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Burundi : conclure la paix avec les FNL

En quelques années à peine, le Burundi a accompli des progrès substantiels en matière d’apaisement des relations interethniques et de démocratisation de son espace politique. Ces avancées ont été rendues possibles grâce à la volonté des Burundais eux-mêmes, qui ont su agir dans un esprit d’unité et de compromis mais aussi grâce à un fort investissement de la communauté internationale dans le processus d’Arusha.

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Synthèse

En quelques années à peine, le Burundi a accompli des progrès substantiels en matière d’apaisement des relations interethniques et de démocratisation de son espace politique. Ces avancées ont été rendues possibles grâce à la volonté des Burundais eux-mêmes, qui ont su agir dans un esprit d’unité et de compromis mais aussi grâce à un fort investissement de la communauté internationale dans le processus d’Arusha. L’intégration au sein des nouvelles forces nationales de défense et de sécurité des troupes de l’ancien gouvernement et des anciens rebelles du Conseil national pour la défense de la démocratie- Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD) a contribué, de manière significative, à consolider la paix. Toutefois, le processus de paix reste fragile. Pour tourner la page des années de guerre civile, renforcer les institutions démocratiques et poser les bases d’un véritable État de droit, il est nécessaire de conclure un véritable accord de paix avec le dernier mouvement rebelle encore actif sur le territoire, le Parti pour la libération du peuple hutu – Forces nationales de libération (PALIPEHUTU-FNL) d’Agathon Rwasa. Ce mouvement n’est plus en mesure de relancer une guerre dans le pays mais il reste une source d’insécurité dans plusieurs provinces de l’Ouest où il est fortement implanté.

Comme l’a montré la crainte d’une reprise du conflit, suite au départ précipité de la délégation du PALIPEHUTU-FNL de Bujumbura, les 21-23 juillet 2007, le non règlement de cette question ne permet pas au pays de tourner la page de la guerre. À l’intérieur du pays, la présence des Forces nationales de libération (FNL) sert de prétexte aux services de sécurité pour commettre toute sorte d’abus et d’atteintes aux droits humains. Plus grave, le problème des FNL tend à se politiser et à devenir l’un des éléments de la crise politique qui affecte, depuis le mois de mars 2007, les relations entre la présidence et le Parlement. À brève échéance, il pourrait être utilisé par certains durs du régime pour justifier le recours à des mesures d’exception, fragilisant d’autant les fondations de la toute jeune démocratie burundaise. S’il n’est pas réglé dans l’année, le problème posé par les FNL pourrait devenir un élément perturbateur dans la préparation des futures élections de 2010 et limiter l’exercice des libertés publiques, durant la campagne électorale.

Les efforts entrepris, depuis plus de deux ans, par la communauté internationale pour obtenir la conclusion et la mise en œuvre d’un accord de paix entre le gouvernement et le PALIPEHUTU-FNL n’ont pas, jusqu’ici, connu les résultats escomptés. Ceci s’explique par la difficulté de traiter avec un mouvement rebelle enfermé dans une lecture ethniciste du conflit burundais, déstabilisé par l’arrivée d’un mouvement politique hutu, le CNDD-FDD, à la tête du gouvernement, et persuadé que le temps joue en sa faveur du fait du retour à venir de 350 000 réfugiés de Tanzanie. Cela tient également à l’attitude du gouvernement qui, fort de sa légitimité électorale mais affaibli par des divisions internes et une crise politique avec l’opposition parlementaire, a tendance à privilégier une solution militaire au conflit et à rejeter toute nouvelle concession politique.

La communauté internationale doit se remobiliser et agir rapidement afin d’éviter que la situation ne dégénère davantage. Elle doit admettre que les négociations avec les FNL sont aujourd’hui dans une impasse et qu’il convient de les relancer en accompagnant davantage le processus sur le plan diplomatique. La Commission de consolidation de la paix des Nations unies, qui a fait de l’application effective de l’accord de cessez-le-feu avec le PALIPEHUTU-FNL l’un des objectifs prioritaires de son cadre stratégique pour le Burundi, doit rechercher, en partenariat avec le gouvernement, les moyens de faciliter la mise en œuvre de l’accord. La reconfiguration des équipes de négociation du gouvernement et du mouvement rebelle sont nécessaires. La mise en place d’une nouvelle équipe de facilitation, présidée par une Haute personnalité ayant la possibilité de se consacrer à temps plein à l’avancée des discussions, et travaillant en étroite concertation avec la communauté diplomatique locale (notamment les pays de l’Initiative régionale, l’Union africaine et l’Organisation des nations unies) permettraient d’accroître la pression sur les parties.

