What’s Left of Sudan After a Year At War?
What’s Left of Sudan After a Year At War?
Op-Ed / Africa 3 minutes

N'oublions pas le Darfour

En 2004, un homme du camp de déplacés d’Abu Shok, au Darfour, confiait : « La tente dans laquelle je vis est toute petite mais je suis prêt à y passer le reste de ma vie. Je ne veux pas quitter le camp tant qu’il n’y aura pas la paix et je pense que cela prendra du temps. La guerre au Sud-Soudan a duré plus de vingt ans ».

Dix ans plus tard, il vit toujours à Abu Shok. Les combats continuent au Darfour et ont repris au Kordofan du Sud voisin ainsi que dans l’état du Nil bleu. Quant au Soudan du Sud, dont l’indépendance était censée mettre fin à des décennies de conflit, la guerre y a repris de plus belle.

Le conflit interne au Soudan du Sud risque, de nouveau, de reléguer le Darfour loin des priorités internationales. Ce serait une erreur, car les conflits de l’ancien Soudan restent liés, et les traiter séparément est voué à l’échec, comme l’a démontré l’incapacité de la communauté internationale à régler la question du Darfour isolément du reste du pays.

Le conflit au Darfour n’a jamais cessé d’évoluer : les attaques des « Janjawid » – ces milices pro-gouvernementales essentiellement arabes – contre les communautés non-arabes continuent, mais la plupart des affrontements mettent désormais aux prises les milices arabes elles-mêmes. Rien qu’en 2013, les combats, qui pour la plupart prolongent d’anciennes rivalités pour le contrôle de la terre et du pouvoir local, ont déplacé plus de 450 000 personnes. Ce qui est nouveau, ce sont les armes lourdes utilisées.

Le gouvernement paie aujourd’hui le prix de ses choix passés : armer certaines tribus et tribaliser les structures administratives. Les arabes du Darfour sont de plus en plus mécontents du pouvoir central.  La crise économique fait qu’il devient difficile pour Khartoum de continuer à acheter la loyauté de ses supplétifs locaux. Alors même que ses anciens alliés s’affrontent, le gouvernement n’a pas fait grand-chose pour s’interposer, par crainte de pousser l’une des parties dans les bras de la rébellion – mais l’inaction risque de tourner tous les belligérants contre Khartoum. A cause de craintes semblables, le gouvernement s’avoue incapable de désarmer les milices comme il s’y était engagé.

Au-delà des responsabilités du régime, la communauté internationale a elle aussi largement échoué à mettre en pratique sa « responsabilité de protéger » les civils. La force de maintien de la paix « hybride » de l’Union africaine et des Nations unies, la MINUAD, a subi de nombreuses attaques et s’est montrée incapable d’empêcher les milices d’exécuter des civils sous ses yeux.

Les sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU ont été totalement inefficaces. L’embargo sur les armes n’est pas respecté, et l’interdiction des attaques aériennes n’existe que sur le papier. Jusqu’à présent, seulement quatre personnes ont été sanctionnées pour avoir attaqué des civils ou des forces de maintien de la paix, ou pour avoir violé le cessez-le-feu mort-né de 2004. Les membres du Conseil de sécurité sont tout simplement incapables de se mettre d’accord sur des noms à ajouter à la liste. Tout comme ils ne parviennent pas à s’entendre sur quoi que ce soit qui concerne le Soudan.

Ainsi, la Chine et la Russie ont récemment empêché l’inclusion dans une résolution d’un texte clair en faveur d’un processus politique national. Les deux pays s’opposent aussi depuis longtemps aux tentatives américaines d’utiliser le « bâton » pour faire davantage pression sur Khartoum, mais ce n’est pas pour autant que les membres permanents du Conseil de sécurité s’accordent davantage sur de possibles « carottes ». Ces dernières, par exemple un allégement de la dette ou une levée des sanctions économiques, voire même un sursis de la procédure de la Cour pénale internationale (CPI) à l’encontre du président El-Béchir, pourraient pourtant pousser le gouvernement à ouvrir un dialogue national qui inclue toutes les forces d’opposition.

Les principaux acteurs internationaux sont incapables de faire un choix entre leur soutien à la CPI et la nécessité de dialoguer avec le président El-Béchir afin de trouver une solution durable à la crise.

Comme l’Union africaine l’a reconnu en 2009, la crise du Darfour est un problème national. Mais nombre d’acteurs demeurent ambivalents quant à une solution globale. A titre d'exemple, le Document de Doha pour la paix au Darfour, signé au Qatar en 2011, tente de limiter la crise à sa dimension locale, et d’éviter que les revendications darfouriennes ne s’étendent à d’autres périphéries marginalisées du Soudan. Pourtant, comme d’autres accords locaux, le document comprend des dispositions – telles que des mesures pour réduire les écarts de développement entre le centre et les périphéries – qui n’ont de sens que si elles sont appliquées à l’échelle nationale.

Nombreux sont ceux, à Khartoum, qui craignent que des concessions faites au Darfour ne conduisent à sa séparation, comme cela s’est produit, selon eux, avec le Soudan du Sud. En réalité, c’est l’intransigeance du gouvernement et son incapacité à « rendre l’unité attractive » qui ont conduit les Sud-Soudanais à voter en faveur de l’indépendance. La multiplication des accords locaux de partage du pouvoir menace l’unité nationale. Pourtant, les Darfouriens se sentent encore soudanais. Et le naufrage actuel du Soudan du Sud ne rend pas la sécession particulièrement attractive.

Le changement à Khartoum est maintenant le slogan des rebelles du Darfour qui ont rejeté l’accord de Doha et se sont unis avec ceux qui se battent au Kordofan du Sud et au Nil bleu, pour former le Front révolutionnaire du Soudan (SRF). Plus qu’une menace militaire, le SRF devrait être vu comme une chance pour la paix, et comme l’indispensable partenaire d’un dialogue national et peut-être d’un gouvernement de transition à former avec le Parti du congrès national actuellement au pouvoir. L’enjeu n’est rien de moins que l’unité de ce qui reste du Soudan.

Contributors

Former President & CEO
Former Senior Analyst, Sudan

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