Report / Latin America & Caribbean 2 minutes

Haïti: À qui profite l'insécurité

Malgré les 7400 soldats de la paix et policiers onusiens, malgré la reprise de l'aide multilatérale, Haïti reste enlisé dans une profonde crise politique, sociale et économique.

Synthèse

Malgré les 7400 soldats de la paix et policiers onusiens, malgré la reprise de l'aide multilatérale, Haïti reste enlisé dans une profonde crise politique, sociale et économique. La situation sécuritaire est explosive, surtout dans la capitale. En se déployant finalement à l'échelle du pays, la Mission des Nations Unies de Stabilisation en Haïti (MINUSTAH) est parvenue à empêcher la violence d'atteindre des niveaux supérieurs, mais la transition demeure fragile, et un calendrier électoral peut-être trop ambitieux, concentré dans le dernier trimestre de 2005, relève du défi. La MINUSTAH a besoin de se doter et doit exercer une nouvelle autorité en matière d'application de la loi et de forces de sécurité afin de sauver la situation.

Nombreux sont les détracteurs en Haïti auxquels la violence, l'insécurité et l'instabilité politique profitent. En dehors du désir de chercher, conserver ou maximiser leur pouvoir, revenu, autorité ou fonction, ces individus et ces groupes veulent l'échec de la transition. Ils veulent prolonger un statu quo qui sert leurs intérêts. Dès lors, neutraliser ces détracteurs devrait être un des principaux objectifs à la fois du gouvernement de transition et de la communauté internationale, non seulement en vue des prochaines élections mais aussi afin de faire progresser le processus de démocratisation à long terme.

Parmi les détracteurs figurent des gangs belliqueux qui dominent la plupart des bidonvilles de Port-au-Prince et qui bénéficient d'un degré variable de soutien politique et criminel. Beaucoup d'entre eux sont manipulés par des factions proches de l'ancien Président Aristide et de son mouvement Lavalas, d'autres sont sous l'emprise de formations anti-Aristide, d'éléments de l'élite des milieux d'affaires, de trafiquants de drogues ou d'autres organisations criminelles (tous ayant clairement un intérêt à ce que les élections soient retardées ainsi qu'à la déstabilisation). Quoique n'étant plus une armée effective, un autre groupe armé formé d'anciens rebelles et de membres de l'ex-armée haïtienne (ex-FAd'H) revêt une présence inquiétante dans les provinces. Des milliers d'armes restent en possession de tous ces groupes. C'est pourquoi un programme systématique de démobilisation, désarmement et réinsertion (DDR) doit débuter immédiatement et aller de paire avec des réformes économiques, politiques, judiciaires et policières.

La situation des droits de l'Homme reste alarmante avec des allégations croissantes d'exécutions sommaires, de violences à l'égard des femmes, d'enlèvements et d'autres actes criminels perpétrés par des éléments de la Police Nationale d'Haïti (PNH), ainsi que l'absence d'enquêtes de la part du gouvernement sur ces violations et un système de justice défaillant et politisé. Comment renforcer et réformer la PNH qui est mise à rude épreuve dans les quartiers pauvres en raison de la violence urbaine des gangs, constitue l'un des enjeux les plus urgents. Autant la PNH que la MINUSTAH doivent rapidement pallier les carences en ressources et capacités qui paralysent la police, notamment le déficit de renseignements fiables, la faible formation et l'absence totale de formation sur le droit des femmes, les loyautés divergentes, l'absence de qualification du personnel et les mandats conflictuels.

Une société profondément divisée et l'effondrement des institutions et de l'autorité étatiques au cours de la décennie précédente ont ouvert la voie à l'émergence de groupes violents enracinés à la fois dans le conflit social et les querelles politiques, et dernièrement à celle de groupes apolitiques mais faisant dans le trafic de stupéfiants. La raison  sous-jacente à la plupart de cette violence est l'échec chronique de la lutte contre la pauvreté, la privation sociale et l'exclusion qui menacent la majeure partie de la population.

Les défis les plus urgents en Haïti sont notamment la reprise économique et sociale, les menaces environnementales, l'emploi, les services sociaux et la tenue d'élections crédibles. Garantir la sécurité publique est la condition préalable pour relever ces défis et requiert des progrès significatifs sur les quatre fronts suivants:

  • DDR des ex- Fad'H et de leurs partenaires d'insurrection;
     
  • neutraliser des gangs urbains et les intégrer dans les programmes appropriés de DDR;
     
  • freiner la criminalité, surtout à Port-au-Prince; et
     
  • purger la PNH des criminels.

