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Burundi : bye-bye Arusha ?

La situation se détériore au Burundi, pays auparavant considéré comme un modèle de résolution des conflits, et les violences commises par le parti au pouvoir et par l’opposition menacent la stabilité.

Synthèse

En dépit du fonctionnement régulier des institutions et du discours officiel vantant les progrès en matière de développement et de sécurité, le Burundi est en train de perdre les acquis de l’accord d’Arusha. En raison de l’impasse électorale de 2010, le système de partage du pouvoir conçu à Arusha a fait place à un monopartisme de fait qui se traduit par la fin du dialogue entre l’opposition et le gouvernement, une dérive autoritaire et le retour de la violence politique. Le respect de la minorité politique et de la règle de droit, essentiel à la démocratie, semble ignoré depuis 2010. Afin de pérenniser les acquis du processus de paix et la stabilité du pays, la classe politique burundaise doit renouer avec le dialogue, garantir le pluralisme politique en vue des échéances électorales de 2015 et veiller à un processus de justice transitionnelle consensuel. En raison de leur implication dans le processus de paix, l’im­por­tance de leur aide au Burundi et l’absence de bailleurs alternatifs, les partenaires internationaux actuels doivent mettre ces trois questions au centre de leur dialogue avec le gouvernement.

La situation politique ne s’est toujours pas normalisée depuis les dernières élections, qui ont eu lieu en 2010. Le boycott par l’opposition du processus électoral à la suite du contentieux sur les élections communales a généré des tensions qui ont incité l’opposition à former une coalition, l’Alliance démocratique pour le changement (ADC-Ikibiri), et plusieurs de ses responsables à partir en exil. Cette situation s’est accompagnée d’une vague de violence alimentée aussi bien par le pouvoir que l’opposition. A la résurgence des groupes armés et aux critiques de la société civile, le gouvernement a répondu par une stratégie de répression et une politique d’intimidation.

La mainmise du parti au pouvoir (le Conseil national pour la défense de la démocratie et Forces pour la défense de la démocratie, CNDD-FDD) sur toutes les institutions en l’absence d’opposition véritable a vidé de sa substance le modèle consociatif défini à Arusha et a créé une situation de monopartisme de fait où seuls les médias et la société civile jouent le rôle de contre-pouvoirs. Par ailleurs, cette emprise renforcée sur les institutions conduit à une gestion partisane de l’Etat et du processus de justice transitionnelle ainsi qu’une instrumentalisation des services de sécurité qui sont contraires aux principes d’Arusha. Dans le même temps, le projet d’amendement constitutionnel dont les contours sont pour l’instant flous suscite des inquiétudes.

Cependant, une ouverture existe. D’une part, la détérioration de la situation socioéconomique, le mécontentement social croissant et la controverse sur les exécutions extrajudiciaires sont autant de problèmes pour les autorités qui nuisent à leur légitimité et réduisent leur marge de manœuvre. D’autre part, le dialogue a été récemment engagé à un double niveau : entre l’Union européenne et le gouvernement mais aussi entre les acteurs politiques burundais. Ainsi à l’instigation de l’organisation non gouvernementale (ONG) Initiatives et Changement, les bases du dialogue entre opposition et parti au pouvoir ont été posées au cours d’une rencontre à Caux en Suisse du 28 mai au 2 juin 2012 avec la participation de la plupart des partis d’opposition, diverses personnalités du monde politique et de la société civile et de deux parlementaires du parti au pouvoir.

Dans le prolongement de ce double dialogue et afin de préserver les acquis d’Arusha et de réussir une véritable consolidation de la paix, des concessions mutuelles de la part de l’opposition et du gouvernement sont nécessaires. Les partenaires internationaux devraient continuer le dialogue sur les problèmes politiques et sécuritaires actuels du Burundi et ne pas hésiter à recourir à des incitations financières, notamment en matière de préparation des élections et de réforme du secteur de la sécurité. Les programmes d’aide internationale doivent notamment être orientés vers la protection des journalistes et des activistes de la société civile, la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH), et une réforme du secteur de la sécurité respectueuse des droits de l’homme.

Bujumbura/Nairobi/Bruxelles, 25 octobre 2012

Executive Summary

Although the institutions are functioning and the government has been priding itself on its development and security achievements, Burundi is regressing. Due to the 2010 electoral impasse, the Arusha agreement has been replaced by a de facto one-party system characterised by the end of dialogue between the opposition and the ruling party, the government’s authoritarian drift and the resumption of political violence. Respect for the political minorities and rule of law has been largely ignored since 2010. To ensure lasting stability, the political actors should resume dialogue, guarantee pluralism for the 2015 elections and support a consensual transitional justice process. Given that they sponsor peacebuilding efforts, provide a significant amount of aid to Burundi and in the absence of other donors, the current international partners should focus on these issues while discussing with the government.

The dust has not yet settled since the 2010 elections. After boycotting the electoral process, the opposition parties formed a coalition (the Democratic Alliance for Change, ADC-Ikibiri) and several opposition leaders went into exile. A wave of mutual violence by the opposition and the ruling party (the National Council for the Defence of Democracy and the Forces for the Defence of Democracy, CNDD-FDD) ensued. Challenged by armed groups and criticised by civil society, the government has resorted to repression and intimidation.

The control of the institutions by the ruling party and the absence of a genuine opposition made the power-sharing system defined by the Arusha agreement irrelevant. The ruling party is managing state business and the transitional justice process as it wishes. In addition, it is instrumentalising the security services and is preparing a constitutional change behind closed doors. Today, the only checks and balances are the media and civil society.

However, there is a window of opportunity. On the one hand, socio-economic problems, rising social discontent and extrajudicial killings put severe strains on the government. On the other hand, parallel dialogues have recently started between the European Union and the Burundian government and between Burundian political actors. From 28 May to 2 June 2012, the non-governmental organisation (NGO) Initiatives and Change hosted a meeting in Switzerland with representatives of most of the opposition parties, civil society leaders and two members of the ruling party.

Continuing these parallel dialogues and consolidating peace in Burundi will require mutual concessions by the ruling party and the opposition. It will also require that the donors maintain dialogue with the authorities on the political and security problems and resort to financial incentives, particularly for the preparation of the elections and the security sector reform. International efforts should focus on protecting journalists and civil society activists, empowering the independent human rights commission and promoting a security sector reform centred on human rights.

Bujumbura/Nairobi/Brussels, 25 October 2012

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