Report / Latin America & Caribbean 2 minutes

La nouvelle Constitution bolivienne : éviter de violentes confrontations

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Synthèse

Avec les réformes radicales que le gouvernement bolivien du président Evo Morales et son Mouvement vers le socialisme (MAS) tentent d’insérer dans une nouvelle Constitution, la Bolivie se dirige dangereusement vers un retour à la confrontation violente. Leurs propositions sont sévèrement critiquées par les chefs de l’opposition représentant les basses terres de l’Est et les classes moyennes urbaines à l’Assemblée constituante (AC), et le débat continue d’accentuer la rupture dans un pays déjà divisé. Le mandat de l’AC a été prolongé jusqu’au 14 décembre 2007 mais le temps ne joue pas en la faveur des délégués. Au cours des quatre prochains mois, les dirigeants politiques de la Bolivie devront engager un dialogue de grande envergure afin de dégager un consensus sur les questions fondamentales.

Les enjeux sont multiples : premièrement, la nature même de l’État, qu’elle soit unitaire ou décentralisée et composée d’éléments fédéraux forts. Deuxièmement, des changements significatifs en matière d’équilibre entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire du gouvernement. Enfin, le souhait d’un nouvel ordre territorial sur fond d’exigences contradictoires et à caractère affectif d’autonomie régionale, indigène ou locale qui, aux yeux de chaque groupe, déterminera sa propre survie politique et économique. Le MAS et ses alliés parmi les partis et mouvements sociaux militent pour un « État unitaire plurinational communautaire » (Estado unitario plurinacional comunitario) qui, selon eux, compenserait les siècles d’exclusion des peuples indigènes. La proposition dépasserait les frontières régionales traditionnelles et les barrières économiques mais rencontre déjà une résistance opiniâtre au sein des secteurs sociaux et politiques concernés qui affirment que des divisions politiques basées sur l’ethnicité seraient un prélude à la balkanisation de la Bolivie.

L’AC disposait d’un mandat d’une année pour traiter ces questions et d’autres au sein d’une nouvelle Constitution mais la majeure partie du temps a été gaspillée dans les matches portant sur les procédures de vote et la réponse aux propositions de l’opposition, qui n’ont donné aucun résultat. L’opposition la plus farouche à Morales, qui s’est également traduite par des actes de violence sporadiques, est venue de préfets et de comités civiques dans les départements de Santa Cruz, Tarija, Beni et Pando. Des conflits ont également éclaté entre les populations urbaines et rurales. 

Le 3 août 2007, à la dernière minute, le MAS et les partis d’opposition ont signé au Congrès un accord autorisant un prolongement de quatre mois de l’AC, jusqu’au 14 décembre. Cet accord concernait également une série de questions, notamment le respect des propositions des minorités, la mise en place de l’autonomie départementale dans la région de l’Est, conformément au référendum de juillet 2006, et la création d’une « commission politique » de haut niveau indépendante de l’AC de manière à dégager un consensus, tâche rendue difficile par l’intransigeance dont ont fait preuve les délégués du gouvernement et de l’opposition pendant douze mois.

La gestion du gouvernement de Morales a également nourri les critiques de l’opposition : l’instabilité politique freine la majeure partie des investissements étrangers et privés qui pourtant sont indispensables. Les recettes publiques ont certes augmenté, grâce au prix élevé des matières premières, mais les partisans du gouvernement s’affrontent pour le contrôle des revenus du pétrole, du gaz et de l’exploitation minière. La politique foncière est critiquée, non seulement chez les grands propriétaires terriens et dans les milieux agroalimentaires mais aussi chez les paysans sans terre, traditionnel noyau dur des partisans de Morales, qui se sont insurgés contre la distribution de terres appartenant à l’État exclusivement aux indigènes.

Si le président Morales ne conduit pas cette nouvelle phase de dialogue de manière à apaiser les tensions et à dégager un consensus, il risque de provoquer de nouvelles violences et, en fin de compte, l’échec de ce projet de changement quasi-révolutionnaire.

Bogotá/Bruxelles, 31 août 2007

Executive Summary

Bolivia is moving dangerously toward renewed confrontation and violence as the government of President Evo Morales and his Movement toward Socialism (MAS) party seek to embed sweeping state reforms in a new constitution. Their proposals are being sharply criticised in the Constituent Assembly (CA) by opposition leaders representing the eastern lowlands and the urban middle classes, and the dispute is widening the breach in an already polarised country. The CA’s life has been extended to 14 December 2007 but time is not on delegates’ side. In the next four months, Bolivia’s political leaders need to engage in a wide-ranging dialogue to reach national consensus on fundamental issues.

The issues at stake include the very nature of the state, whether unitary or decentralised with strong federal elements; significant shifts in the balance among the executive, legislative and judicial branches of government; and a new territorial order, with emotionally driven, competing demands for regional, indigenous and local autonomies and each side equating victory or defeat with political and economic survival. The MAS and its allied parties and social movements are pushing for a “plurinational, communitarian, unitary state” (Estado unitario plurinacional comunitario) that, in their view, would compensate for centuries of exclusion of the indigenous peoples. The proposal would cut across traditional regional borders and economic redlines and is meeting tough resistance from affected social and political sectors, who assert ethnic political divisions would be the prelude to Bolivia’s Balkanisation.

The CA had a one-year term to resolve these and other issues in a new constitution but the bulk of the time was squandered in zero-sum battles over voting procedures and how to deal with opposition proposals. The fiercest opposition to Morales, including sporadic violence, has come from prefects and civic committees in Santa Cruz, Tarija, Beni and Pando departments. Conflicts have also emerged between urban and rural populations.

On 3 August 2007, MAS and the opposition parties brokered an eleventh-hour agreement in Congress that authorized a four-month extension of the CA, until 14 December. That agreement also addressed a series of issues, including respect for minority proposals; implementation of departmental autonomy in the eastern region in accordance with the July 2006 referendum; and creation of a high-level “political commission” outside the CA to help build consensus – a difficult task considering the intransigent stances of government and opposition delegates for twelve months.

Morales’s management of the government also has fuelled opposition charges that political uncertainty is holding back much needed foreign and private investment. Though public revenue has increased thanks to high commodity prices, pro-government elements are fighting each other for control of the oil, gas and mining money. Land tenure policy causes discontent not only among large estate owners and agribusinesses, but also among landless peasants, a core part of Morales’s constituency, who are angered over collective land titles that benefit indigenous peoples exclusively.

If President Morales does not lead the new dialogue in a manner that defuses tensions and achieves consensus, he risks new violence and, ultimately, the failure of his project of near-revolutionary change.

Bogotá/Brussels, 31 August 2007

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