Report / Europe & Central Asia 3 minutes

Le désir d’indépendance du Monténégro

Il est fort probable que les monténégrins se prononcent en faveur d’une séparation de l’Union de la Serbie-Monténégro en avril 2006. Il est temps pour l’Union européenne, dont la diplomatie en 2001-2002 a été à l’origine de cette confédération manifestement dysfonctionnelle, d’annoncer clairement qu’elle acceptera la décision des monténégrins quelle qu’elle soit et d’encourager ceux qui s’opposent à l’indépendance à participer au référendum.

Synthèse

Il est fort probable que les monténégrins se prononcent en faveur d’une séparation de l’Union de la Serbie-Monténégro en avril 2006. Il est temps pour l’Union européenne, dont la diplomatie en 2001-2002 a été à l’origine de cette confédération manifestement dysfonctionnelle, d’annoncer clairement qu’elle acceptera la décision des monténégrins quelle qu’elle soit et d’encourager ceux qui s’opposent à l’indépendance à participer au référendum. À un moment où la communauté internationale doit se concentrer sur la résolution du statut du Kosovo, il est important pour l’UE de ne pas sembler apporter un quelconque soutien, involontaire ou non, aux forces nationalistes serbes. Celles-ci sont encore dangereuses et pourraient se risquer à mener des actions déstabilisantes non seulement pour le Monténégro mais aussi pour l’ensemble de la région.

La Charte constitutionnelle de l’Union d’États de Serbie-Monténégro du 4 février 2003 permet à chacune des parties d’entamer des procédures pour obtenir son indépendance et ce dès février 2006. Les sondages d’opinion au Monténégro indiquent que les forces en faveur de l’indépendance devraient être majoritaires, encore qu’on ne puisse avoir aucune certitude. L’Union semble ne trouver d’écho favorable dans aucun des deux États qui la composent mais la question de l’indépendance reste un sujet sensible tant pour des raisons émotionnelles et nationalistes que du fait de l’incertitude liée aux droits de propriété et concernant la retraite des citoyens de l’une de ces deux républiques qui résident dans l’autre. Il s’agit aussi d’un sujet sensible sur le plan international étant donné les incertitudes quant à l’impact que l’indépendance pourrait avoir sur: le climat politique dans une Serbie encore profondément nationaliste et qui a grandement besoin de se réformer; le climat politique et constitutionnel dans une Bosnie-Herzégovine toujours fragile; et le climat diplomatique qui entoure les négociations sur le Kosovo qui viennent de débuter.

Ceci mis à part, le Monténégro a fait un certain nombre de progrès pour lesquels il mérite le droit de prendre ses propres décisions en dehors de toute pression extérieure. C’est la seule république de l’ancienne Yougoslavie qui ait formé un gouvernement véritablement multiethnique sans conflit interne. C’est également le seul pays à s’être porté volontaire pour prendre en charge des réparations après les guerres des années 1990. Il entretient de bonnes relations avec ses voisins le Kosovo, la Bosnie et la Croatie. Son économie est en grande partie autosuffisante depuis 1999 et ses réformes (privatisation, restitution des propriétés nationales et ajustement du secteur bancaires) sont bien en avance par rapport à celles de la Serbie, comme le prouve son taux supérieur d’investissement privé étranger par habitant. Ces différences se reflètent dans les évaluations officielles de l’UE et dans les processus parallèles de stabilisation et d’association récemment mis en place par l’UE. Le gouvernement monténégrin semble aussi faire des efforts pour combattre le crime organisé, qui préoccupe depuis longtemps la communauté internationale. À Podgorica, on estime que cette occasion d’avancer plus vite vers l’adhésion à l’UE est prise en otage par les politiques serbes, souvent rétrogrades.

Dans ce contexte, les voisins du Monténégro (en dehors de la Serbie), les États-Unis et un certain nombre d’États membres de l’UE semblent prêts à accepter les résultats du référendum: le Monténégro semble remplir les critères que l’UE a utilisés pour reconnaître les autres républiques de l’ancienne Yougoslavie et il a agi comme un État indépendant de facto depuis 1999. Mais d’autres États membres, de même que l’appareil de politique étrangère du Conseil et de la Commission européenne, demeurent préoccupés par les implications qu’auraient l’indépendance au point d’inciter la Commission de Venise du Conseil de l’Europe à repousser l’annonce des pré-conditions pour le référendum, estimant qu’elles auraient des conséquences sur le processus de stabilisation et d’association, encourageant par là l’opposition anti-indépendance, au moins tacitement.

Tout effort de geler la question de l’indépendance avant que le statut final du Kosovo ne soit résolu risque de répéter les erreurs du début des années 1990, quand la réticence occidentales à faire face à l’éclatement imminent de la Yougoslavie encourageait les extrémistes. Certains signes montrent que des éléments nationalistes serbes, tant à Belgrade que dans l’opposition anti-indépendance au Monténégro, interprètent le malaise de l’UE comme un feu vert pour rejeter le dialogue avec le gouvernement, boycotter le référendum et peut-être recourir à la violence. Certains examinent la possibilité pour une région serbe autonome de faire sécession à l’intérieur du Monténégro, une idée qui n’est pas sans rappeler les prémisses des guerres de Bosnie et de Croatie.

