Report / Middle East & North Africa 6 minutes

Conflit israélo-arabe: Pour une paix durable

Si l’est un point positif dans la récente série d’événements catastrophiques qui ont secoué le Moyen-Orient, c’est le fait qu’ils pourraient être le point de départ d’une nouvelle dynamique en vue d’un règlement global au conflit israélo-arabe.

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Synthèse

Si l’est un point positif dans la récente série d’événements catastrophiques qui ont secoué le Moyen-Orient, c’est le fait qu’ils pourraient être le point de départ d’une nouvelle dynamique en vue d’un règlement global au conflit israélo-arabe. Il faut l’admettre, les espoirs sont minces. Depuis l’éclatement du processus de paix à la fin de l’année 2000, aucune des parties dans la région n’a affiché la volonté ou la capacité nécessaire pour arriver à un compromis acceptable. Dans le même temps, la communauté internationale a fait preuve d’inefficacité plutôt que de détermination. Mais la guerre au Liban doit servir de signal d’alarme: tant qu’on ne s’attaquera pas aux racines politiques du conflit israélo-arabe, elles resteront un prétexte à la répression, à la radicalisation et au massacre, aussi bien dans la région qu’au-delà. Les circonstances actuelles se prêtent à une action internationale pour lancer une nouvelle initiative de paix.

Il y a de nombreuses raisons d’être pessimiste. Six ans après le dernier véritable effort de paix, il ne reste plus rien du minimum de confiance qui existait entre les parties. L’entité palestinienne, mise à mal tant par l’extérieur que de l’intérieur et qui est de plus en plus rongée par les divisions, est au bord de la désintégration. Il est difficile d’imaginer quelles sont les forces politiques qui pourraient négocier efficacement avec Israël, avec quel mandat et quelle serait la capacité dont elles disposeraient pour traduire un éventuel accord en une réalité sur le terrain. Israël, tout juste sorti du traumatisme libanais, qui continue de se battre à Gaza et qui perçoit une tendance du monde musulman à rejeter son existence-même, ne semble pas non plus être d’humeur à faire des concessions politiques. Sa classe politique semble plutôt déchirée entre le désir de raviver le pouvoir de dissuasion d’Israël, qui a, selon elle, été fortement érodé, et l’inévitable exercice d’après-guerre qui consiste à montrer du doigt les responsables et qui menace le gouvernement. Une alternative qui n’est pas propice à des grandes avancées vers la paix.

Les négociations israélo-syriennes ont été complètement interrompues fin 2000, ce qui a eu des répercussions au Liban, en Palestine et dans d’autres parties de la région. La Syrie est aujourd’hui isolée, mise en quarantaine par les principaux acteurs internationaux, et attend la fin des mandats des présidents Bush et Chirac. Les régimes arabes alliés à Washington, dont beaucoup avaient compté sur une victoire d’Israël sur le Hezbollah et espéraient mobiliser leurs citoyens contre un prétendu croissant chiite avec Téhéran à sa tête, se sont trompés à double titre: le Hezbollah a tenu et les sunnites se sont réunis autour du mouvement islamiste chiite plutôt que contre lui. Aujourd’hui, le déficit de légitimité de ces régimes saute aux yeux plus que jamais. De plus en plus, les défenseurs arabes d’une option diplomatique sont sur la défensive tandis que les promoteurs de la résistance armée gagnent du terrain. L’administration américaine, préoccupée par l’Iran et l’Irak, ne se montre pas vraiment disposée à revoir son approche: pas de pourparlers avec le Hamas tant qu’il ne satisfait pas aux conditions imposées par le Quartette, pas de dialogue sérieux avec la Syrie et un manque d’intérêt général pour le conflit israélo-arabe. En vérité, étant donné le peu de légitimité et de crédibilité dont les États-Unis jouissent désormais dans la région, certains doutent que ceux-ci soient en position de mener un nouvel effort de paix, même s’ils en avaient l’intention.

Ainsi, les circonstances actuelles justifient le besoin d’un effort international ambitieux de toute urgence. Des années de négligence coupable ont paralysé les forces pragmatiques à travers la région et ont semé d’obstacles le chemin vers la paix. Consacrer encore des années à ne rien faire ne ferait qu’aggraver les choses. Il y a cependant des éléments prometteurs: la possibilité d’un gouvernement d’unité nationale palestinien, l’appel répété de la Syrie à une reprise des négociations, la demande croissante de la part des régimes arabes pour un processus de paix renouvelé et même la recherche par Israël d’un plan alternatif après l’échec de son expérience unilatérale.

