Report / Middle East & North Africa 4 minutes

Relancer les négociations israélo-syriennes

Brutalement interrompues en 2000, les négociations syro-israéliennes sont loin d’être à l’ordre du jour.

  • Share
  • Enregistrer
  • Imprimer
  • Download PDF Full Report

Synthèse

Brutalement interrompues en 2000, les négociations syro-israéliennes sont loin d’être à l’ordre du jour. Il est pourtant urgent de relancer ces négociations, qui auraient une réelle chance d’aboutir. Les obstacles semblent décourageants, par exemple un gouvernement israélien faible ou la tentative par l’administration américaine d’isoler la Syrie sur la scène internationale. Cependant, le président syrien Bachar Al-Assad a affirmé à plusieurs reprises son souhait de reprendre les pourparlers et, lors de récentes conversations avec Crisis Group à Damas, de hauts responsables ont précisé que ceux-ci pourraient avoir lieu sans conditions préalables, levant ainsi l’un des principaux obstacles à la reprise du dialogue. Des négociations de paix entre Israël et la Syrie modifieraient en profondeur l’atmosphère dans la région ; un accord de paix entre ces deux pays la transformerait fondamentalement. Mais il n’est pas certain que cette occasion reste longtemps à portée de main, aussi faut-il ne pas la laisser passer.

Le conflit entre Israël et la Syrie n’est plus le plus coûteux (la frontière entre les deux est la plus calme depuis 1974) mais il n’en reste pas moins dommageable. Il a pris la forme de guerres sanglantes par pays interposés, se déroulant sur le territoire libanais et mettant en jeu à la fois des groupes libanais et palestiniens, et bien des occasions ont été manquées par sa faute. Ce conflit a en général empêché une normalisation des relations d’Israël avec le monde arabe et a contribué à maintenir une tension dans la région qui pourrait dégénérer (directement ou, encore une fois, à travers le Liban) en un nouveau conflit armé.

En Israël, un gouvernement discrédité par son action durant la guerre du Liban et éclaboussé par une myriade de scandales y réfléchira à deux fois avant de s’attaquer au puissant lobby des colons, soutenu par un public qui s’est habitué à avoir le contrôle du plateau du Golan et ne voit pas quel intérêt il aurait à s’en séparer et dont la suspicion à l’égard du régime syrien (qui a fourni des roquettes au Hezbollah) s’est accrue avec la guerre du Liban. Contrairement à ce qui était communément admis dans les années 1990, le retrait du Golan, relativement calme, rencontrerait probablement une plus forte opposition publique qu’un retrait d’une Cisjordanie pesante, théâtre de violences récurrentes.

L’hostilité des États-Unis face à toute forme de dialogue avec Damas (à l’exception récente et limitée de la conférence régionale sur l’Irak) est un autre obstacle de taille. Malgré ses dénégations, tout semble indiquer que Washington a fait part à Jérusalem de son opposition à une reprise des négociations avec la Damas ; selon les Américains, la Syrie en profiterait pour sortir de son isolement, pour camoufler une nouvelle ingérence dans les affaires internes libanaises et détourner l’attention de l’enquête en cours sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri. Pour les responsables américains, si les Syriens aimeraient bien récupérer le plateau du Golan, ils veulent désespérément reprendre le Liban ; puisque ce n’est pas une chose à laquelle Washington est prête à consentir, il y a peu de chances que les discussions aboutissent. De leur côté, étant donné les relations très tendues qu’ils entretiennent avec la Syrie, même les principaux pays arabes comme l’Arabie saoudite et la Jordanie auraient en privé déconseillé aux États-Unis de faire quoi que ce soit qui relâche la pression sur Damas.

Face à cet ensemble de facteurs nationaux et internationaux et en raison du scepticisme qu’il nourrit à l’égard des intentions de la Syrie, Israël a subordonné tout dialogue avec ce pays à un changement significatif préalable des politiques syriennes : la Syrie devrait rompre ses liens avec le Hamas, mettre fin à l’assistance qu’elle apporte au Hezbollah et modifier radicalement ses relations avec l’Iran.

