De dangereuses petites pierres : les diamants en République centrafricaine
De dangereuses petites pierres : les diamants en République centrafricaine
Table des matières
  1. Synthèse
Fixing the army is key for CAR’s stability
Fixing the army is key for CAR’s stability
Report / Africa 3 minutes

De dangereuses petites pierres : les diamants en République centrafricaine

Dans certaines régions diamantifères de la République centrafricaine (RCA), l’extrême pauvreté et les conflits armés menacent la vie de milliers de personnes. Une réforme du secteur minier s’impose.

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Synthèse

Malgré la richesse de leurs sous-sols, certaines régions diamantifères de la République centrafricaine (RCA) restent frappées du sceau de l’extrême pauvreté et d’une violence à répétitions. Une apparente fatalité contre laquelle le Président François Bozizé n’a jusqu’ici pas tenté de lutter de façon rigoureuse. Sa mainmise sur le secteur du diamant renforce son pouvoir et favorise l’enrichissement d’une minorité, mais ne contribue pas à atténuer la pauvreté de milliers de mineurs informels. L’effet conjugué d’un Etat prédateur, de la criminalité et de l’extrême pauvreté aboutit à des cycles de violence, en incitant les factions politiques rivales à entrer en rébellion tout en leur permettant de tirer profit du commerce illégal des diamants. Pour rompre ce cercle vicieux, la réforme en profondeur du secteur doit devenir une priorité essentielle de la stratégie de consolidation de la paix.

Historiquement, l’exploitation du diamant a bien plus bénéficié aux entrepreneurs étrangers et aux régimes cupides qu’aux Centrafricains. L’extraction industrielle ou semi-industrielle des diamants n’existe plus et leur exploitation est essentiellement artisanale et illégale : environ 80 000 à 100 000 mineurs creusent dans l’espoir de subsister en vendant leur production à des intermédiaires étrangers qui les revendent aux comptoirs d’exportation. Le gouvernement n’a ni la capacité de superviser cette chaîne de production dispersée, ni la volonté d’investir les revenus tirés du diamant dans le développement à long terme des communautés minières.

La fragilité chronique de l’Etat a aussi ancré au sein de l’élite politique une habitude de monopolisation des richesses nationales et de gains à court terme. Cette confusion entre exercice du pouvoir et prédation économique renvoie à l’histoire coloniale et postcoloniale. Jean-Bédel Bokassa, un temps « empereur » de la RCA, a monopolisé l’exportation des diamants. Ses cadeaux personnels au Président français Giscard d’Estaing sont devenus le symbole des excès de son régime impérial. Ange-Félix Patassé a confondu intérêts privés et gestion publique en développant sa propre compagnie d’exploitation du diamant. Bozizé est lui plus circonspect. Son régime maintient un étroit contrôle sur les revenus miniers grâce à une réglementation fiscale stricte et à une gestion opaque et centralisée.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2003, les compagnies minières sont quasiment toutes parties, notamment parce que les exigences répétées des autorités compromettent leur marge de profits. L’exploitation minière artisanale et informelle se développe rapidement, mais la fermeture en 2008 par le gouvernement de la plupart des compagnies d’exportation de diamants a sévèrement diminué les investissements dans la production, a fait disparaître de nombreux emplois et a contribué à l’essor de la malnutrition infantile dans les zones minières. Par ailleurs, le coût élevé des permis artisanaux et la corruption de la brigade minière entravent les tentatives des mineurs d’échapper au piège de la pauvreté, alors que la contrebande, due à la fiscalité la plus élevée de la région sur les exportations de diamants, prive l’Etat de recettes bien nécessaires.

Le refus du gouvernement de distribuer équitablement la richesse nationale a conduit certains individus cupides et des groupes marginalisés à prendre les armes afin d’obtenir un plus grosse part du gâteau. L’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR) a signé un accord de paix avec le gouvernement mais poursuit l’extraction et la contrebande de diamants dans le Nord-est du pays. Si l’objectif de l’UFDR n’est plus la prise du pouvoir, les profits tirés de l’exploitation des diamants permettent à ce groupe armé d’attirer des mineurs qui espèrent améliorer leur sort, et constituent une forte incitation à ne pas déposer les armes. La Convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP), le groupe rebelle actuellement le plus actif, exerce son contrôle dans l’Est du pays. Sous couvert de rébellion, ce banditisme limite sérieusement les activités économiques de la région, risque d’empêcher le bon déroulement des élections dans la région, lors de leur tenue prévue pour le 23 janvier 2011, et menace les populations.

La réforme du secteur du diamant, intégrée à la réforme de la gouvernance et aux efforts de résolution des conflits, est impérative pour améliorer les conditions de vie des communautés minières, augmenter les maigres recettes de l’Etat et mettre fin aux conflits armés. Le gouvernement doit d’abord concentrer ses efforts sur la gouvernance du secteur minier. La stratégie de réforme devrait prioriser l’exploitation artisanale sur l’exploitation industrielle mais aussi réduire les incitations à la contrebande et renforcer les contrôles sur le lien entre trafic de diamants et groupes armés. L’engagement manifeste du pouvoir à développer le contrôle démocratique et la transparence de la gestion minière devrait constituer la condition sine qua non pour le soutien des partenaires internationaux à une réforme du secteur du diamant qui est autant une question de volonté politique que de capacité.