De plus, l’absence d’initiative est en elle-même un choix politique qui aura inévitablement des effets négatifs considérables. La perpétuation du conflit israélo-arabe, avec toute la colère qu’il engendre, sert les extrémistes, les mouvements islamistes du monde musulmans; intensifie l’animosité envers l’Occident et les États-Unis en particulier; radicalise les populations musulmanes en Europe occidentale; discrédite les gouvernements pro-occidentaux; aggrave de plus en plus la dangereuse séparation entre le monde islamique et le monde occidental; et, comme en ont averti les responsables syriens et israéliens, sème les graines de la prochaine guerre israélo-arabe. Résoudre le conflit n’est assurément pas une condition suffisante pour en finir avec des problèmes aussi profondément enracinés mais il s’agit de toute évidence d’une étape nécessaire.

Face à la réticence des américains et des israéliens à agir et à l’extrême fragilité de la situation, d’autres acteurs (l’ONU, l’UE et le monde arabe) doivent désormais proposer des idées nouvelles et prendre des initiatives, au mieux pour inciter Washington à agir ou, au moins, pour ne plus être otage de sa passivité. Le défi réside en la conception d’une initiative (ou d’une série d’initiatives) assez ambitieuse pour modifier les perceptions et les réalités régionales mais pas trop audacieuse pour ne pas provoquer l’obstruction des États-Unis ou d’Israël. Beaucoup ont avancé l’idée d’une conférence de paix internationale; la Ligue arabe a quant à elle appelé le Conseil de sécurité de l’ONU à servir de guide vers un règlement global du conflit. Ces deux idées ont du mérite mais, dans les circonstances actuelles, ni l’une ni l’autre n’a de chance de se réaliser étant donné l’opposition tant de Washington que d’Israël. Une conférence qui coïnciderait avec le quinzième anniversaire de la conférence de paix de Madrid et à laquelle assisteraient l’ensemble des acteurs concernés pourrait bien être le meilleur point de départ de nouvelles négociations. L’idée vaut la peine d’être étudiée mais cela pourrait prendre des mois pour organiser une conférence, établir des termes de référence et arriver à un accord entre les invités; or, c’est de progrès substantiels dont la région a désespérément besoin, pas de querelles de procédure.

Lorsque l’on étudiera ce nouveau mécanisme, il faudra garder à l’esprit les principales leçons du passé: le besoin de définir dès le départ le but du jeu, c’est-à-dire la forme que prendra le règlement final; l’importance d’une tierce partie chargée de surveiller les négociations et de vérifier le respect des accords intérimaires; la nécessité d’éviter une contradiction entre des pourparlers ambitieux à la table des négociations et une mise en œuvre destructrice sur le terrain. Concrètement, le nouveau mécanisme devrait:

  • être global et inclusif, en permettant à toutes les parties qui sont concernées par le résultat de participer. Comme la crise libanaise l’a une fois de plus montré, les problèmes sont étroitement imbriqués. Les motivations du Hezbollah reposaient au moins en partie sur le conflit qui s’intensifiait à Gaza; la marginalisation de la Syrie et de l’Iran n’a pas non plus donné de raison pour restreindre le mouvement islamiste; le Hamas et le Hezbollah maintiennent des liens solides avec Damas et Téhéran; les États-Unis comme Israël ont vu dans la guerre au Liban une guerre par procuration avec l’Iran; le Liban a clairement annoncé qu’il ne signerait pas un traité de paix avec Israël avant que la Syrie n’en fasse autant; et, plus généralement, une normalisation arabe avec Israël (essentiel à tout accord de paix) exigera le règlement de tous les litiges israélo-arabes. Traiter avec le Liban est une priorité mais cela seul ne suffira pas; la conflagration libanaise est intimement liée à d’autres problèmes régionaux qui, si on les ignore, risquent de pousser le Moyen-Orient dans le précipice. De même, il sera difficile de stabiliser le Moyen-Orient sans une négociation pacifique sur la question nucléaire en Iran et un dialogue États-Unis/Iran plus large.
     
  • poser dès le départ un horizon politique clair ainsi qu’un moyen crédible d’y arriver. Il doit être annoncé sans ambigüité que les objectifs à atteindre sont la sécurité, la reconnaissance de l’État d’Israël dans les frontières reconnues internationalement, la fin de l’occupation pour le peuple palestinien et un État souverain et indépendant fondé sur les frontières de 1967 avec Jérusalem Est pour capitale, une résolution juste sur le problème des réfugiés, la récupération par la Syrie de ses territoires perdus et un État libanais sûr et pleinement souverain.
     
