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Maintenir le cap au Congo: le problème de l'Ituri

La communauté internationale réalise lentement que l'effondrement du processus de paix congolais et le retour à la guerre sont des perspectives réelles dans cet immense pays qui a vu plusieurs millions de citoyens périr dans des conflits armés ces dix dernières années.

Synthèse

La communauté internationale réalise lentement que l'effondrement du processus de paix congolais et le retour à la guerre sont des perspectives réelles dans cet immense pays qui a vu plusieurs millions de citoyens périr dan des conflits armés ces dix dernières années. Un massacre de réfugiés congolais perpétré juste de l'autre côté de la frontière, au Burundi, a focalisé beaucoup d'attention sur les Kivus, mais la situation en Ituri, qui est étroitement liée, présente beaucoup de symptômes et de défis identiques. Le Conseil de Sécurité doit accorder à la Mission des Nations Unies (MONUC), commune à l'Ituri et aux Kivus, un mandat plus clair et plus de moyens pour traquer activement les groupes armés, et doit l'encourager à élaborer une stratégie diplomatique et politique pour soutenir les efforts du fragile gouvernement de transition à Kinshasa visant à asseoir son autorité avant qu'il ne soit trop tard.

La MONUC a déjà échoué une fois dans des circonstances dramatiques. Elle s'était révélée incapable (voire réticente selon certains observateurs) de réagir fermement à la flambée de violences interethniques survenues en Ituri mi-2003. La France dirigea pendant trois mois une force mandatée par l'Union Européenne (UE) dans le district de la capitale Bunia, où la plupart des violences avaient éclaté, ce qui laissa un peu de temps aux Nations Unies pour y redéployer la MONUC avec un mandat Chapitre VII et plus de soldats.

La Brigade Ituri de la nouvelle MONUC est une force potentiellement puissante bien que sa doctrine soit floue et qu'elle accuse quelques carences militaires (particulièrement en matière de renseignements). Elle a su rétablir des conditions à peu près normales dans les villes où elle est stationnée, mais partout où elle est absente, notamment dans les deux tiers de Bunia, la région est divisée et contrôlée par des groupes armés qui, loin d'être attachés à la paix, continuent de s'en prendre aux civils. Des progrès politiques et humanitaires significatifs sont à exclure tant que la situation sécuritaire ne sera pas meilleure. Au mieux, la situation demeure statique, à la merci des groupes armés, largement autofinancés par les revenus issus des activités de production du district sous leur contrôle, notamment les mines d'or et les droits de péage sur les mouvements de marchandises. L'Ouganda et le Rwanda voisins maintiennent leur capacité à manipuler de puissants relais locaux pour leurs propres comptes.

Le gouvernement de transition à Kinshasa n'a pratiquement aucune influence, et encore moins de pouvoir, en Ituri. Il a été secoué par les récents évènements dans les Kivus, la nécessité de gérer des relations régionales sensibles ainsi que ses propres machinations politiques internes. Soumis à des restrictions budgétaires, son engagement en Ituri sera sans doute très limité pendant quelques temps. L'Acte d'Engagement qu'il a signé un peu plus tôt cette année avec les groupes armés de l'Ituri a échoué car ces groupes ont abordé les négociations en sachant très bien que si leurs exigences quasi délirantes de statut, d'emplois et d'immunité contre toute poursuite étaient rejetées, ils pourraient poursuivre leurs activités sans craindre de sanctions. Les groupes armés ont constamment sapé les efforts de l'autorité politique et administrative locale appelée Administration intérimaire de l'Ituri (AII). Le récent remplacement de l'AII par un Commissaire de District désigné par Kinshasa ainsi que par des Commissaires territoriaux ne changera guère le cours des choses.

Ce serait se méprendre dangereusement que de s'attendre à davantage de la part du gouvernement de transition. La reprise des combats en juillet 2004 entre deux factions armées pourtant signataires de l'Acte d'Engagement a constitué un avertissement clair des risques potentiels de statu quo. Seule la MONUC peut faire la différence en tenant tête aux groupes armés avec plus de détermination, puis en entamant enfin énergiquement en partenariat avec le gouvernement de transition le programme maintes fois retardé de désarmement et de réinsertion des combattants.

