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Élections au congo : faire ou défaire la paix

À l’approche des premières élections libres au Congo depuis 40 ans, la stabilité du pays reste en danger, et ce pour trois raisons majeures.

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Synthèse

À l’approche des premières élections libres au Congo depuis 40 ans, la stabilité du pays reste en danger, et ce pour trois raisons majeures. Premièrement, l’un des principaux anciens groupes rebelles, le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), est impopulaire et risque de perdre la majeure partie de son pouvoir aux cours des élections. Ceci a provoqué un regain de violence dans l’est du pays, où les troupes dissidentes du RCD ont attaqué l'armée nationale récemment intégrée. Ces violences vont probablement s'intensifier avant et après les élections. Deuxièmement, le scrutin n’a pas été préparé convenablement. Seules quelques mesures anti-fraude ont été mises en place et des élections truquées pourraient rapidement déstabiliser le pays et provoquer des troubles dans les villes Troisièmement, le parti d’opposition traditionnel, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) d’Etienne Tshisekedi, a l’intention de boycotter les élections pour marquer son mécontentement face au manque de volonté des autres principaux partis de négocier avec lui. Il est probable que ceci provoque des troubles dans les deux provinces Kasaï et à Kinshasa, où Tshisekedi jouit d’un soutien considérable.

L’est du Congo est une véritable poudrière. Les élections vont changer le paysage politique de façon radicale. Il est probable que le RCD, dont l'aile militaire contrôlait autrefois plus d’un tiers du pays, passe du statut d’acteur national majeur à celui de petit parti régional. Cette probabilité est étroitement liée aux combats qui se déroulent dans l’est, où des éléments contestataires du RCD constituent une menace pour la sécurité, notamment dans les provinces des Kivus. Dans le Nord Kivu, certaines anciennes unités du RCD ont refusé d’être intégrées dans l’armée nationale. Menées par Laurent Nkunda, elles ont attaqué à plusieurs reprises des unités intégrées ce qui a récemment entraîné le déplacement de 50 à 70 000 civils dans les environs de Rutshuru. Les dissidents étant tous des Congolais hutus et tutsis, les combats ont pris une coloration ethnique. Dans cette province où des conflits fonciers opposent depuis longtemps ces communautés hutues et tutsies à d’autres groupes ethniques, les tensions s’en sont trouvées exacerbées. . À moins que des mesures ne soient prises rapidement pour mettre fin aux revendications politiques sous-jacentes et arrêter les dissidents armés, la poursuite des combats est inévitable. Les risques de fraude électorale sont considérables. Le ministère de la Justice a échoué à faire voter des lois qui garantissent l'indépendance judiciaire. Les tribunaux qui devront enquêter et se prononcer sur les litiges électoraux demeurent politisés. Une proposition de loi sur le financement de la campagne a également été suspendue. Par ailleurs, d’anciens belligérants ont conservé un certain pouvoir, informel, sur les forces de sécurité chargées du contrôle des élections et n’ont pas hésité à influencer et intimider les électeurs. À Kinshasa et Lubumbashi, ces forces ont servi à harceler les partis politiques et disperser les manifestations. La nouvelle armée est faible, encore très mal intégrée, et fortement politisée. Quant à la police nationale, le niveau de formation de ses membres laisse à désirer.

Les élections seront probablement reportées une sixième fois en raison de retards logistiques et législatifs. Elles seraient alors organisées après le délai du 30 juin 2006 établi par l'accord de paix. Il est vraisemblable que les élections soient retardées une sixième fois pour des raisons logistiques et législatives, auquel cas elles auraient lieu après le délai du 30 juin 2006 fixé par l'accord de paix. La nouvelle constitution, adoptée par référendum en décembre 2005 et promulguée en février 2006, prévoit que les institutions transitoires restent en place jusqu’à ce que des élections aient eu lieu, ce qui sous-entend qu’un nouveau report est juridiquement possible. Cependant, l'UDPS en ferait certainement un prétexte pour mobiliser la population afin de perturber le processus électoral et il est possible que d’autres groupes n’espérant que de faibles résultats aux élections, comme le RCD, rejoindraient ces éventuelles manifestations.