  • être réaliste et correspondre aux réalités du terrain, en d’autres termes commencer par ce qu’il est possible d’obtenir: un cessez-le-feu mutuel entre palestiniens et israéliens, associé à des mesures permettant au gouvernement palestinien de gouverner et à l’économie palestinienne de se redresser.
     
  • prendre appui sur des instruments existants et déjà acceptés, comme le Quartette, mais les doter d’un caractère encore plus inclusif, d’un plus grand rôle dans le contrôle et la facilitation et s’assurer que les acteurs européens et arabes saisissent cette occasion pour agir plutôt qu’ils attendent un réveil américain de plus en plus improbable.
     
  • inclure un engagement bien plus grand de la part des États arabes, ceux-ci ayant non seulement une motivation pour arriver à un règlement (pour asseoir leur légitimité et prouver que la diplomatie, l’action non armée, donne des résultats) mais aussi un moyen d’y parvenir (l’Initiative de la Ligue arabe de 2002, jusqu’à présent négligée et qui appelle à une normalisation complète avec Israël en échange d’un retrait total).

Le Moyen-Orient est plongé dans sa pire crise depuis des années et il n’y a aucune résolution stable en vue. Les observateurs et analystes sont prompts à expliquer que les circonstances sont loin d’être idéales pour une initiative israélo-arabe. Ils ont raison. Mais le temps nécessaire à un règlement négocié passe vite et fera bientôt cruellement défaut.

Jérusalem/Amman/Bruxelles, le 5 octobre 2006

Executive Summary

If there is a silver lining in the recent succession of catastrophic developments in the Middle East, it is that they may impart renewed momentum to the search for a comprehensive settlement of the Arab-Israeli conflict. It is, admittedly, a slender hope. Since the collapse of the peace process in late 2000, none of the region’s parties has displayed the requisite capacity or willingness to reach an acceptable compromise, while the international community has shown more fecklessness than resolve. But the Lebanon war must serve as a wake-up call: so long as the political roots of the Arab-Israeli conflict are not addressed, it will remain a bottomless source and pretext for repression, radicalisation and bloodletting, both in the region and beyond. Now is the time for an international push to launch a new peace initiative.

Reasons for scepticism abound. Six years after the last genuine peace effort, whatever modicum of trust existed between the parties has collapsed. The Palestinian polity, battered from without and within and increasingly fragmented, verges on outright disintegration. It is hard to imagine which political forces could negotiate effectively with Israel, with what mandate, and with what capacity to translate any eventual agreement into new realities on the ground. Israel, fresh from its Lebanese trauma, still struggling in Gaza and shaken by a perceived growing trend in the Muslim world that rejects its very existence, hardly seems in the mood for political concessions. Instead, its political class appears torn between a desire to revive Israel’s power of deterrence, which it believes has been seriously eroded, and the inevitable finger-pointing following the war, which threatens to bring the government down. Neither is conducive to grand peace moves.

Israeli-Syrian negotiations came to a grinding halt in 2000, with anticipated ripple effects in Lebanon, Palestine, and elsewhere in the region. Today, Syria is isolated, ostracised by key international players and intent on waiting out the Bush and Chirac presidencies. Arab regimes allied to Washington, many of whom had banked on a quick Israeli victory over Hizbollah and hoped to mobilise their citizens against a so-called Shiite crescent led by Tehran, were doubly wrong: Hizbollah held on, and their Sunni publics rallied around the Shiite Islamist movement, not against it. Today, these regimes’ legitimacy deficit stands as plain as ever. Arab advocates of a diplomatic option increasingly are on the defensive, promoters of armed resistance on the ascent. The U.S. administration, preoccupied by Iraq and Iran, is giving scant sign of reconsidering its approach: no dealings with Hamas until it meets the Quartet conditions; no serious engagement with Syria; and a general lack of interest in the Arab-Israeli conflict. Indeed, with its regional legitimacy and credibility in tatters, some question whether the U.S. would be in a position to lead a renewed effort even if it wanted to.

And yet this desultory state of affairs is an important reason why an urgent, ambitious international effort is required. Years of culpable neglect have crippled forces of pragmatism throughout the region and made the achievement of peace immeasurably more difficult. Another several years of waiting would only make it harder still. Some promising ingredients exist: the possibility of a Palestinian national unity government, Syria’s repeated call for a resumption of negotiations, increased eagerness on the part of Arab regimes for a renewed peace process and even Israel’s search for an alternative way forward after the collapse of its unilateralist experiment.