Nairobi/Brussels, 16 December 2010

Synthèse

Malgré la richesse de leurs sous-sols, certaines régions diamantifères de la République centrafricaine (RCA) restent frappées du sceau de l’extrême pauvreté et d’une violence à répétitions. Une apparente fatalité contre laquelle le Président François Bozizé n’a jusqu’ici pas tenté de lutter de façon rigoureuse. Sa mainmise sur le secteur du diamant renforce son pouvoir et favorise l’enrichissement d’une minorité, mais ne contribue pas à atténuer la pauvreté de milliers de mineurs informels. L’effet conjugué d’un Etat prédateur, de la criminalité et de l’extrême pauvreté aboutit à des cycles de violence, en incitant les factions politiques rivales à entrer en rébellion tout en leur permettant de tirer profit du commerce illégal des diamants. Pour rompre ce cercle vicieux, la réforme en profondeur du secteur doit devenir une priorité essentielle de la stratégie de consolidation de la paix.

Historiquement, l’exploitation du diamant a bien plus bénéficié aux entrepreneurs étrangers et aux régimes cupides qu’aux Centrafricains. L’extraction industrielle ou semi-industrielle des diamants n’existe plus et leur exploitation est essentiellement artisanale et illégale : environ 80 000 à 100 000 mineurs creusent dans l’espoir de subsister en vendant leur production à des intermédiaires étrangers qui les revendent aux comptoirs d’exportation. Le gouvernement n’a ni la capacité de superviser cette chaîne de production dispersée, ni la volonté d’investir les revenus tirés du diamant dans le développement à long terme des communautés minières.

La fragilité chronique de l’Etat a aussi ancré au sein de l’élite politique une habitude de monopolisation des richesses nationales et de gains à court terme. Cette confusion entre exercice du pouvoir et prédation économique renvoie à l’histoire coloniale et postcoloniale. Jean-Bédel Bokassa, un temps « empereur » de la RCA, a monopolisé l’exportation des diamants. Ses cadeaux personnels au Président français Giscard d’Estaing sont devenus le symbole des excès de son régime impérial. Ange-Félix Patassé a confondu intérêts privés et gestion publique en développant sa propre compagnie d’exploitation du diamant. Bozizé est lui plus circonspect. Son régime maintient un étroit contrôle sur les revenus miniers grâce à une réglementation fiscale stricte et à une gestion opaque et centralisée.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2003, les compagnies minières sont quasiment toutes parties, notamment parce que les exigences répétées des autorités compromettent leur marge de profits. L’exploitation minière artisanale et informelle se développe rapidement, mais la fermeture en 2008 par le gouvernement de la plupart des compagnies d’exportation de diamants a sévèrement diminué les investissements dans la production, a fait disparaître de nombreux emplois et a contribué à l’essor de la malnutrition infantile dans les zones minières. Par ailleurs, le coût élevé des permis artisanaux et la corruption de la brigade minière entravent les tentatives des mineurs d’échapper au piège de la pauvreté, alors que la contrebande, due à la fiscalité la plus élevée de la région sur les exportations de diamants, prive l’Etat de recettes bien nécessaires.

Le refus du gouvernement de distribuer équitablement la richesse nationale a conduit certains individus cupides et des groupes marginalisés à prendre les armes afin d’obtenir un plus grosse part du gâteau. L’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR) a signé un accord de paix avec le gouvernement mais poursuit l’extraction et la contrebande de diamants dans le Nord-est du pays. Si l’objectif de l’UFDR n’est plus la prise du pouvoir, les profits tirés de l’exploitation des diamants permettent à ce groupe armé d’attirer des mineurs qui espèrent améliorer leur sort, et constituent une forte incitation à ne pas déposer les armes. La Convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP), le groupe rebelle actuellement le plus actif, exerce son contrôle dans l’Est du pays. Sous couvert de rébellion, ce banditisme limite sérieusement les activités économiques de la région, risque d’empêcher le bon déroulement des élections dans la région, lors de leur tenue prévue pour le 23 janvier 2011, et menace les populations.

La réforme du secteur du diamant, intégrée à la réforme de la gouvernance et aux efforts de résolution des conflits, est impérative pour améliorer les conditions de vie des communautés minières, augmenter les maigres recettes de l’Etat et mettre fin aux conflits armés. Le gouvernement doit d’abord concentrer ses efforts sur la gouvernance du secteur minier. La stratégie de réforme devrait prioriser l’exploitation artisanale sur l’exploitation industrielle mais aussi réduire les incitations à la contrebande et renforcer les contrôles sur le lien entre trafic de diamants et groupes armés. L’engagement manifeste du pouvoir à développer le contrôle démocratique et la transparence de la gestion minière devrait constituer la condition sine qua non pour le soutien des partenaires internationaux à une réforme du secteur du diamant qui est autant une question de volonté politique que de capacité.

Nairobi/Brussels, 16 December 2010

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