Report / Africa 2 minutes

Les élections au Burundi : l’épreuve de vérité ou l’épreuve de force ?

Le désir populaire de changement au Burundi risque d’être contredit par une élection présidentielle qui ne serait pas libre et transparente. Afin de préserver les principes de l’accord de paix d’Arusha en 2000 pour mettre fin à la guerre civile au Burundi, l’opposition et le président Nkurunziza en particulier doivent retrouver le chemin de la démocratie et du dialogue.

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Synthèse

Les élections qui doivent avoir lieu de fin mai à août 2015 vont être décisives pour l’avenir du Burundi. Sont en jeu non seulement le devenir de l’équipe au pouvoir (le président Pierre Nkurunziza envisage de briguer un troisième mandat) mais aussi et surtout le maintien de l’accord d’Arusha comme fondation de la paix au Burundi. Les mobilisations populaires et le précédent de la chute du président au Burkina Faso laissent augurer une confrontation dans la rue en cas de passage en force de Nkurunziza. Le retour de la violence ne mettrait pas seulement fin à la paix civile progressivement rétablie après l’accord d’Arusha en 2000 mais aurait des implications régionales déstabilisatrices et marquerait un nouvel échec des politiques de consolidation de la paix. Pour éviter un tel scénario, les partenaires du Burundi, qui ont déjà exprimé leur inquiétude, doivent renforcer leur implication dans le processus électoral et prévoir une réponse graduée en fonction de son inclusivité politique.

A la veille du congrès du parti au pouvoir qui doit désigner son candidat pour le scrutin présidentiel et à quelques semaines des élections législatives et communales le 26 mai, la tension ne cesse de monter et la perspective de scrutins libres et démocratiques ne cesse de s’éloigner. Alors que des réunions préparatoires en 2013 et le retour au pays des ténors de l’opposition avaient laissé espérer que la période pré-électorale serait marquée par l’ouverture d’un dialogue entre le pouvoir et l’opposition, les signes avant-coureurs d’une crise électorale se multiplient. L’usage partisan des institutions d’Etat, les exactions d’une jeunesse embrigadée dans des milices (les Imbonerakure), le manque de confiance dans la Commission électorale nationale indépendante (CENI), les manœuvres pour réduire l’inclusivité du processus électoral et la volonté du président de se représenter exacerbent les tensions avec une opposition qui compte prendre sa revanche après sa défaite de 2010 mais ne sait pas si ses ténors seront autorisés à être candidats.

L’éventualité d’un troisième mandat du président Nkurunziza pose la question de la préservation de la paix au Burundi : le président tente de passer en force et joue son va-tout en essayant d’imposer un troisième mandat contre l’Eglise catholique, la société civile, une fraction de son propre parti et la plupart des partenaires extérieurs du Burundi. De son côté, l’opposition joue sa survie et les forces de sécurité s’interrogent sur leur rôle en cas de crise violente. La situation est donc beaucoup plus grave que les élections ratées de 2010 : ce qui est en jeu à travers ce nouveau cycle électoral est le maintien de l’accord d’Arusha comme fondation du régime burundais.

La communauté internationale a pris conscience des enjeux et des risques associés à ce cycle électoral et certains voisins suivent de très près l’évolution du processus, comme le prouvent les récentes visites du Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme, du président tanzanien, des ministres belges et du Conseil de sécurité des Nations unies à Bujumbura ainsi que la rencontre entre les présidents burundais et rwandais et l’envoi d’une mission électorale des Nations unies (Menub) au début de 2015. Alors que des Burundais commencent à se réfugier au Rwanda, la rechute du Burundi dans la violence serait un cuisant revers pour les garants de l’accord d’Arusha et pourrait alimenter les dynamiques de crise régionales. La réaction des partenaires du Burundi – et notamment les garants de l’accord d’Arusha – n’est pas à la mesure de l’enjeu : il est urgent qu’ils mobilisent des ressources suffisantes et s’impliquent davantage pour enrayer la montée des tensions entre le camp présidentiel et l’opposition et éviter une épreuve de force dans la rue.

Executive Summary

The elections scheduled to take place between the end of May and August 2015 will be decisive for Burundi. The future of the present rulers (President Pierre Nkurunziza considers running for a third term) and, more importantly, the upholding of the 2000 Arusha agreement as the foundation for peace, are at stake. Popular protests and the precedent set by the fall of Burkina Faso’s president suggest street confrontations will take place if President Nkurunziza decides to impose his candidacy. The return to violence would not only end the peace progressively restored since the Arusha agreement, it would also have destabilising consequences in the region and mark a failure in peacebuilding. To avoid this scenario, Burundi’s partners, who have already expressed their concerns, should increase their involvement in the electoral process and prepare a gradual response depending on how inclusive the process will be.

With the upcoming congress of the ruling party, which is supposed to decide on its presidential candidate, and the 26 May legislative and local elections only a few weeks away, tension is rising and prospects for free and fair polls are slimmer by the day. While preparatory meetings held in 2013 and the return of opposition leaders to the country raised hopes of an electoral process based on dialogue between the regime and the opposition, there are increasing signs of a looming electoral crisis. The partisan use of state institutions, exactions committed by youth militia (the Imbonerakure), the lack of confidence in the Independent National Electoral Commission (INEC), strategies by the regime to reduce the inclusivity of the electoral process and the president’s will to run again exacerbate tensions. The opposition wants revenge after its defeat in the 2010 polls, but it remains uncertain if its leaders will be allowed to contest the elections.

The prospect of a third term for President Nkurunziza calls into question the preservation of peace in Burundi. The president is risking it all by trying to force his name on the ballot, against the Catholic Church, civil society, a fraction of his own party and most external partners. The opposition’s survival is at stake and the security forces are unsure how to react in case of violent crisis. The situation is much more serious than the failed 2010 elections: what lies behind this new electoral cycle is the upholding of the Arusha agreement as the foundation of Burundi’s regime.

International actors are aware of the stakes and risks associated with the upcoming electoral cycle, and some neighbouring countries are closely monitoring the situation. The UN High Commissioner for Human Rights, the Tanzanian president, Belgian ministers and the UN Security Council recently came to Bujumbura; the Burundian president and his Rwandese counterpart met in Rwanda and a UN electoral mission (MENUB) was sent in early 2015. As some Burundians flee to Rwanda, the country’s relapse into violence would be a pitifull outcome for the guarantors of the Arusha agreement and could fuel regional crisis. The reaction of Burundi’s partners – especially the guarantors of the Arusha agreement – is not commensurate with the gravity of the situation. They must urgently mobilise sufficient resources and will have to get more involved to prevent rising tensions between supporters of the president and of the opposition and to avoid confrontation in the streets.

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