RDC: l’enlisement démocratique
RDC: l’enlisement démocratique
DR Congo: A Full Plate of Challenges after a Turbulent Vote
DR Congo: A Full Plate of Challenges after a Turbulent Vote
Op-Ed / Africa 3 minutes

RDC: l’enlisement démocratique

Alors que se préparent les célébrations du cinquantenaire de l’indépendance de la République démocratique du Congo, le 30 juin prochain, deux événements très récents viennent rappeler l’extrême fragilité du processus de reconstruction de l’Etat entrepris depuis l’élection de Joseph Kabila en 2006, et les risques existants pour la stabilité du pays. Le 27 mars, une discrète commission établie par le président Kabila a recommandé l’abandon de contre-pouvoirs démocratiques essentiels de la Constitution adoptée par référendum en décembre 2005. Le 4 avril, la capitale de l’Equateur, une province pacifiée de l’ouest du Congo, a failli tomber entre les mains d’insurgés locaux. C’est en réalité la façade démocratique du régime et sa capacité à gouverner le pays qui se lézardent à la veille de rendez-vous électoraux majeurs. A moins que l’établissement d’un Etat démocratique en RDC ne redevienne une priorité, ces fissures risquent de s’agrandir jusqu’à faire trembler l’édifice.

A Kinshasa, sous prétexte de retards rencontrés dans les réformes prévues par la Constitution, l’idée d’une "revisitation" constitutionnelle gagne du terrain. Au Parlement, les élus sollicités par la présidence hésitent entre une révision technique et une révision politique. La première ne porterait que sur l’adaptation des textes à une vision moins ambitieuse de la décentralisation tandis que la seconde aboutirait à augmenter la durée et le nombre des mandats présidentiels, à réduire l’indépendance de la justice et à modifier les équilibres institutionnels. Cette révision politique reviendrait sur les progrès démocratiques sanctuarisés par l’article 220 de la Constitution qui prohibe précisément la modification de ce qui fait figure de "cœur de la démocratie congolaise". Les discussions en cours dans la majorité présidentielle flirtent avec l’inconstitutionnalité alors que les observateurs internationaux s’inquiètent de l’impréparation des élections prévues pour 2011.

L’attaque surprise de Mbandaka, la capitale de l’Equateur, par des rebelles, a fait un nombre encore indéterminé de victimes et a provoqué la mort de trois membres de la mission de maintien de la paix des Nations unies, la Monuc. On se perd encore en conjectures pour comprendre comment une rébellion tribale soi-disant maîtrisée par l’armée congolaise au mois de janvier est parvenue quelques mois plus tard à lancer une attaque de cette envergure à 500km de ses bases.

La révision constitutionnelle à venir et l’attaque de Mbandaka sont les deux révélateurs d’un même problème: l’enlisement du projet démocratique congolais. La Constitution prévoyait la mise en œuvre de réformes institutionnelles fondamentales, de la décentralisation, d’une réforme de la justice et des forces de sécurité et d’un système de contre-pouvoirs. Aujourd’hui, le bilan des efforts consacrés à la consolidation démocratique est négatif: la démocratie locale ne s’est pas concrétisée faute d’élections locales et de provinces réellement fonctionnelles; la réforme du secteur de la sécurité nécessaire à la restauration de l’autorité de l’Etat et à la fin de la brutalisation de la population avance avec une lenteur calculée; la liberté de la presse est respectée tant qu’elle ne porte pas atteinte à aux intérêts politiques des puissants (le sixième journaliste assassiné en 5 ans dans l’est du pays est tombé le 5 avril); la lutte contre la corruption - ô combien nécessaire en RDC - est dévoyée à des fins politiciennes; et la nouvelle commission électorale qui devait être créée après les élections de 2006 est toujours à l’état de projet législatif. Les quatre cinquièmes d’une législature n’auront pas suffi pour traduire en actes gouvernementaux et en mobilisations budgétaires les promesses démocratiques de la Constitution de la 3e République.

Face à l’absence de consolidation démocratique et d’institutionnalisation de l’Etat, le premier réflexe du gouvernement n’est pas d’accélérer le train des réformes, mais de se crisper sur le principe de souveraineté sans en avoir les attributs institutionnels et financiers. La leçon de Mbandaka n’est pas que l’armée congolaise est capable ou non de vaincre une rébellion locale: la leçon de l’insurrection en Equateur est qu’en l’absence d’administration provinciale et d’une police territoriale, les troubles locaux risquent de dégénérer et de ne pouvoir être gérés que par la force militaire.

Les forces politiques kabilistes avancent qu’il est impératif d’instaurer un pouvoir fort, voire autoritaire au Congo pour en maintenir la stabilité, alors qu’une amélioration significative et rapide de la gouvernance des provinces et des forces de sécurité est la seule solution viable. La première interprétation se nourrit de la nostalgie mobutiste. L’alternative implique de relancer le projet démocratique, c’est-à-dire d’accélérer la préparation des élections générales de 2011 déjà très en retard, d’institutionnaliser la lutte contre la corruption, de poursuivre le processus de décentralisation, d’établir un partenariat politique entre les bailleurs et le gouvernement sur la réforme de la sécurité et de renforcer l’application des libertés fondamentales.

Plutôt que de changer les règles du jeu constitutionnel, le pouvoir congolais et ses partenaires internationaux doivent désormais se concentrer sur l’application de la Constitution de 2005. Toute aide internationale devrait y être conditionnée si nécessaire. Tel est sans doute le prix pour préserver les acquis de cinq années de transition et sortir définitivement le Congo du cycle interminable des crises et conflits.
 

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