Il s’agit d’une erreur qui est en passe de se traduire rapidement en une occasion manquée. En mars 2007, Crisis Group a pris part à une série de discussions à haut niveau en Israël et en Syrie afin d’évaluer les positions des deux parties ainsi que les perspectives de relance des pourparlers. Si la réticence officielle d’Israël aux négociations était évidente, elle a décliné rapidement tant parmi les hauts responsables militaires et des renseignements que des membres de l’establishment politique qui ont reconnu l’intérêt de tester la volonté d’ouverture de la Syrie ainsi que les risques qu’il y aurait à les ignorer. En Syrie, l’engouement pour des pourparlers de paix a quelque peu diminué – du fait des rebuffades répétées d’Israël et parce qu’il s’agit de ne pas sembler quémander – mais il demeure néanmoins présent. Surtout, les responsables damascènes ont démontré de façon très claire qu’ils reprendraient les négociations sans imposer aucune condition et que la position régionale de la Syrie et ses relations avec le Hamas, le Hezbollah et l’Iran changeraient inévitablement après la signature d’un accord de paix. En d’autres termes, Israël pourrait éventuellement obtenir ce qu’il exige mais seulement dans le cadre d’un accord final et non en tant que condition préalable à celui-ci.

Même en supposant que c’est davantage le processus que le résultat qui intéresse la Syrie (ce qui est en soi une supposition discutable), le simple fait que les Syriens négocient avec les Israéliens aura des répercussions dans une région où l’opinion populaire est de moins en moins prête à accepter le droit d’Israël à exister. L’ouverture d’un processus de paix affecterait également le comportement des mouvements militants proches de la Syrie ; le Hamas et le Hezbollah ne sont pas que de simples instruments de la politique syrienne – ils sont experts pour lire une carte de la région et adapteraient sans doute leurs politiques pour répondre aux signes d’une relation israélo-syrienne changeante. Il en va de même pour l’Iran : il serait improbable que la Syrie rompe ses liens avec son plus proche allié depuis vingt ans mais Téhéran devrait nécessairement adapter son comportement face à la perspective d’un accord de paix.

Une reprise des pourparlers avec la Syrie est d’autant plus indispensable étant donné les efforts qui sont en cours pour relancer l’initiative de paix arabe (dite « de Beyrouth ») adoptée lors du sommet de la Ligue arabe du 28 mars 2007. Les États-Unis et Israël pourraient préférer donner la priorité au dialogue avec les Palestiniens plutôt qu’avec les Syriens. Mais l’absence d’un dialogue avec des derniers aura inévitablement un impact négatif sur le dialogue avec les Palestiniens : Damas dispose de divers moyens pour enrayer les pourparlers entre Israéliens et Palestiniens, que ce soit en encourageant le Hamas ou le Jihad islamique à recourir à la violence, en critiquant bruyamment les concessions faites par les Palestiniens ou, dans l’éventualité d’un accord de paix, en gênant la tenue d’un référendum parmi les réfugiés palestiniens en Syrie. De même, à moins qu’il ne passe un accord avec la Syrie, Israël ne peut obtenir la normalisation de ses relations avec le monde arabe, pourtant un objectif principal sans lequel ses dirigeants auront de grandes difficultés à convaincre leur opinion publique d’approuver les concessions historiques faites aux Palestiniens.

Les grandes lignes d’une solution sont désormais bien connues. Crisis Group les avaient présentées dans un rapport en 2002 et reprises récemment dans le cadre d’une initiative de paix non officielle mettant en jeu deux citoyens israélien et syrien. Dans ces conditions, il est difficile pour Israël de justifier de remettre à plus tard des pourparlers de paix et plus encore pour les États-Unis de s’y opposer.

Jérusalem/Damas/Washington/Bruxelles, 10 avril 2007

Executive Summary

Abruptly interrupted in 2000, Israeli-Syrian negotiations seem only a distant possibility but a renewal is urgent and would have a real chance of success. The obstacles appear daunting, including a weak Israeli government and a U.S. administration intent on isolating Syria. However, Syria’s President Bashar repeatedly has stated his desire to resume talks, and in recent conversations with Crisis Group in Damascus, senior officials have clarified these could take place without any precondition – thereby removing what had been a principal hindrance. Peace negotiations between Israel and Syria would profoundly alter the regional atmosphere; a peace deal between them would fundamentally transform it. This opportunity may not last long and should not be wasted.

The conflict between Israel and Syria is no longer the costliest – the border has been Israel’s quietest since 1974 – but it is harmful all the same. It has taken the shape of bloody proxy wars, involving Lebanese territory and both Lebanese and Palestinian groups, and the opportunity costs have also been substantial. It has prevented broader normalisation of Israel’s relations with the Arab world and helped maintain regional tension which could degenerate – directly or, once again, through Lebanon – into another armed conflict.