Les Nations Unies doivent redéfinir leur méthode de travail avec leurs homologues haïtiens, en particulier le gouvernement de transition, afin d'inverser le mouvement de détérioration qui s'est développé dans les domaines fondamentaux de la sécurité et des droits individuels. Si la coopération gouvernementale dont a besoin la MINUSTAH ne peut pas être garantie sous le mandat actuel, le Conseil de Sécurité doit voter une résolution lui procurant l'autorité et les ressources nécessaires, ainsi qu'une feuille de route claire pour aller de l'avant.
​​​​​​​
Port-au-Prince/Bruxelles, 31 mai 2005

Executive Summary

Haiti is ensnared in a deep political, social and economic crisis, despite 7,400 UN military and police peacekeepers and the resumption of multilateral aid. The security situation is explosive, especially in the capital. By finally deploying country-wide, the United Nations Stabilization Mission (MINUSTAH) has prevented even greater levels of violence, but the transition is fragile, and a perhaps overly ambitious electoral calendar compressed into the last quarter of 2005 faces many challenges. MINUSTAH needs to get and exercise new executive authority over law enforcement and security forces if the situation is to be saved.

Many powerful spoilers in Haiti have much to gain from fomenting violence, insecurity and political instability. Out of a desire to seek, keep or maximise power, income, authority, or position, these individuals and groups do not want the transition to succeed. They want to prolong a status quo that suits their interests. A key objective of both the transitional government and the international community, therefore, should be to neutralise these spoilers, not only in relation to the coming elections but also to advance the long-term process of democratisation.

Among the spoilers are warring gangs who dominate much of the slums of Port-au-Prince and receive varying degrees of political and criminal support. Many are manipulated by factions sympathetic to former President Aristide and his Lavalas movement, others by anti-Aristide groupings, elements of the business elite, drug-traffickers or other criminal organisations -- all of which have a clear interest in delaying the elections and in destabilisation. Although no longer an effective military force, another group of spoilers are armed former rebels and members of the Haitian Armed Forces (ex-FAd'H), who are an intimidating presence in the countryside. Thousands of weapons remain in the hands of all these groups. A systematic program of demobilisation, disarmament and reintegration (DDR) must start at once and be coupled with police, judicial, political and economic reforms.

The human rights situation is still alarming, with concern focusing on growing allegations of summary executions, violence against women, kidnapping and other criminal acts by elements within the Haitian National Police (HNP), the absence of government investigations into these violations, and a dysfunctional and politicised justice system. How to strengthen and reform the HNP, which is also under tremendous pressure in the poor neighbourhoods from urban gang violence, is one of the most urgent challenges. Both the HNP and MINUSTAH must quickly address the force's paralysing deficiencies in resources and capabilities, including the lack of reliable intelligence, poor training and total absence of gender training, divided loyalties, unqualified personnel and conflicting mandates.

A deeply polarised society and the collapse of state institutions and state authority over the past decade opened the way for the emergence of violent groups with roots both in social conflict and political feuds, and lately with apolitical but deadly drug gangs. Underlying much of the violence is the chronic failure to tackle the poverty, social deprivation and exclusion that endanger most of the population.

Haiti's pressing challenges, therefore, include social and economic revival, environmental threats, jobs, social services and credible elections. Guaranteeing adequate public security is the precondition for addressing all these and requires significant advances on four fronts:

  • DDR of the ex-FAd'H and their insurgent partners;
     
  • neutralisation of the urban gangs and their incorporation into appropriate DDR programs;
     
  • curbs on crime, especially in Port-au-Prince; and
     
  • a purge of the criminals from the HNP.

The UN needs to redefine its method of working with its Haitian counterparts, particularly the transitional government, in order to reverse the deterioration in fundamental areas of security and individual rights. If the government cooperation MINUSTAH requires cannot be assured under the existing mandate, the Security Council must pass a resolution providing the necessary authority and resources, and a clear roadmap for moving forward.

Port-au-Prince/Brussels, 31 May 2005

Subscribe to Crisis Group’s Email Updates

Receive the best source of conflict analysis right in your inbox.