Rien de cela ne se produira sans une prise en compte sérieuse de la part du Conseil de Sécurité des importantes recommandations émises par le Secrétaire Général, Kofi Annan, en vue d'améliorer la MONUC. Le problème fondamental, au moins pour l'Ituri, ne réside pas dans le nombre de soldats. Alors que l'effectif actuel de la MONUC, 10800 hommes, devrait au moins être doublé, la plupart des nouveaux soldats seront probablement nécessaires de manière plus urgente dans les Kivus. Il est toutefois crucial d'expliciter clairement quand et dans quels cas/buts la mission devrait être prête à faire usage de la force, et d'améliorer qualitativement certaines compétences de la Brigade Ituri. Le mois prochain offrira l'occasion de réévaluer la situation dans son ensemble en Ituri, de développer un plan efficace et d'engager les moyens nécessaires pour faire de sa pacification un succès et un modèle pour l'ensemble du processus de paix congolais. Le réexamen est toutefois délimité dans le temps. La date butoir est le 1er octobre, date à laquelle le renouvellement du mandat de la MONUC sera soumis à la décision du Conseil de Sécurité.

Nairobi / Bruxelles, le 26 Août 2004

Executive Summary

The district of Ituri, in the north-east of the Democratic Republic of Congo (DRC), came to international attention in mid-2003 as inter-ethnic conflict, long suppressed under former President Mobutu Sese Seko but inflamed in the anarchy that accompanied his ousting, exploded. Thousands of civilians were killed and many more displaced , and the prestige of the UN Mission (MONUC), which had failed to protect them, suffered. The UN Security Council authorised Operation Artemis, a French-led EU Interim Emergency Multinational Force (IEMF),[fn]Authorised under UNSCR 1484 (30 May 2003).Hide Footnote  which undertook a limited intervention to restore order and prevent further massacres by warring Hema and Lendu ethnic militias. It was able to stabilise the capital, Bunia, and win time and space for the UN to return a substantially reinforced MONUC, including the some 3,500-strong Ituri Brigade. Authorised under Chapter VII, meaning it is entitled to take a range of strong measures including the use of force, MONUC now seeks to secure control over the entire district and allow a more durable pacification process to resume.

Since MONUC resumed control on 1 September 2003, there has been some progress, but momentum has stalled. MONUC has nearly reached its limits to influence conditions, especially security, in Ituri. Programs to reconstruct communities and infrastructure, such as the Disarmament and Community Reinsertion (DCR) program for former combatants,[fn]In Ituri the program for disarmament, demobilisation and reintegration (DDR) is referred to as the Disarmament and Community Reinsertion (DCR) program, the logic being that the members of the armed groups have never been mobilised.Hide Footnote  have yet to begin, and the return of internally displaced persons (IDPs) to their homes is almost at a standstill. The interim political institutions are moribund and have failed to deliver on either of their key tasks: political pacification and social services. The Transitional Government in Kinshasa is not in a position to assume these responsibilities, leaving a political vacuum that MONUC cannot fully fill. Finally, although the ethnic war appears to be largely over and while their nature and actions have changed, the armed groups remain the main obstacle to peace.

Recent events in South Kivu[fn]See ICG Africa Briefing, Pulling Back from the Brink in the Congo, 7 July 2004.Hide Footnote  and the reactions to them domestically and internationally, as well as an outbreak of fighting in northern Ituri between two of the armed groups, underscore the fragility of the peace process in the entire country. Ituri is a vital test of the Transitional Government's capacity to assert its control in the East and of the likelihood that a stable peace can be established in the DRC and the region.

While Ituri has many problems, they are surmountable, especially compared with the challenges elsewhere in the DRC. Its "separateness" and international efforts to date have created opportunities for substantial progress. But MONUC, complemented by the Transitional Government, needs to realign its priorities. Success in Ituri is critical not only to its people, but also to the entire UN mission in the DRC and the credibility of UN peacemaking efforts throughout Africa.

This report updates earlier ICG papers[fn]See especially ICG Africa Report N°64, Congo Crisis: Military Intervention in Ituri, 13 June 2003.Hide Footnote  and focuses on the role of MONUC and the armed groups, political and regional factors, and the development of the Transitional Government's influence. ICG’s views on the wider issues involved in strengthening the political transition and peace process in the DRC were the subject of letters on 24 August 2004 to key members of the international community.[fn]See ICG Media Release, "Prevent the Return to Full-scale War in the Congo", 24 August 2004, and the accompanying letter from Gareth Evans to the Foreign Ministers of Belgium, France, South Africa, the UK and the U.S., and the Permanent Representatives to the United Nations of Security Council member states, at www.icg.org.Hide Footnote

Nairobi/Brussels, 26 August 2004

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