Briefing / Europe & Central Asia 3 minutes

Ouzbékistan : stagnation et incertitude

L’Ouzbékistan demeure un risque sérieux pour lui-même et sa région. Le président Islom Karimov, âgé de 69 ans, dont le mandat a pris officiellement fin il y a plus de six mois, semble ne pas vouloir renoncer au pouvoir.

Synthèse

L’Ouzbékistan demeure un risque sérieux pour lui-même et sa région. Le président Islom Karimov, âgé de 69 ans, dont le mandat a pris officiellement fin il y a plus de six mois, semble ne pas vouloir renoncer au pouvoir. Néanmoins, son départ pourrait déclencher une violente lutte pour l’autorité. L’économie demeure strictement contrôlée : des fidèles au régime, notamment les services de sécurité et Gulnora, la fille de Karimov, exercent une influence excessive, ce qui décourage les investisseurs et accentue la pauvreté. Les droits humains sont sévèrement bafoués, et ceux qui cherchent à fuir à l’étranger risquent en permanence de se voir rapatriés de force. Si le gouvernement justifie nombre de ses politiques par la « guerre contre le terrorisme », la répression qu’il pratique pourrait en réalité générer davantage de risques à l’avenir. Les efforts de dialogue international ont été contrariés par son refus de réformer et d’autoriser une enquête indépendante sur le soulèvement d’Andijan en mai 2005. Il est à présent difficile d’influencer Tachkent mais il est essentiel d’assister autant que possible la population ouzbèke et d’aider ses voisins à renforcer leurs capacités de manière à pouvoir faire face à l’instabilité qui pourrait surgir au moment du départ de Karimov.

Le dernier mandat présidentiel de sept ans de Karimov, qui a légalement pris fin en janvier 2007, est largement passé inaperçu. Les spéculations quant à son successeur vont bon train, bien qu’aucun favori ne se distingue vraiment. Si le Turkménistan a réussi une transition pacifique après le décès du président Saparmurat Niazov en décembre 2006, le départ de Karimov pourrait néanmoins déclencher une véritable instabilité, entraînant de graves conséquences pour l’ensemble de la région.

L’économie demeure considérablement dépendante des exportations de coton, d’or et de gaz naturel, toutes les matières premières étant contrôlées par le régime et ses alliés, qui dégagent des profits colossaux alors qu’une grande partie de la population doit faire face à de graves privations. Gulnora Karimova aurait été particulièrement impitoyable dans la construction de son empire financier. Des millions de citoyens ruraux ont commencé, pour s’en sortir, à pratiquer le commerce de navette ou bien à chercher un emploi à l’étranger et envoyer d’importantes sommes d’argent au pays, bien que le gouvernement interfère de plus en plus dans ces secteurs. Même les plus grands investisseurs russes et chinois qui ont des intérêts dans l’industrie de l’énergie ouzbèke voient leur activité entravée.

En dépit de la libération récente d’activistes des droits humains condamnés, la situation générale n’a pas vraiment changé. Les critiques du régime sont sévèrement réprimés. Des centaines de citoyens ont fui à l’étranger, notamment en Russie ou au Kirghizstan où ils ont été victimes de harcèlement et d’intimidations de la part des services de sécurité locaux et ouzbèkes. Un certain nombre d’expulsions illégales ont également eu lieu. Les libertés religieuses sont particulièrement bridées : les membres de confessions « non traditionnelles » sont souvent harcelés et arrêtés et les musulmans pratiquants courent le risque d’être taxés d’extrémistes ou de terroristes. La société civile et les médias indépendants ont pratiquement été éliminés et les journalistes qui travaillent pour des agences étrangères sont menacés et persécutés.

Le gouvernement exploite régulièrement la thématique des dangers des groupes islamistes radicaux, notamment Hizb ut-Tahrir et le Mouvement islamique d’Ouzbékistan (MIO), pour justifier de telles politiques. En réalité, malgré quelques éclats de violence dans la région ces dernières années, rien ne prouve que le MIO soit une véritable menace. Toutefois, si le régime poursuit ses politiques répressives, le radicalisme ne s’en trouvera que plus renforcé.