L’indépendance du Monténégro comporte des risques. Sans doute le plus grave d’entre eux est que la réaction immédiate de la Serbie pourrait donner l’avantage aux éléments les plus extrémistes de la République. Toutefois, sur le plus long terme, une résolution du statut du Monténégro (de même que de celui du Kosovo) devrait contribuer à la stabilité régionale en encourageant la Serbie à se concentrer enfin sur ses propres problèmes. Elle pourrait commencer par mener à bien les réformes annoncées de l’armée et des services de sécurité et mettre fin à l’utilisation des ports monténégrins pour la contrebande d’armes, d’immigrants et d’autres biens à destination de l’UE.

Dans tous les cas de figure, l’UE doit envoyer un message clair et cohérent. Elle doit montrer qu’elle est disposée à accepter la décision des monténégrins concernant leur future, quelle qu’elle soit, à condition que le vote soit transparent et démocratique et qu’il respecte les normes internationales reconnues.

Belgrade/Podgorica/Bruxelles, 7 décembre 2005

Executive Summary

Montenegrins are more likely than not to vote in April 2006 to break away from the State Union of Serbia and Montenegro. It is time for the European Union, whose diplomacy in 2001-2002 created the manifestly dysfunctional confederation, to make clear that it will accept whatever decision Montenegro’s citizens make, and encourage those opposing independence to participate peacefully in the referendum process. At a time when the international community needs to concentrate on resolving Kosovo’s status, it is important for the EU not to be seen as giving any comfort, inadvertently or otherwise, to those still-dangerous Serbian nationalist forces who may be prepared to risk potentially destabilising actions, not only in Montenegro but elsewhere in the region.

The State Union’s Constitutional Charter of 4 February 2003 permits either party to begin independence procedures as early as February 2006. Opinion polls in Montenegro suggest that pro-independence forces are likely to prevail, though that is not a foregone conclusion. The State Union appears to be equally unpopular in each of its constituent parts. But the independence question remains sensitive domestically both for nationalist and emotional reasons, and because of uncertainty about property and pension rights for the many citizens of one republic who live in the other. And it remains sensitive internationally because of questions about how it would affect the political climate in a still highly nationalist and significantly unreformed Serbia, the political and constitutional climate in a still fragile Bosnia and Herzegovina, and the diplomatic climate around the Kosovo negotiations that have just begun.

Those sensitivities notwithstanding, Montenegro has taken major steps to earn the right to make its own decision free of outside pressure. It is the only republic of the former Yugoslavia that has formed a genuinely multi-ethnic government without internal conflict. It is also the only one to volunteer reparations for the wars of the 1990s, and it enjoys good relations with its neighbours, including Kosovo, Albania, Bosnia and Croatia. Its economy has been largely self-sufficient since 1999, and its reforms – privatisation, restitution of nationalised property and banking sector adjustments – are well ahead of Serbia’s, as demonstrated by higher per capita foreign private investment. These differences are reflected in official EU assessments and in the twin-track Stabilisation and Association process the EU recently established. The Montenegrin government also appears to be cleaning up its act with respect to organised crime, which has long caused international concern. There is a strong feeling in Podgorica that its opportunity to advance faster toward EU membership is held hostage to Serbia’s often retrograde policies.

Against this background, Montenegro’s neighbours (other than Serbia), the U.S. and a number of EU member states appear relaxed about accepting a referendum’s results: Montenegro seems objectively to fulfil the requirements the EU used when it recognised the independence of other former Yugoslav republics, and it has operated as a de facto independent state since 1999. But other EU member states and the foreign policy apparatus of the Council and the European Commission remain concerned about independence implications, to the point of pressing the Council of Europe’s Venice Commission to delay pronouncing on preconditions for the referendum, threatening consequences in the Stabilisation and Association process, and at least tacitly encouraging the anti-independence opposition.

Any effort to freeze the Montenegrin independence issue until Kosovo’s final status is worked out would risk repeating the mistakes of the early 1990s, when Western reluctance to face up to the impending break-up of Yugoslavia encouraged extremists. Already there are indications that Serbian nationalist elements, in both Belgrade and Montenegro’s anti-independence opposition, interpret EU discomfort as a green light to reject dialogue with the government, boycott a referendum and possibly resort to violence. There are signs that some elements are discussing the organisation of a secessionist Serbian Autonomous Region inside Montenegro, a move reminiscent of the precursors to the wars in Bosnia and Croatia.

There are risks in Montenegrin independence: probably the most serious of them is that the immediate reaction in Serbia could be to the political advantage of that republic’s most extreme elements. However, at least from a slightly longer-term perspective, resolving Montenegro’s status definitively (likewise Kosovo’s) would be likely on balance to contribute to regional stability by encouraging Serbia – its most essential potential component – to concentrate at last on its own internal problems, beginning by finally carrying through advertised reforms of the military and security services as well as halting the army’s practice of using Montenegrin ports for smuggling weapons, immigrants and other goods into the EU.

In any event, the EU needs to begin sending a consistent message that should include the basic point that it is prepared to accept whatever decision Montenegro’s citizens make about their future – provided it is done transparently and democratically, pursuant to internationally accepted standards.

Belgrade/Podgorica/Brussels, 7 December 2005

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