de paix et non un obstacle. Sans un accord de partage du pouvoir entre le Hamas et le Fatah et tant que les islamistes se sentiront marginalisés, incapables de gouverner et en proie à une lutte existentielle pour leur survie, il ne pourra y avoir de diplomatie durable. S’il bénéficie d’un soutien suffisant de la part de la population, le Hamas peut refuser à Abbas la légitimité dont il aurait besoin pour faire des concessions difficiles. Il peut lancer des attaques contre Israël pour faire échouer les pourparlers. Et qu’il soit au gouvernement ou non, il peut aisément empêcher la tenue d’un référendum qui viserait à ratifier un éventuel accord.

Si la communauté internationale est sérieuse envers ses objectifs affichés, elle pourra aider à ramener la stabilité en Palestine et à négocier un cessez-le-feu global entre Israéliens et Palestiniens, permettre à un gouvernement d’unité de gouverner et faire pression pour des négociations sérieuses entre Abbas et Olmert. Et elle verra en l’accord de la Mecque une chance de relancer le processus de paix plutôt qu’une nouvelle excuse pour l’enterrer.

Amman/Jérusalem/Bruxelles, 28 février 2007

Executive Summary

It has been a year since Hamas formed its government – and what a dismal year it has been. The Islamists thought they could govern without paying an ideological price, Fatah that it could swiftly push them aside and regain power. By imposing sanctions and boycotting the government, the Quartet (U.S., European Union (EU), Russia and UN) and Israel hoped to force Hamas to change or persuade the Palestinians to oust it. Washington promised security and economic aid to encourage Fatah to confront Hamas and help defeat it. The illusions have brought only grief. The 8 February 2007 Saudi-brokered Mecca Agreement between the Palestinian rivals offers the chance of a fresh start: for Hamas and Fatah to restore law and order and rein in militias; for Israelis and Palestinians to establish a comprehensive ceasefire and start a credible peace process; and for the Quartet (or at least those of its members inclined to do so) to adopt a more pragmatic attitude that judges a government of national unity by deeds, not rhetoric. The adjustment will not be comfortable for anyone. But the alternative is much worse.

That Palestinians have wasted the past twelve months is difficult to contest. Treated as an international outcast and an intruder by much of the Fatah-aligned civil service and security forces, Hamas has been unable to govern. It has survived, and under these conditions survival is an impressive achievement. But it arguably is the only one. Fatah, obsessed with recovering power, has done virtually nothing to restore popular credibility and reform itself. Its periodic threats to call early elections or a referendum to unseat the Islamists exacerbated tensions without offering a way out of the stalemate. Palestinian Authority (PA) institutions are collapsing, law and order vanishing; relations between Hamas and Fatah deteriorated to near civil war.

Israel and the Quartet also squandered the year. Sanctions did not achieve their objectives. The EU – justifiably reluctant to starve the Palestinian people – pumped more money into the PA but more ineffectively and less transparently. Years of investment in now decrepit Palestinian institutions have gone down the drain. Western commitment to democracy in the Middle East has been roundly discredited. Hamas, weakened but still strong, is not going away. Diplomacy has been non-existent, violence between Israelis and Palestinians continues, and there has been no movement on prisoner exchanges. By almost every conceivable standard – governance, security, economics, institution-building and the peace process – there has been only regression.

The Mecca Agreement and the prospect it offers for a national unity government represent a chance to arrest the catastrophic slide toward civil war. The accord reflects basic conclusions reached by Hamas and Fatah: that neither can defeat the other; the public was turning against both; and continued strife could rapidly spin out of control. The opportunity is fragile: the two movements will have to show far more political flexibility and humility than either has evinced to date; tackle issues (Hamas’s integration into the Palestine Liberation Organisation (PLO) and the militias’ integration into the security services) the accord barely mentions; and find ways to suppress deep resentment and a thirst for revenge experienced by many families and clans throughout the occupied territories.

International responsibility is equally heavy. The Quartet’s first reaction has been cautious. The agreement does not embrace the three Quartet conditions for resumption of aid and diplomatic contact: the new government will “respect” past Israeli-Palestinian accords, not abide by them; it will not recognise Israel; and it has not renounced violence – yet another reminder of how little a year of pressure and sanctions has extracted from Hamas. But what really matters is whether it will agree to and impose a mutual cease-fire; deal with Israel on day-to-day matters; acquiesce in negotiations between President Abbas, as leader of the PLO, and Israel; and, if a permanent status agreement were reached, allow it to be put to a popular referendum and pledge to honour its results.

Those standards should now apply to a government of national unity. The political and economic boycott should immediately be eased to allow discussions with the government as a whole and give Hamas an incentive to further moderate its stance; over time – based on PA performance, including release of Corporal Shalit in a prisoner exchange and adherence to a ceasefire – sanctions should be lifted in a calibrated manner. This is a course the U.S., politically and legally hamstrung, is unlikely to take. But it is one that Arab states and other Quartet members, principally the EU, should embrace. Maintaining sanctions and shunning a government expected to comprise some of the most pragmatic Palestinians would not bring the international community any closer to its goals. It would strengthen hardliners in Hamas, discredit Fatah further and risk provoking greater Israeli-Palestinian violence.

The main objective, of course, is to revive the peace process and move toward a two-state solution. Critics of the Mecca Agreement and the national unity government, chiefly the U.S. and Israel, call it an impediment to progress – an odd characterisation considering there was no peace process before Hamas won the elections and no peace process before Fatah agreed to join its government. It is also wrong. Mecca is a prerequisite for a peace process not an obstacle to it. Without a Hamas-Fatah power-sharing agreement and as long as the Islamists feel marginalised, unable to govern and in an existential struggle for survival, there can be no sustainable diplomacy. With sizeable public support, Hamas can deny Abbas the legitimacy required to make difficult concessions. It can launch attacks on Israel to torpedo talks. And in or out of office it can easily prevent a referendum designed to ratify any potential agreement.

If the international community is serious about its proclaimed goals, it will help bring stability to the Palestinians and broker a comprehensive Israeli-Palestinian ceasefire, permit the unity government to govern and press for meaningful negotiations between Abbas and Olmert. It will see Mecca as an opportunity to revive the peace process, rather than as yet another excuse to bury it.

Amman/Jerusalem/Brussels, 28 February 2007

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