La facilitation devrait obliger le PALIPEHUTU-FNL à formuler de manière précise et définitive les revendications qu’il a, jusqu’ici, mises en avant pour justifier son refus de mettre en œuvre l’accord de cessez-le-feu du 7 septembre 2006. Tout en veillant au respect de la Constitution, le gouvernement et la facilitation devraient faire preuve de souplesse et voir comment satisfaire les demandes répétées de garanties du PALIPEHUTU-FNL, en matière d’intégration dans les corps de défense et de sécurité et d’intégration dans les institutions politiques. Une fois l’accord signé, le PALIPEHUTU-FNL devrait être mis face à ses responsabilités et procéder au désarmement sous peine d’être soumis à un régime de sanctions régionales et internationales sévères.

Nairobi/Bruxelles, 28 août 2007

Executive Summary

Burundi has made relatively rapid, substantial progress in democracy and easing of inter-ethnic tensions, due to its citizens desire to embrace national unity and compromise, as well as the international community’s heavy involvement in the Arusha peace process. Integration of former government security forces and CNDD-FDD rebels in a new national defence force contributed significantly to consolidating peace. However, the peace process remains fragile. To move beyond the long civil war, strengthen democratic institutions and ensure respect for the rule of law, a genuine peace agreement is needed with the PALIPEHUTU-FNL, the last active rebel group, which is not strong enough to fight a new war but remains a power in most western provinces. This requires a new commitment by the government to a negotiated solution, not a military one, and a revived facilitation effort especially by regional states.

The country needs a genuine peace agreement to put the conflict behind it, as evidenced by the fact that the rebel delegation’s hasty departure from Bujumbura in July 2007 precipitated widespread fear fighting would resume. The security forces use the presence of the rebels’ armed wing (the FNL) in the countryside to excuse abuses and human rights violations. Moreover, the FNL problem is becoming a factor in the political crisis, which emerged in March due to tensions between the presidency and parliament. In the short term, government hardliners could use the absence of a peace agreement to justify suspending civil liberties, thus weakening the foundations of the nascent democracy. If not addressed before the end of this year, the lack of peace could become a destabilising factor in preparations for the 2010 elections and serve as a pretext for limitations on political freedoms during the campaign.

International efforts over two years on behalf of an implementable peace agreement between the government and the PALIPEHUTU-FNL have not succeeded. This is partly due to the difficulties of dealing with an insurgency that retains its ethnic reading of the conflict, has been thrown off balance by the electoral victory of its rival Hutu-dominated movement – the CNDD-FDD – and is convinced the eventual return of 350,000 refugees from Tanzania among whom it has important support, means time is on its side. It is also linked to the inflexibility of the CNDD-FDD government, which feels both empowered by its electoral victory and weakened by internal divisions and the crisis with the political opposition, so is tempted to refuse concessions and give priority to a military solution.

The international community should mobilise immediately to prevent further deterioration. To begin with, it should acknowledge that negotiations with the FNL are at an impasse and must be re-launched with more emphasis on the political process. The United Nations (UN) Peacebuilding Commission, which has included completion of the ceasefire agreement with the PALIPEHUTU-FNL among the priorities of the Burundi strategic framework, should consider how to facilitate, in cooperation with the government, the implementation of that agreement. Several steps could help revive the process and increase pressure on the parties:, including reconfiguration of the negotiating delegations; and dispatch of a new facilitation team led by a prominent diplomat dedicated exclusively to the negotiations, who would work closely with the local diplomatic community, countries from the Regional Peace Initiative on Burundi (Regional Initiative), the African Union (AU) and the UN.

The facilitation should push the PALIPEHUTU-FNL to give precision to demands that so far have been used in a general way only, to justify refusal to implement the 7 September 2006 ceasefire agreement. While respecting the constitution, the government and the facilitation should show flexibility in finding ways to address the rebels’ repeated demands for guarantees regarding integration into the security forces and political institutions. Once an agreement has been signed, the PALIPEHUTU-FNL must be pressed to respect its commitments and begin disarmament, and the regional states and wider international community must be prepared to impose serious sanctions if it does not.

Nairobi/Brussels, 28 August 2007

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