Nouveau chapitre pour Crisis Group : Un message de la Présidente et Directrice générale, Comfort Ero
Nouveau chapitre pour Crisis Group : Un message de la Présidente et Directrice générale, Comfort Ero
Comfort Ero, then Director of the Africa Program of Crisis Group, briefs journalists on the launch of the ICG report on Mali.Adrian Sollberger (left), Counsellor at the Permanent Mission of Switzerland to the UN. April 2013, New York, U.S. CRISIS GROUP / Devra Berkowitz / UN Photo
Statement / Global 8 minutes

Nouveau chapitre pour Crisis Group : Un message de la Présidente et Directrice générale, Comfort Ero

Le 24 décembre, le Conseil d'Administration de l’International Crisis Group a nommé Comfort Ero au poste de Présidente et Directrice générale. Dans ce message inaugural, elle explique sa vision, ses objectifs et la vocation personnelle qui accompagne sa carrière centrée sur la prévention des conflits.

On me demande souvent ce que je ferais si je pouvais redémarrer ma carrière et tout recommencer. Ma réponse reste la même : je n’en changerais pas les grandes orientations. Pour moi, c’est une vocation, pas une carrière ; pas un travail, mais un service au nom de l’intérêt général. C’est en tout cas comme ça que je perçois mon rôle auprès de l’International Crisis Group.

Mes parents travaillaient dans le domaine de la santé publique et de l’éducation et faisaient du bénévolat à l’église. Ce sont eux qui m’ont inculqué l’idée de servir le bien commun. Après ma naissance à Londres, ils m’ont envoyée passer mon enfance dans le Nigéria de l’après-guerre civile, où j’ai été élevée par mes grands-parents maternels et les frères et sœurs de ma mère. Mes proches au Nigéria ont exercé une influence décisive sur ce que j’allais devenir. Ma tante aînée, anthropologue, a joué un rôle primordial. Elle a su éveiller mon intérêt pour la place de l’Afrique dans le monde, pour les relations internationales et en particulier pour la résolution des conflits et la construction de la paix entre les Etats.

Les problématiques de guerre et de paix ont été au cœur de mon éducation et de mon travail. Je me souviens avoir entendu ma famille et mes amis raconter les effets désastreux du conflit au Biafra, tout en étudiant le morcellement de l’ex-Yougoslavie et le génocide au Rwanda. Ce qui a accompagné mon parcours, de l’Association britannique pour les Nations unies (où j’ai fait un stage) à l’Institut international d’études stratégiques du King’s College de Londres, en passant par la mission des Nations unies au Libéria et le Centre international pour la justice transitionnelle, c’est la volonté de combattre les fléaux humanitaires, sociaux et économiques de la guerre et de trouver des approches justes et durables afin d’empêcher la résurgence des conflits.

Sous ma direction, tout ce que Crisis Group fera à l’avenir se focalisera sur cette mission unique : éviter les morts et les souffrances causées par la guerre.

Dans cette optique, je me sens chez moi au sein de Crisis Group, dont la mission est de prévenir les guerres et de mettre fin aux conflits meurtriers en proposant des analyses pointues, des recommandations pratiques et des actions de plaidoyer ciblées. Je suis extrêmement fière de diriger une organisation dont la méthodologie est ancrée au cœur de la recherche dans les pays touchés par les conflits et qui exige de ses analystes qu’ils se mettent à la place des personnes concernées. Sous ma direction, tout ce que Crisis Group fera à l’avenir se focalisera sur cette mission unique : éviter les morts et les souffrances causées par la guerre. Etant à la fois l’enfant de parents dont la génération ne connait que trop bien le coût de la guerre et le témoin proche de ses répercussions, cette mission revêt pour moi une dimension très personnelle.

C’est un privilège de prendre la tête de cette organisation extraordinaire et de travailler avec plus de 135 collaboratrices et collaborateurs brillants, ainsi que plus de 30 volontaires, issus de pays du monde entier, à un moment où les idées de Crisis Group sont de plus en plus demandées. Celles et ceux qui dirigent les gouvernements, les organisations internationales et autres institutions se tournent de plus en plus vers nous pour obtenir des analyses nuancées, pragmatiques et empathiques, mais sans complaisance. Notre accès aux responsables politiques du monde entier et notre présence sur le terrain nous assurent une position idéale pour répondre à l’évolution du paysage géopolitique et à la montée des tensions entre puissances régionales et internationales. Dans un monde où les massacres se perpétuent en toute impunité, où les insurrections jihadistes se propagent trop souvent sans aucun contrôle, où l’ingérence des puissances étrangères fait trop souvent obstacle à la diplomatie, où un nombre sans précédent de personnes souffrent de la famine et sont déplacées, en grande partie à cause de la guerre, et où le Conseil de sécurité des Nations unies, de plus en plus enlisé, ne parvient pas à remplir sa mission, le travail de Crisis Group est plus vital que jamais. En dépit de toutes les difficultés, nous continuerons à élaborer et à exposer des moyens réalistes afin de prévenir, d’atténuer et de résoudre les conflits meurtriers. 

