Briefing / Africa 3 minutes

L’Est du Congo : pourquoi la stabilisation a échoué

La région des Kivus dans l’Est congolais connait une nouvelle recrudescence de la violence, notamment du fait d’une force rebelle soutenue par le Rwanda voisin. Afin de mettre fin au cycle de rébellions et d’éviter des massacres à grande échelle, les bailleurs occidentaux et les médiateurs africains doivent passer de la gestion de crise à la résolution de conflit en exerçant les pressions nécessaires sur Kigali et Kinshasa.

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I. Synthèse

Depuis la mutinerie de Bosco Ntaganda en avril 2012 et la formation du Mouvement du 23 mars (M23), les Kivus sont en proie à une nouvelle spirale de violence. Cette crise révèle que les problèmes d’aujourd’hui sont les problèmes d’hier car le cadre de résolution du conflit défini en 2008 n’a pas été mis en œuvre. L’application de l’accord du 23 mars 2009 entre le gouvernement et le Conseil national pour la défense du peuple (CNDP) a été un jeu de dupes au cours duquel les autorités congolaises ont fait semblant d’intégrer politiquement le CNDP tandis que celui-ci a fait semblant d’intégrer l’armée congolaise. Faute de réforme de cette dernière, la pression militaire sur les groupes armés n’a eu qu’un impact éphémère et la reconstruction post-conflit n’a pas été accompagnée des réformes de gouvernance et du dialogue politique indispensables. Pour sortir de la gestion de crise et résoudre ce conflit qui dure depuis presque deux décennies dans les Kivus, les bailleurs doivent exercer des pressions sur Kigali et Kinshasa.

Tandis que le M23 agit comme les mouvements armés du passé en créant son administration et son système de financement dans une partie du Nord Kivu, les groupes Maï-Maï prolifèrent dans les zones rurales et se livrent à des exactions qui exacerbent les tensions interethniques. Conformément au schéma de l’architecture de paix et de sécurité, la Conférence interrégionale des Grands Lacs (CIRGL) a organisé dès juillet un dialogue entre les Etats de la région pour éviter un conflit entre deux de ses membres. Malheureusement, elle semble favoriser une solution improbable en promouvant l’envoi d’une force africaine de 4 000 soldats à la frontière entre le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC).

Si l’approche des bailleurs occidentaux et des médiateurs africains reste limitée à la gestion de crise, la répétition à intervalles réguliers d’une rébellion dans les Kivus est inévitable et un dérapage dans la violence à grande échelle toujours possible. Pour passer de la gestion de crise à la résolution de conflit, il convient de faire cesser l’ingérence du Rwanda dans les affaires congolaises et d’appliquer le plan de reconstruction prévu et les accords politiques signés dans les Kivus. Pour ce faire, les donateurs occidentaux doivent maintenir la suspension de leur aide au Rwanda jusqu’au prochain rapport des experts des Nations unies à la fin de l’année 2012. Ils doivent également faire comprendre aux autorités congolaises qu’ils ne refinanceront pas les mêmes programmes de stabilisation et d’appui institutionnel tant que celles-ci n’amélioreront pas le dialogue politique et la gouvernance de l’administration et de l’armée à l’Est, comme Crisis Group l’a recommandé à plusieurs reprises.

A court terme, cette crise peut être gérée par une série de mesures:

  • un cessez-le-feu entre le M23 et les autorités congolaises doit être négocié et surveillé par les Nations unies;
     
  • le mécanisme de vérification conjointe et permanente de la frontière congolo-rwandaise réactivé sous l’égide de la CIRGL doit être effectif et doté des moyens humains et techniques nécessaires;
     
  • les individus et entités ayant soutenu le M23 et les autres groupes armés doivent être inscrits sur la liste des personnes sanctionnées par les Nations unies et un embargo sur les armes à destination du Rwanda doit être envisagé;
     
  • l’accord du 23 mars 2009 doit être évalué conjointement dans le cadre du comité international de suivi prévu par celui-ci et cette évaluation doit servir de base pour une reprise du dialogue entre le CNDP et le gouvernement;
     
  • des initiatives locales de paix doivent être lancées conjointement par le gouvernement et la mission des Nations unies en RDC dans les territoires de Walikale, Masisi, Shabunda et Kalehe;
     
  • Bosco Ntaganda doit être arrêté et livré à la Cour pénale internationale; et
     
  • la Cour pénale internationale (CPI) doit être saisie pour investigation sur les actions du M23 et des nouveaux groupes armés et elle doit demander à la Monusco de lui transmettre ses dossiers sur les dirigeants du M23.