Il s’agit d’un problème politique et non juridique. Il est important de mener le processus électoral à son terme sans plus tarder. Il sera peut-être nécessaire de reporter les élections au plus tôt possible pour des raisons techniques. Mais il serait inacceptable de les repousser indéfiniment pour le seul privilège des élites politiques. Si les élections présidentielles et législatives devaient encore être repoussées, il serait réaliste d’envisager les dates des 12 et 13 août. Des efforts doivent être faits pour maintenir un dialogue avec les éléments mécontents. Il ne s’agit pas de leur donner la possibilité de bloquer le processus électoral mais de préserver autant que possible le caractère inclusif de ce processus afin de maintenir la paix après les élections.

Les élections sont un pas dans la bonne direction mais si elles ne se déroulent pas correctement, elles pourraient entraîner des troubles accrus. Si la population et les dirigeants en viennent à la conclusion que le changement ne peut sortir des urnes, ils pourraient bien recourir à la violence pour contester les résultats. Il incombe aux autorités transitoires et à la communauté internationale de veiller à ce que ces élections, les premières élections multipartites depuis 1965, soient une étape décisive mettant fin au conflit qui secoue le Congo depuis trop longtemps.

Nairobi/Bruxelles, le 27 avril 2006

Executive Summary

As the Congo approaches its first free elections in 40 years, the stability of the country remains at risk, for three main reasons. First, one of the main former rebel groups, the Congolese Rally for Democracy (RCD), is unpopular and stands to lose most of its power at the polls: this has triggered a resurgence of violence in the east, which is likely to intensify before and after elections, as dissident RCD troops attack the newly integrated national army. Secondly, the vote has not been adequately prepared. With few safeguards in place against fraud, rigged polls could rapidly undermine stability after the elections and produce unrest in cities. Thirdly, the country’s long-time political opposition, Etienne Tshisekedi’s Union for Democracy and Social Progress (UDPS), will boycott the voting, unhappy with the other main parties’ unwillingness to negotiate with it. This is likely to cause unrest in the two Kasai provinces and Kinshasa, where Tshisekedi enjoys substantial support.

The east is the most immediate flashpoint. Elections will radically change the political landscape. The RCD, whose military wing once controlled over a third of the country, will likely go from being a major national player to a small, regional party. This probability is tightly linked with fighting in the east, where dissatisfied RCD elements remain a security hazard, particularly in the Kivus. In North Kivu, former RCD units have refused army integration. Led by Laurent Nkunda, they have repeatedly attacked other, integrated units, most recently causing the displacement of 50,000 to 70,000 civilians around Rutshuru. The fighting has taken on an ethnic tinge, as the dissidents are all Congolese Hutu and Tutsi. This has exacerbated tensions within the province, where these communities have long-standing land conflicts with other ethnic groups. Unless prompt action is taken to address these underlying political grievances and to arrest the armed dissidents, further fighting is inevitable.

The potential for electoral fraud is considerable. The ministry of justice has failed to push through laws designed to guarantee judicial independence. The courts that will need to investigate and adjudicate election disputes remain politicised. A draft law to regulate campaign finance has also been shelved. At the same time, former belligerents retain parallel chains of command in the security forces charged with securing elections and have not been reluctant to influence and intimidate voters. In Kinshasa and Lubumbashi, these forces have been used to harass political parties and disperse demonstrations. The national police are poorly trained, and the new army is weak, deeply politicised and mostly still not integrated.

The elections are likely to be postponed a sixth time, due to logistical and legislative delays, in which case they would be held after the 30 June 2006 deadline established by the peace deal. The new constitution adopted by referendum in December 2005 and promulgated in February 2006 stipulates that transitional institutions remain in place until elections are held, suggesting that such a further delay is legally possible. However, the UDPS would likely use the missed date to mobilise demonstrations in an attempt to upset the process, and other groupings that anticipate poor electoral results, like the RCD, might well join.

The question is political, not legal. It is important to complete the electoral process without further delay, or at most the minimal delay necessitated by technical requirements. Lengthy postponement to extend the privileges of political elites would not be acceptable. A realistic date by which to hold presidential and national assembly elections if they must be postponed again would be 12-13 August. Efforts should be made to maintain a dialogue with the dissatisfied elements, not to permit them a veto over the electoral process but in order to preserve the inclusiveness of that process to the greatest degree possible and to keep the peace after the elections.

Elections are a step in the right direction, but if not carried out properly they could trigger further unrest. If the population and leaders conclude change cannot come peacefully through the ballot box, they may well resort to violence to contest the results. The transitional authorities and the international community have the responsibility to ensure that these elections – the first with multiparty choices since 1965 – are a genuine milestone marking the end to the Congo’s long conflict.

Nairobi/Brussels, 27 April 2006

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