Sous ma direction, je souhaite une organisation en pleine croissance, au sommet de son art pour prévenir, atténuer et mettre fin aux conflits meurtriers en offrant des analyses et des solutions pratiques afin d’influencer les acteurs des conflits et les responsables politiques. Je veillerai à ce que Crisis Group reste la première référence pour l’analyse de conflits, la principale source d’idées nouvelles sur les crises les plus médiatisées du moment, et une voix vitale et souvent solitaire qui attire l’attention sur les guerres oubliées.

Dans le même temps, le prochain chapitre de l’organisation connaîtra une évolution significative. Je suis particulièrement heureuse d’assumer la présidence à un moment passionnant d’innovation, lancé par mes prédécesseurs Jean-Marie Guéhenno et Rob Malley. Notre travail sur l’avenir des conflits et sur le genre restera une priorité majeure et, avec notre équipe de direction, je m’efforcerai de faire progresser ces nouvelles recherches importantes tout en conservant notre atout principal, à savoir une couverture régionale approfondie. Afin de garantir une meilleure intégration des travaux thématiques et régionaux, je prévois de mettre en place un nouveau pôle d’innovation composé d’analystes spécialisés dans les risques émergents. Il pourrait s’agir de questions que nous avons déjà commencé à couvrir – comme la sécurité climatique – ou de nouveaux domaines comme la cyberguerre ou la guerre à distance, l’insécurité alimentaire ou la santé publique en relation avec la dynamique des conflits. Ce pôle générera des recherches pionnières au sein de l’organisation, ainsi que de nouvelles idées de financement visant à capter des investissements importants et un soutien philanthropique accru pour résoudre certains des problèmes insolubles de notre époque. Ces analystes soutiendront le travail réputé de nos six programmes régionaux. J’ai également l’intention de veiller à ce que, le cas échéant, nous approfondissions et élargissions notre couverture régionale, afin que nous restions un partenaire fiable et recherché en matière de paix et de sécurité dans le monde entier.

Je veux amplifier notre voix et donner plus de visibilité à notre méthodologie et à notre impact.

J’ai aussi d’autres priorités. Je prévois de conférer une nouvelle urgence à notre travail d’alerte précoce. Nous allons moderniser et développer CrisisWatch, notre outil mensuel de suivi des conflits mondiaux, qui est actuellement dans sa dix-neuvième année, en utilisant des outils technologiques de pointe qui mettent en lumière les menaces et incitent les décideurs politiques à agir rapidement. Je veux amplifier notre voix et donner plus de visibilité à notre méthodologie et à notre impact. Crisis Group se concentrera davantage sur l’identification des changements politiques que nous souhaitons voir dans un conflit spécifique et sur l’utilisation stratégique de nos outils de plaidoyer et de communication afin d’aider à la réalisation de ces changements. La mise en place de partenariats avec des organisations sœurs, dans les cas opportuns, sera également vitale si nous voulons faire changer les politiques. J’espère consacrer davantage de ressources à nos programmes régionaux en matière de plaidoyer et de communication, décentralisant ainsi certaines de ces fonctions importantes. Nous nous appuierions ici sur les réussites des programmes Afrique et Amérique latine, où nous entretenons de solides relations avec des organismes régionaux tels que l’Union africaine et où nous avons constaté une forte implication des médias, notamment hispanophones.

Grâce à notre Conseil d’administration, qui nous a encouragés à tirer parti de nos formidables contacts et à créer un espace pour une diplomatie plus novatrice, notre travail en coulisses – réunir les parties pour trouver un terrain d'entente – va également être dynamisé. Ces dernières années, nous avons contribué à parrainer des initiatives de dialogue fructueuses dans le Golfe, en Amérique latine et en Asie du Sud, entre autres. Après avoir dressé le bilan de nos efforts de dialogue à ce jour, nous définirons la marche à suivre pour approfondir cet important travail, en nous appuyant toujours sur la demande et sur une analyse clairvoyante de notre valeur ajoutée.

