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Elections au Nigeria : pour éviter une crise politique

La démocratie nigériane s’apprête à passer un test crucial. Les prochaines élections prévues pour les 14 et 21 avril 2007 – élections présidentielles et parlementaires qui coïncideront avec l’élection des assemblées et des gouverneurs des États – ne sont pas qu’un simple exercice de routine quadriennal. Des élections réussies offriraient au pays sa première occasion depuis l’indépendance en 1960 de passer d’une administration civile à une autre dans le respect de la constitution, consolidant ainsi la démocratie au Nigeria.

Synthèse

La démocratie nigériane s’apprête à passer un test crucial. Les prochaines élections prévues pour les 14 et 21 avril 2007 – élections présidentielles et parlementaires qui coïncideront avec l’élection des assemblées et des gouverneurs des États – ne sont pas qu’un simple exercice de routine quadriennal. Des élections réussies offriraient au pays sa première occasion depuis l’indépendance en 1960 de passer d’une administration civile à une autre dans le respect de la constitution, consolidant ainsi la démocratie au Nigeria. Au contraire, des élections ratées pourraient avoir de graves conséquences : un rejet violent des résultats par de larges pans de la population, le refus de l’autorité et de la légitimité du nouveau gouvernement, l’intensification de l’insurrection dans le delta du Niger et sa possible propagation à d’autres régions, avec le risque de déstabilisation que cela impliquerait pour l’Afrique de l’Ouest en général. La période de préparation de ces élections a révélé des lacunes en matière d’impartialité au détriment de l’opposition ainsi qu’en matière de transparence et de respect de la loi. Si les acteurs en jeu ne font pas de toute urgence des efforts pour sauvegarder la crédibilité du processus électoral, la grave instabilité que connaît le Nigeria pourrait s’aggraver irrémédiablement.

La première menace à ce processus vient des tentatives du président Olusegun Obasanjo d’imposer son successeur en excluant de la course électorale des candidats sérieux comme le vice-président Atiku Abubakar par l’intimidation, par des procédures judiciaires et par des accusations de corruption à des fins politiques. Les efforts du président pour s’accrocher au pouvoir ont contrarié l’establishment politique et divisé les dirigeants du Parti démocratique des peuples du Nigeria (PDP) au pouvoir, qui comptaient sur une course à la succession ouverte pour satisfaire leurs ambitions. Les frustrations qui en ont résulté ont propulsé les poids lourds de l’establishment dans l’opposition et ont accru la férocité d’une campagne troublée par la violence et la corruption.

Encore plus inquiétants pour la crédibilité des élections sont la mainmise d’Obasanjo sur les finances de la Commission électorale nationale indépendante (INEC) et son influence directe sur les hauts responsables en charge de l’administration du processus électoral, l’utilisation qui est faite des services de sécurité pour intimider l’opposition et les doutes soulevés quant à la validité de l’inscription des électeurs. Le risque est grand que le président, qui a déclaré que ces élections étaient “une affaire de vie ou de mort pour le PDP”, tente d’obtenir une victoire par l’intimidation et la fraude à grande échelle, ce qui conduirait l’opposition à en contester violemment les résultats. Si le PDP perdait, il pourrait être tenté de suspendre la constitution.

Une telle crise n’aboutirait pas nécessairement à un nouveau coup d’État militaire mais affaiblirait à coup sûr l’autorité de l’État et exacerberait l’instabilité du pays sur le long terme. Dans le delta du Niger, où les groupes militants qui exigent le contrôle régional des ressources pétrolières intensifient déjà l’insurrection anti-gouvernementale, des élections truquées anéantiraient toute chance d’arriver à un règlement pacifique et à une meilleure gouvernance.

La fragile stabilité du Nigeria est en jeu. Trop souvent dans ce pays des élections ont entraîné des crises et des prises de pouvoir militaires spectaculaires. Certes, le président Obasanjo a obtenu des succès impressionnants comme des réformes économiques et une réduction de la dette considérable. Il s’est fait le champion de la démocratie à travers l’Afrique et a offert sa médiation dans quelques-uns des plus graves conflits sur le continent. Mais il doit désormais s’engager à garantir un processus électoral juste et libre dans son propre pays afin de lui épargner déclin et risque d’effondrement. Les conflits ethniques et religieux au Nigeria ont déjà causé plus de 15 000 morts et le déplacement de plus de trois millions de personnes durant la présidence d’Obasanjo. Pour que les prochaines élections soient crédibles et réussies, les autres acteurs nationaux, régionaux et internationaux ne peuvent se permettre d’être passifs et doivent s’engager immédiatement à prémunir le Nigeria contre les manipulations et les violences électorales.

Dakar/Bruxelles, 28 mars 2007

Executive Summary

Nigeria’s democracy faces a crucial test. Presidential, parliamentary and state gubernatorial and assembly elections scheduled for 14 and 21 April 2007 are not a routine quadrennial ritual. Success would offer the country the first opportunity to achieve a genuine constitutional succession from one civilian administration to another since independence in 1960, thus consolidating democracy. Failure could provoke violent rejection of the results by wide sections of the populace, denial of legitimacy and authority to the new government, intensification of the insurgency in the Niger Delta and its possible extension to other areas, with potential for wider West African destabilisation. The preparatory phases have indicated failings in terms of basic fairness for the opposition, transparency and respect for the rule of law. Unless stakeholders make urgent efforts to rescue the credibility of the process, Nigeria’s already serious internal instability could be fatally aggravated.

The first threat to the process is President Olusegun Obasanjo’s attempts to impose a successor by excluding strong candidates such as Vice President Atiku Abubakar, through intimidation, judicial proceedings and politically-motivated corruption charges. His effort to hold on to power has antagonised the political establishment and divided leaders of the ruling People’s Democratic Party (PDP), who counted on an open succession contest to satisfy their ambitions. The resulting frustrations propelled establishment heavyweights into opposition and increased the ferocity of a campaign marred by violence, bribery and corruption.

Even more worrying for electoral credibility is Obasanjo’s tight leash on the finances of the Independent National Electoral Commission (INEC), his direct influence on senior officials in charge of administering the process, the use of security services to intimidate opposition and the doubts raised over the validity of the voter registration exercise. There is a high risk the president, who has declared the election a “do or die affair for the PDP”, will try to obtain a victory through intimidation and large-scale rigging, resulting in a violent challenge of the results by the opposition. If the PDP loses, he could be tempted to suspend the constitution.

Such a crisis might not necessarily lead to a new military coup but would definitely undermine state authority and exacerbate long-term instability. In the Niger Delta, where militant groups demanding regional control of oil resources are already stepping up their anti-government insurgency, rigged elections would diminish any opportunity for peaceful settlement and improved governance.

Nigeria’s fragile stability is in the balance. Too many of its elections have led to dramatic crises and military take-overs. The Obasanjo presidency has recorded impressive achievements, including significant economic reforms and foreign debt reduction. He has championed democracy across Africa and mediated some of its most difficult conflicts. But he now needs to commit to a free and fair electoral process at home to save Nigeria from decline and risk of collapse. Ethnic and religious conflicts have already caused over 15,000 deaths and displaced more than three million during his presidency. Successful and credible elections also require immediate and pro-active national, regional and wider international involvement to guard against electoral violence and manipulation.

Dakar/Brussels, 28 March 2007

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