Moreover, the absence of initiative is itself a policy choice that inevitably will have a significant negative effect. Perpetuation of the Arab-Israeli conflict, with all the anger it generates, fuels extremist, jihadi movements in the Muslim world; intensifies animosity toward the West and the U.S. in particular; radicalises Muslim populations in Western Europe; discredits pro-Western governments; deepens the damaging divide between the Islamic and Western worlds; and, as both Syrian and Israeli officials have warned, sows the seeds of the next Arab-Israeli war. Resolving the conflict clearly would not be  a sufficient condition to tackle such deep-seated problems; but it is, on all available evidence, a necessary one.

American and Israeli reluctance to move, coupled with the extreme fragility of the situation, means that others – the UN, EU and Arab world – must now step forward with fresh ideas and initiatives, optimally to persuade Washington to act, at a minimum not to be held fully hostage to its passivity. The challenge is to devise an initiative or series of initiatives bold enough to alter regional perceptions and realities, yet not so audacious as to provoke U.S. or Israeli obstruction. Many have advanced the notion of an international peace conference; the Arab League has called on the UN Security Council to take the lead in shepherding a comprehensive settlement. Both ideas have merit; at this point, however, neither is likely to materialise due to opposition from Washington and Israel. A conference coinciding with the fifteenth anniversary of the Madrid peace conference and attended by all relevant current players could well be the most visible launching pad for renewed negotiations. The idea is worth pursuing but it could take months to organise and reach agreement on invitees and terms of reference; substantive progress, not a procedural battle, is what the region desperately needs.

In devising a new mechanism, principal lessons of the past must be kept in mind: the need to define early on the endgame, i.e., the shape of a settlement; the importance of an active third party to oversee negotiations and compliance with whatever interim agreements are reached; and the necessity to avoid a discrepancy between lofty talks at the negotiating table and destructive developments on the ground. More concretely, a new mechanism should:

  • be comprehensive and inclusive, enabling all parties with a recognised stake in the outcome to participate. As the Lebanese crisis once more illustrated, the problems are closely interconnected. Hizbollah was motivated, at least in part, by intensified conflict in Gaza; Syria’s and Iran’s marginalisation did not give either a reason to restrain the Islamist movement; Hamas and Hizbollah have strong ties to Damascus and Tehran; both the U.S. and Israel saw the Lebanon war as a proxy war with Iran; Lebanon has made clear it would not sign a peace treaty with Israel before Syria does; and, more broadly, Arab normalisation with Israel (a key prize of any peace deal) will require settlement of all outstanding Arab-Israeli disputes. Dealing with Lebanon is an urgent priority but, alone, will not suffice; the Lebanese conflagration is intimately related to broader regional issues which, if not addressed, risk pushing the Middle East over the brink. Likewise, it will be hard to achieve stability in the Middle East without a peaceful resolution of the Iranian nuclear question and a broader U.S./Iranian dialogue;
     
  • provide from the outset a clear political horizon as well as a credible means of getting there. The goal must be unambiguously stated as security and full recognition of the state of Israel within internationally recognised borders, an end to the occupation for the Palestinian people and an independent, sovereign state based on the 1967 borders with East Jerusalem as its capital, a just resolution of the refugee issue, recovery of lost land by Syria and a fully sovereign and secure Lebanese state;
     
  • be realistic and reflect conditions on the ground, in other words begin with what is achievable: a mutual ceasefire between Israelis and Palestinians, coupled with steps to allow the Palestinian government to govern and the Palestinian economy to revive;
     
  • build on existing, accepted instruments, such as the Quartet, but give them a more inclusive character, greater oversight and facilitating role and ensure that European and Arab actors seize the initiative rather than await an increasingly unlikely U.S. reawakening; and
     
  • involve far greater engagement of Arab states, which have both an incentive to reach a settlement (to boost their legitimacy and prove that diplomacy, not armed action, works) and a means to do so (the ill-utilised 2002 Arab League Initiative in Beirut, which calls for full normalisation with Israel in exchange for its full withdrawal).

The Middle East is immersed in its worst crisis in years with no stable resolution in sight. Observers and analysts are quick to point out that circumstances are far from ideal for an Arab-Israeli initiative. They are right. But time for a negotiated settlement is quickly running out.

Jerusalem/Amman/Brussels, 5 October 2006

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