Après avoir analysé l’échec annoncé de la stabilisation des Kivus dans le rapport Congo : pas de stabilité au Kivu malgré le rapprochement avec le Rwanda, ce nouveau briefing de Crisis Group retrace la reprise des violences et souligne que cette région n’a pas besoin d’une nouvelle approche stratégique, elle a besoin que les nombreux accords politiques signés et les plans de stabilisation cessent d’être des promesses sans lendemain. Cela requiert une pression claire et coordonnée des bailleurs des régimes rwandais et congolais.

Kinshasa/Nairobi/Bruxelles, 4 octobre 2012

I. Overview

Since Bosco Ntaganda’s mutiny in April 2012 and the subsequent creation of the 23 March rebel movement (M23), violence has returned to the Kivus. However today’s crisis bears the same hallmarks as yesterday’s, a consequence of the failure to implement the 2008 framework for resolution of the conflict. Rather than effectively implementing the 23 March 2009 peace agreement signed by the government and the CNDP (National Council for the Defence of the People), the Congolese authorities have instead only feigned the integration of the CNDP into political institutions, and likewise the group appears to have only pretended to integrate into the Congolese army. Furthermore in the absence of the agreed army reform, military pressure on armed groups had only a temporary effect and, more­over, post-conflict reconstruction has not been accompanied by essential governance reforms and political dialogue. To move away from crisis management and truly resolve this two-decade-old conflict, donors should put pressure on both Kigali and Kinshasa.

The M23 is behaving in a similar fashion to previous rebel movements by creating its own administration and its own financing system in parts of North Kivu. Meanwhile, Mai-Mai groups are expanding in rural areas where they commit atrocities that exacerbate inter-ethnic tensions. In July this year, in accordance with the peace and security architecture, the International Conference on the Great Lakes Region (ICGLR) organised a regional dialogue to avoid conflict between Rwanda and the DRC. Unfortunately, the outcome of this was an unrealistic and ineffective solution: the deployment of a 4,000-strong neutral force at the border between Rwanda and the DRC. If international donors and African mediators persist in managing the crisis rather than solving it, it will be impossible to avoid such repetitive cycles of rebellions in the Kivus and the risk of large-scale violence will remain. Instead, to finally resolve this conflict, it is essential that Rwanda ends its involvement in Congolese affairs and that the reconstruction plan and the political agreements signed in the Kivus are properly implemented. For these things to happen Western donors should maintain aid suspension against Rwanda until the release of the next report of the UN group of experts, in addition to issuing a clear warning to the Congolese authorities that they will not provide funding for stabilisation and institutional support until the government improves political dialogue and governance in both the administration and in the army in the east, as recommended by Crisis Group on several previous occasions.

In the short term, this crisis can be dealt with through the following initiatives:

  • the negotiation and monitoring of a ceasefire between the Congolese authorities and the M23 by the UN;
     
  • the reactivation of an effective and permanent joint verification mechanism for the DRC and Rwandan border, as envisaged by the ICGLR, which should be provided with the necessary technical and human resources;
     
  • the addition of the individuals and entities that supported the M23 and other armed groups to the UN sanctions list and the consideration of an embargo on weapons sales to Rwanda;
     
  • the joint evaluation of the 23 March 2009 agreement in the framework of the international follow-up committee it established and this assessment should be the basis for resumption of dialogue between the government and the CNDP;
     
  • the launch of local peace initiatives in Walikale, Masisi, Shabunda and Kalehe areas where ethnic tension is high by MONUSCO and the government;
     
  • the arrest and handover of Bosco Ntaganda to the International Criminal Court (ICC); and
     
  • the launch of an investigation by the ICC into the actions of M23 and new armed groups, and the request by the ICC that MONUSCO transfer to it its files concerning M23 leaders.
     

After analysing the failure of the stabilisation of the Kivus in the report Congo: No Stability in Kivu Despite a Rapprochement with Rwanda, this new Crisis Group briefing explains the surge of violence and underlines that the Kivus do not need a new strategic approach; rather, the peace agreements and stabilisation plans should no longer remain empty promises. To achieve this, coordinated and unequivocal pressure is required from the donors that help fund the Rwandan and Congolese regimes.

Kinshasa/Nairobi/Brussels, 4 October 2012

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