La répression d’un soulèvement à Andijan en mai 2005 fut un moment clef. Des centaines de civils, si ce n’est plus, auraient été tués. L’UE, seule dans cette initiative, a pris des mesures restrictives et les a maintenues et renouvelées pour la dernière fois en mai 2007, tout en les assouplissant progressivement. Les tentatives répétées de l’UE, et en particulier de l’Allemagne, de promouvoir de nouvelles relations avec les autorités ouzbèkes, n’ont donné lieu qu’à des gestes symboliques. Les relations avec les États-Unis sont plus froides que jamais. Même ses liens avec la Russie, qui avait soutenu Karimov à Andijan, semblent se détériorer. Malgré la volonté de Karimov de conserver des options en matière de politique étrangère pour éviter de devenir un paria, son régime a fait bien peu d’efforts pour améliorer ses relations avec ses interlocuteurs étrangers. 

Bishkek/Bruxelles, 22 août 2007

I. Overview

Uzbekistan remains a serious risk to itself and its region. While 69-year-old President Islom Karimov shows no signs of relinquishing power, despite the end of his legal term of office more than half a year ago, his eventual departure may lead to a violent power struggle. The economy remains tightly controlled, with regime stalwarts, including the security services and Karimov’s daughter Gulnora, exerting excessive influence, which drives away investors and exacerbates poverty. The human rights situation is grave, and those who seek to flee abroad live in constant danger of attempts to return them forcibly. While the government cites the “war on terror” to justify many policies, its repression may in fact be creating greater future danger. Efforts at international engagement have been stymied by its refusal to reform and to allow an independent investigation of the May 2005 Andijon uprising. Little can be done presently to influence Tashkent but it is important to help ordinary Uzbeks as much as possible and to assist the country’s neighbours build their capacity to cope with the instability that is likely to develop when Karimov goes.

According to the law, Karimov’s latest seven-year presidential term expired in January 2007, a date which passed largely unnoticed. Speculation about who will ultimately succeed Karimov continues, though there is no clear front-runner. While Turkmenistan managed a peaceful transition following the death of President Saparmurat Niyazov in December 2006, there are reasons to be concerned that Karimov’s departure may lead to serious instability, with potentially grave consequences for the region as a whole.

The economy remains heavily dependent on the export of cotton, gold and natural gas, all commodities largely controlled by the regime and its allies, who reap considerable profits while the population at large faces serious hardship. Gulnora Karimova has reportedly been particularly ruthless in her drive to increase her financial empire. Millions of rural citizens have turned to shuttle trading or sought jobs outside the country to get by, with the latter group sending large remittances, although government interference may be increasing in these areas as well. Even major Russian and Chinese investors interested in Uzbekistan’s energy industry face serious obstacles to doing business.

Despite the release of two recently convicted human rights activists, the overall situation has changed little. Regime critics are severely persecuted. Hundreds of citizens have fled abroad, and some of those in Russia or Kyrgyzstan have faced harassment and intimidation from local and Uzbek security services. There have also been a number of cases of illegal deportation. Religious freedoms are severely curtailed: members of “non-traditional” sects encounter harassment and arrest, and devout Muslims run the risk of being branded extremists or terrorists. Civil society and the independent media have been almost wiped out, while journalists working for foreign news services face threats and persecution.

The government regularly cites the dangers posed by radical Islamist groups, particularly Hizb ut-Tahrir and the Islamic Movement of Uzbekistan (IMU) to justify such policies. Despite occasional outbreaks of violence in the region in recent years, however, there is no clear evidence the IMU poses a direct threat to it. However, if the regime continues its repressive policies, support for radicalism may well grow.

The suppression of an uprising in Andijon in May 2005 was a turning point. Hundreds – if not more – of civilians are believed to have been killed. Alone among world powers, the EU imposed limited sanctions and has continued to uphold them, albeit in progressively weaker forms, most recently in May 2007. Repeated efforts by the EU, and particularly Germany, to promote renewed engagement with the Uzbek authorities has evoked only token gestures. Relations with the U.S. are at an all-time low. Even ties with Russia, which supported Karimov over Andijon, show signs of strain. Despite Karimov’s desire to retain foreign policy options not to be an international pariah, his regime has done little to improve relations with any of its foreign interlocutors.

Bishkek/Brussels, 22 August 2007

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