En prenant la direction de Crisis Group, j’aurai également l’immense honneur de marcher dans les pas de Gareth Evans, Louise Arbour, Jean-Marie Guéhenno et Rob Malley. Nous ne serions pas là où nous en sommes aujourd’hui, avec la réputation dont nous jouissons en tant qu’organisation de premier plan pour la prévention des conflits dans le monde, sans elle et eux. Ces anciens dirigeants de Crisis Group, en m’inspirant, en m’encadrant et en me donnant les moyens d’agir, m’ont aidé à devenir la nouvelle présidente de Crisis Group. Je suis particulièrement reconnaissante à Rob, qui a laissé à son départ une organisation saine et vigoureuse. Grâce à sa direction et son engagement et au soutien de notre Conseil d’administration, nous avons évolué rapidement et pour le mieux au cours des dernières années. 

Je bénéficie également d’une transition réussie au cours de l’année écoulée, menée par notre nouveau vice-président exécutif, Richard Atwood. Sous l’égide de notre conseil d’administration, qui a confié à Richard et à moi-même la direction de l’organisation pendant la période intérimaire, notre solide équipe de direction et l’ensemble de la famille de Crisis Group ont collaboré dans une ambiance stimulante pour maintenir le rythme, la qualité, l’intensité et la visibilité du travail que les responsables politiques et celles et ceux qui nous soutiennent attendaient de nous et qui seront maintenus sous ma direction.

J’ai hâte de travailler avec celles et ceux qui nous soutiennent aujourd’hui et de continuer à les enthousiasmer avec des solutions audacieuses dans lesquelles ils peuvent investir, tout en identifiant et impliquant de nouveaux soutiens dans notre travail essentiel pour sauver des vies. Je considère les gouvernements, les fondations et les philanthropes qui travaillent à nos côtés comme des partenaires dans cette entreprise, ainsi que comme des bénéficiaires importants pour Crisis Group. Les défis auxquels nous nous attaquons les tiennent également éveillés la nuit, car les crises les touchent souvent directement.

Au sein de Crisis Group, la parité entre les sexes s’est améliorée ces dernières années, en particulier aux postes de responsabilité de l’organisation, mais nous pouvons encore faire mieux.

Au moment où je prends la direction de Crisis Group, je suis consciente de l’importance des discussions en cours dans de nombreuses institutions sur la diversité, l’équité et l’inclusion, en particulier à un moment où une pandémie mondiale a aggravé les inégalités et nous a obligés à repenser la façon dont nous travaillons, communiquons et nous comportons les uns avec les autres. Au sein de Crisis Group, la parité entre les sexes s’est améliorée ces dernières années, en particulier aux postes de responsabilité de l’organisation, mais nous pouvons encore faire mieux. Nous devons encore veiller davantage à ce que notre personnel représente mieux les pays dans lesquels nous travaillons. En tant que directrice du programme Afrique, j’ai accordé une grande importance – comme l’ont fait d’autres directrices et directeurs régionaux – à la réalisation de cet objectif et, en tant que présidente de Crisis Group, je continuerai à faire en sorte que notre personnel reflète la diversité des régions que nous couvrons.

Une équipe heureuse est une équipe productive. Nous devons investir dans notre atout le plus précieux : notre personnel – pas seulement nos analystes réputés et qui jouissent d’une grande visibilité, mais aussi celles et ceux qui travaillent en coulisse à des postes essentiels et qui permettent à nos programmes de rayonner. Cet aspect humain est fondamental pour moi et nous tient à cœur au sein de Crisis Group. Il s’agit notamment de veiller à ce que nos systèmes de rémunération soient compétitifs et que le personnel soit payé correctement et incité à rester plus longtemps au sein de l’organisation grâce à des plans de carrière clairs. Je vais également me pencher sur l’efficacité de nos procédures et créer davantage de liens entre les membres de notre personnel au niveau mondial afin de conserver ce sentiment d’appartenance à une communauté si précieux à nos yeux.

Je remercie le président Muhammadu Buhari du Nigéria pour sa déclaration prononcée lors de ma nomination et sa reconnaissance du rôle de Crisis Group dans l’élaboration de politiques qui permettront de construire un monde plus pacifique. Je suis particulièrement fière d’être la première dirigeante africaine de Crisis Group et seulement la deuxième femme, après Louise. Je suis également reconnaissante envers toutes les personnes du monde entier qui m’ont témoigné leur soutien et honorée par leurs messages bienveillants sur ce que ma nomination signifie pour eux. Je suis particulièrement redevable à un certain nombre de femmes qui m’ont encouragée et préparée au leadership. Mon succès est aussi le vôtre. 

Je termine par un message à mes collègues – la famille Crisis Group : mon nouveau rôle de présidente témoigne de votre réussite ; ensemble, nous pouvons atteindre de nouveaux sommets, ouvrir de nouvelles voies et continuer à remplir la mission des fondatrices et fondateurs de Crisis Group, établie il y a plus d’un quart de siècle pour sauver des vies dans un monde déchiré par la guerre et la violence. Je me réjouis de mener, avec vous toutes et tous, cette mission avec humilité.

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