Report / Middle East & North Africa 3 minutes

Algeria and Its Neighbours

L’Algérie est en passe de devenir un intermédiaire indispensable de la stabilité en Afrique du Nord et au Sahel. Toutefois, le pays a besoin de meilleures stratégies à long terme pour faire face aux pressions financières, à un voisinage dans la tourmente, à des menaces jihadistes transfrontalières, aux tensions continues avec la France et le Maroc, et enfin avec une transition politique générationnelle non résolue qui paralyse les institutions.

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Synthèse

L’Algérie est en passe de devenir un intermédiaire indispensable de la stabilité en Afrique du Nord et au Sahel. Alors que l’insécurité, l’ingérence étrangère et la polarisation augmentent partout dans la région, ce pays a promu, à certains moments importants, le dialogue et le renforcement de l’Etat comme les meilleurs moyens pour sortir ses voisins de la crise et préserver dès lors sa propre sécurité à long terme. Ce que d’aucuns appellent « le retour » de l’Algérie à la politique régionale, après une longue absence depuis sa guerre civile ou « décennie noire » dans les années 1990, a été positif à bien des égards : son approche de la promotion de l’inclusion et du compromis pour stabiliser ses voisins, mue par un intérêt personnel éclairé, offre une occasion à un système international qui a lutté pour faire face aux défis engendrés par les soulèvements arabes. Mais les ambitions algériennes ont des limites auto-im­posées. Une scène politique nationale moribonde, un régime déchiré par les factions et l’incertitude quant au futur successeur d’Abdelaziz Bouteflika, un président malade, ont embrumé l’horizon politique. Les relations avec d’autres puissances ayant du poids dans la région, notamment le Maroc et la France, disposent encore d’une marge d’amélioration.

Après plus d’une décennie passée à privilégier les relations avec les Etats-Unis et l’Union européenne (UE), l’Algérie « recalibre » sa politique étrangère. Le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, un diplomate de carrière et africaniste respecté, a revitalisé la diplomatie à l’égard du continent et ses environs, démontrant ainsi le souhait de son pays d’être le point d’ancrage d’un voisinage perturbé. Cela a été en partie une réaction nécessaire à des turbulences sans précédent aux frontières de l’Algérie. Le long d’une grande zone de l’est et du sud de ses frontières terrestres de 6 500 kilom, le pays doit en effet composer avec des Etats grandement affaiblis et des menaces jihadistes. Les soulèvements arabes et la crise malienne et leurs conséquences suscitent pour la première fois en Libye, en Tunisie et au Mali, tout comme dans la vaste région du Sahel, des risques liés à la sécurité transfrontalière. L’attaque jihadiste de janvier 2013 contre un complexe de traitement de gaz naturel à Ain Amenas l’a amplement prouvé.

Depuis le bouleversement régional de 2011, l’Algérie a joué un rôle important, parfois crucial, dans les crises politiques et sécuritaires de trois de ses voisins. En Libye, elle a soutenu les négociations de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et mené sa propre diplomatie discrète depuis la mi-2014 pour réconcilier les factions belligérantes. Au Mali, elle a accueilli les pourparlers tenus sous son égide entre le gouvernement et les factions rebelles du nord, pour stabiliser le pays et pour empêcher également le sécessionnisme du nord. En Tunisie, elle a appuyé de manière discrète mais cruciale le consensus entre les islamistes et les laïcs qui a été la source de la stabilité de ce pays depuis 2014. Lamamra et d’autres hauts responsables ont dans ces cas-là défendu les solutions politiques plutôt que la polarisation, l’agitation sociale et les conflits armés. Compte tenu de la rareté des acteurs capables et désireux de jouer un rôle constructif dans la région cela est très positif, en particulier au Sahel qui est peut-être le plus grand espace non gouverné au monde, tout du moins partiellement.

Des contraintes pèsent néanmoins sur l’aspiration à un rôle de premier plan dans la région. Elles concernent d’abord la politique intérieure, où le régime a fait preuve de moins de souplesse. La succession de Bouteflika fait craindre une ouverture à une concurrence entre les élites et à l’agitation populaire. Les appels pour préparer une ouverture politique réussie ont été repoussés, incitant certains dans l’opposition à accuser le président et son entourage de rigidité et de stagnation. En toile de fond immuable à ces préoccupations, le contexte régional rendra plus risquée une transition déjà délicate, l’attention des institutions militaires et des services de renseignement, dont le rôle est démesuré en politique intérieure et en gouvernance, étant tournée vers l’autre côté des frontières. La détérioration de la situation sécuritaire régionale touche également la politique intérieure, puisqu’elle ne constitue que l’un des champs de bataille dans les nombreuses divisions notoires sans précédent entre la présidence et un puissant « Etat profond » centré sur les services de renseignements militaires.

