Report / Africa 2 minutes

Côte d'Ivoire : faut-il croire à l’accord de Ouagadougou ?

L’accord de paix conclu le 4 mars 2007 à Ouagadougou entre Laurent Gbagbo et Guillaume Soro constitue un tournant majeur dans la résolution du conflit armé en Côte d’Ivoire, mais ne représente qu’un premier pas dans la bonne direction.

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Synthèse

L’accord de paix conclu le 4 mars 2007 à Ouagadougou entre Laurent Gbagbo et Guillaume Soro constitue un tournant majeur dans la résolution du conflit armé en Côte d’Ivoire, mais ne représente qu’un premier pas dans la bonne direction. Tous les Ivoiriens qui souhaitent une paix durable doivent maintenant se mobiliser pour exiger du gouvernement de transition la délivrance effective des titres d’identité prévus, la récupération des armes encore détenues par les milices, une véritable réforme du secteur de la sécurité et un processus électoral crédible. La communauté internationale a évité à la Côte d’Ivoire de sombrer dans le chaos au cours de ces quatre dernières années et doit maintenir intact son engagement militaire, politique et financier. L’évolution du processus de paix ne doit pas être dictée par les seules ambitions des deux signataires de l’accord de Ouagadougou mais aussi par l’objectif de la construction d’une paix durable en Côte d’Ivoire qui est cruciale pour la stabilité de toute l’Afrique de l’Ouest.

L’espoir est revenu en Côte d’Ivoire lorsque les Ivoiriens ont vu Guillaume Soro, le leader des Forces nouvelles (FN), devenir Premier ministre aux côtés du président Laurent Gbagbo qu’il avait tenté de renverser le 19 septembre 2002. La résolution 1721 du Conseil de sécurité (1er novembre 2006), avait prolongé la transition d’une nouvelle année après deux reports des élections présidentielles. Elle avait renforcé les pouvoirs du Premier ministre d’alors, Charles Konan Banny mais on pouvait deviner qu’elle connaîtrait le même sort que les précédentes. Déterminé à défendre ses pouvoirs, Laurent Gbagbo signifia immédiatement son intention de ne pas la respecter. Il avait son plan alternatif : le dialogue direct avec les FN, sous le parrainage du président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, qui est aussi le principal soutien de l’ex-rébellion. Aidé par le président sud-africain Thabo Mbeki, Gbagbo a réussi à renouer les liens avec son homologue burkinabè et était désormais prêt à tout négocier, y compris la nomination de Soro comme chef de gouvernement, tant que cela lui garantissait la reconnaissance de tous ses pouvoirs présidentiels et faisait de lui le maître du jeu jusqu’à l’organisation des élections.

Gbagbo a compris que l’impasse politique pourrait à terme menacer ses propres intérêts et a su tirer parti de la lassitude générale. Cela a accru la pression sur Soro et les autres responsables des FN qui avaient besoin d’une porte de sortie qui préserverait leur influence dans une Côte d’Ivoire réunifiée. L’accord signé à Ouagadougou est davantage un compromis entre deux camps qui veulent une sortie de crise préservant leurs intérêts particuliers qu’un accord qui garantirait une paix durable. Il ne traduit pas une volonté d’abandonner les pratiques politiques qui ont conduit à la guerre. L’opposition politique héritière du régime d’Houphouët-Boigny apparaît plus affaiblie, mais elle a un rôle important à jouer pour donner une chance à une réelle sortie de crise.

La collaboration entre Gbagbo et Soro devra survivre à l’épreuve du lancement des chantiers de l’identification des nationaux et électeurs et de la restructuration de l’armée. Le grand défi pour la survie de l’accord de Ouagadougou sera alors de garder sous contrôle les tensions suscitées par les stratégies politiques antagonistes des deux hommes et des extrémistes de leurs camps respectifs. Le rôle du président Compaoré, nouvel arbitre, sera crucial à cet égard. Il faudra également surmonter les difficultés logistiques et financières inhérentes à la préparation des élections. Les partenaires extérieurs doivent aider le gouvernement ivoirien mais ne doivent pas devenir les complices d’un bricolage de l’identification, de la réforme du secteur de la sécurité et des élections. Il est notamment essentiel que le poste de Haut représentant des Nations unies pour les élections soit maintenu afin d’apporter une crédibilité suffisante au processus. Même correctement mis en œuvre, l’accord de Ouagadougou ne suffira pas à lui seul à mettre fin à la crise politique qui a profondément divisé la société ivoirienne. C’est maintenant que les organisations de la société civile ivoirienne doivent également prendre leurs responsabilités, et ne pas laisser à nouveau l’avenir du pays dépendre de la soif de pouvoir d’une poignée de leurs concitoyens.

Dakar/Bruxelles, 27 juin 2007

Executive Summary

The peace agreement signed in Ouagadougou by Laurent Gbagbo and Guillaume Soro on 4 March 2007 is a major turning point in resolving Côte d’Ivoire’s armed conflict but is only a first step in the right direction. It is now essential that all Ivorians who want long-term peace work together to ensure the transitional government effectively delivers identity documents to all citizens, collects all weapons still held by militias, embarks on comprehensive security sector reform and provides a credible election process. The international community stopped Côte d’Ivoire from descending into chaos for four years and must maintain its military, political and financial commitment. The peace process should not be driven by the ambitions of the men who signed the Ouagadougou Agreement alone but also by the goal of building lasting peace in Côte d’Ivoire, which is essential for stability throughout West Africa.

Hope was revived when Ivorians saw Soro, leader of the Forces Nouvelles (FN), appointed prime minister alongside President Gbagbo, whom he had tried to overthrow on 19 September 2002. Security Council Resolution 1721 (1 November 2006) had extended the transition by one year after presidential elections had been twice postponed. It reinforced the powers of then-Prime Minister Charles Konan Banny but it was predictable that it would meet the same fate as earlier resolutions. Determined to retain power, Gbagbo immediately made clear he would not respect it. He had a different plan: direct dialogue with the FN under the auspices of Burkina Faso’s President Blaise Compaoré – the rebels’ main backer. With the help of President Thabo Mbeki of South Africa, Gbagbo renewed ties with his Burkinabe counterpart and was willing to put everything on the table, including making Soro head of government, so long as his presidential powers were guaranteed up to the elections.

Gbagbo recognised that the political stalemate could threaten his interests and took advantage of the widespread apathy. This in turn increased pressure on Soro and the other FN leaders to reach a settlement that would preserve their influence in a unified Côte d’Ivoire. The agreement they signed is more a deal between two sides looking for an escape route that protects their own interests than a compromise which guarantees lasting peace. It does not break with the political practices that led to war in the first place. The old political opposition dating back to the Houphouët-Boigny era appears weakened by this deal but still has an essential part to play in putting an end to the political crisis.

The Gbagbo-Soro partnership must pass the tests of nationwide identification of citizens, voter registration and army restructuring. The Ouagadougou Agreement’s major challenge will be to control tensions resulting from the contradictory strategies of these two men and their more extreme supporters. The role of Compaoré, the new mediator, is crucial. Many logistical and financial difficulties inherent in election preparations must also be overcome. International partners must help but not become accomplices in a botched national identification process, security sector reform or elections. For the latter, the post of UN High Representative for Elections must be retained to ensure credibility. Even if correctly implemented, the Ouagadougou Agreement will not in itself end the political crisis that has divided Ivorian society. Civil society organisations must also assume their responsibilities and not allow the country’s future to be hijacked again by a handful of power-greedy individuals.

Dakar/Brussels, 27 June 2007

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