In Israel, a government discredited by its performance in the Lebanon war and tarred by myriad scandals will think long and hard before taking on the powerful settler lobby backed by a public that has grown accustomed to controlling the Golan Heights, sees little incentive to part with it and whose suspicion of the Syrian regime – which has provided rockets to Hizbollah – has grown with the Lebanon war. Contrary to the conventional wisdom of the 1990s, withdrawal from the relatively quiet Golan today likely would trigger stronger public opposition than would withdrawal from a violent and burdensome West Bank.

U.S. hostility to any dialogue with Damascus – with the recent, limited exception of the regional conference on Iraq – is a further significant obstacle. Although Washington denies it, there is every indication it has signalled to Jerusalem its opposition to resumed negotiations with Damascus which, in its view, Syria would use to break out of isolation, cover up greater intrusion in Lebanese affairs and shift focus away from the investigation into former Lebanese Prime Minister Rafiq Hariri’s assassination. As U.S. officials see it, Damascus might like to recover the Golan but desperately wants to recover Lebanon; since that is not something Washington is prepared to concede, there is little to be gained by discussions. Given their highly strained relations with Syria, even leading Arab countries such as Saudi Arabia and Jordan are said to have privately counselled the U.S. against any move that would relieve pressure on Damascus.

As a result of these domestic and foreign factors, and due to scepticism regarding Syria’s intentions, Israel has conditioned any dialogue on broad, prior change in Syria’s policies: cutting ties to Hamas, halting any assistance to Hizbollah and fundamentally altering its relationship with Iran.

This is a mistake which is fast on its way to becoming a missed opportunity. In March 2007, Crisis Group engaged in a series of high-level discussions in Israel and Syria in order to assess the two parties’ positions and the prospects for renewed talks. While official resistance to negotiations was clear in Israel, it waned rapidly among both senior military and intelligence figures and members of the political establishment who recognised the value of testing Syria’s overtures and the risks entailed in ignoring them. In Syria, appetite for peace talks may have diminished – a function of repeated Israeli rebuffs and of unwillingness to appear to be begging – but persists nonetheless. Most importantly, officials in Damascus provided their clearest indication to date both that they would resume negotiations without any precondition and that the country’s regional posture and relationships with Hamas, Hizbollah and Iran inevitably would change following a peace deal. In other words, what Israel demands could potentially be achieved, but only as part of a final deal, not as preconditions for it.

Even assuming Syria is more interested in the process than the outcome – itself a debatable proposition – the mere fact of Syrians negotiating with Israelis would produce ripple effects in a region where popular opinion is moving away from acceptance of Israel’s right to exist. The onset of a peace process also would affect the behaviour of militant movements close to Syria; Hamas and Hizbollah are not mere tools of Syrian policy but they are adept at reading the regional map and would likely adapt their policies in response to signs of a changing Syrian-Israeli relationship. The same holds for Iran: Syria would be unlikely to break ties with its closest ally for two decades but Tehran would have to adjust its behaviour as it faced the prospect of a peace agreement.

Resuming talks with Syria is all the more imperative given ongoing efforts to revive the Arab (Beirut) peace initiative in the wake of the 28 March 2007 Arab League summit. While both the U.S. and Israel may prefer to give precedence to the Palestinian over the Syrian track, lack of movement on the latter inevitably will hamper the former. Damascus possesses multiple ways of undermining Israeli-Palestinian talks, whether by encouraging Hamas or Islamic Jihad to resort to violence; vocally criticising Palestinian concessions; or, in the event of a peace deal, obstructing the holding of a referendum among Palestinian refugees in Syria. Likewise, unless it makes a deal with Syria, Israel cannot achieve normalisation with the Arab world – a core objective without which its leaders will find it far more difficult to convince their public to endorse historic concessions to the Palestinians.

The outlines of a solution by now are well known. They were put forward in a 2002 Crisis Group report and recently restated in the context of an unofficial peace initiative involving two private Israeli and Syrian citizens. Under such conditions, there is little justification for Israel to put off peace talks – and even less justification for the U.S. to oppose them.

Jerusalem/Damascus/Washington/Brussels, 10 April 2007

Subscribe to Crisis Group’s Email Updates

Receive the best source of conflict analysis right in your inbox.