Inversement, la politique intérieure, où le changement est d’une lenteur extrême, entrave toute tentative d’adapter la doctrine de politique étrangère (et la doctrine militaire qui s’y rapporte) à l’évolution de la situation. Traditionnellement portée sur les relations d’Etat à Etat, l’Algérie a commencé, et doit continuer, à étayer ses relations diplomatiques traditionnelles en nouant des liens avec les acteurs non étatiques qui se multiplient dans la région. Longtemps influente sur les affaires africaines, mais occupant une place relativement marginale dans le monde arabe, elle devrait coopérer avec les Etats du Golfe, qui s’affirment de plus en plus en Afrique du Nord, et leur plaider sa cause par la persuasion et non en se contentant de lancer des piques. Les relations avec la France, l’ancienne puissance coloniale, et le Maroc voisin sont déchirées par des tensions et des rivalités souvent inutiles, otages d’une histoire que la plupart des Algériens n’ont pas vécue.

Le pays s’aiderait davantage en surmontant, ou du moins en diminuant, ces tensions dans la mesure du possible. Le changement générationnel en cours de l’ensemble des dirigeants politiques et des institutions offre une occasion de le faire, à condition qu’il y ait des homologues compréhensifs. Une plus grande participation algérienne à titre d’intermédiaire pragmatique de la stabilité et des compromis politiques au Maghreb et des conflits au Sahel doit être saluée, surtout à une époque d’insécurité régionale et de polarisation idéologique accrues.

Alger/Bruxelles, 12 septembre 2015 

Executive Summary

Algeria is emerging as an indispensable broker of stability in North Africa and the Sahel. Where insecurity, foreign meddling and polarisation are on the rise across the region, it has at key moments promoted dialogue and state-building as the best means for lifting neighbours out of crisis, thus to safeguard its own long-term security. What some call Algeria’s “return” to regional politics after a long absence since its “black-­decade” civil war in the 1990s has been positive in many respects: its approach of promoting inclusion and compromise to stabilise its neighbours, driven by enlightened self-interest, presents an opportunity for an international system that has struggled to tackle the challenges engendered by the Arab uprisings. Yet, its ambitions have self-imposed limits. A moribund domestic political scene – a regime riven by factionalism and uncertainty over who might succeed an ailing President Abdelaziz Bouteflika – cast a fog over the political horizon. Relations with other powers with clout in the region, notably Morocco and France, have room for improvement.

After more than a decade of prioritising relations with the U.S. and European Union (EU), Algeria is recalibrating its foreign policy. Foreign Minister Ramtane Lamamra, a widely respected career diplomat and Africanist, has reinvigorated diplomacy toward the continent and its environs, demonstrating his country’s desire to be an anchor for a troubled neighbourhood, although without jettisoning close engagement with the U.S. and Europe. This has been in part a necessary response to unprecedented turmoil on its frontiers. Along much of the eastern and southern parts of its 6,500km land border, Algeria has to contend with greatly weakened states and jihadi threats. The Arab uprisings and Malian crisis and their aftermath have turned Libya, Tunisia and Mali, as well as the wider Sahel region, into cross-border security risks for the first time. The January 2013 jihadi attack on a natural gas complex in Ain Amenas was ample evidence of this.

Since the 2011 regional upheaval, Algeria has played important – at times crucial – roles in the political and security crises of three of its neighbours. In Libya, it has backed UN negotiations and conducted its own discreet diplomacy since mid-2014 to reconcile warring factions. In Mali, it has hosted and brokered talks between the government and northern rebel factions, both to stabilise the country and to prevent northern secessionism. In Tunisia, it has been a quiet but critical backer of the consensus between Islamists and secularists that has been the source of stability there since 2014. In these cases, Lamamra and other senior officials have championed political solutions to polarisation, social unrest and armed conflict. Given the scarcity of actors capable of and willing to play a constructive role in the region – especially in the Sahel, perhaps the world’s largest, at least partly, ungoverned space – this is very positive.

Nonetheless, there are constraints on the aspiration for a prominent regional role. These start with domestic politics, where the regime has shown less flexibility. Fears abound that Bouteflika’s eventual succession could usher in intra-elite competition and popular unrest. Calls to prepare a managed political opening have been rebuffed, prompting some in the opposition to accuse the president and his entourage of rigidity and stagnation. A constant backdrop to these concerns is that the regional context will make an already delicate transition riskier, as the attention of the military and intelligence institutions, which have an outsize role in domestic politics and governance, is directed beyond the borders. Deteriorating regional security also affects domestic politics, since it is one of several battlegrounds in the unprecedented public divisions between the presidency and a powerful “deep state” centred on the military intelligence services.

Inversely, domestic politics and its glacial pace of change impede any attempt to adapt foreign policy doctrine (and corresponding military doctrine) to changing times. Traditionally focused on state-to-state relations, Algeria has begun, and must continue, to buttress its traditional diplomatic relationships with ties to the region’s multiplying non-state actors. Long influential in African affairs but relatively marginal in the Arab world, it should engage Gulf states that are increasingly assertive in North Africa and make its case to them through persuasion and not just express pique. Relations with France, the former colonial power, and neighbour Morocco are riven with often unnecessary tensions and rivalries, hostage to a history of which most Algerians have no living memory.

The country would be well served by resolving or at least decreasing these tensions whenever possible. A generational leadership change underway in its politics as well as its institutions offers an opportunity to do so, provided there are understanding counterparts. Particularly at a time of heightened regional insecurity and ideological polarisation, greater Algerian engagement as a pragmatic broker of stability and political compromise in the Maghreb’s and Sahel’s conflicts should be welcomed.

Algiers/Brussels, 12 October 2015

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