The Malian Minister of Reconciliation, Peace, and National Cohesion and the leader of the delegation from the Coordination of Movements of Azawad, Bamako, August 2022.
The Malian Minister of Reconciliation, Peace, and National Cohesion and the leader of the delegation from the Coordination of Movements of Azawad, Bamako, August 2022. Bakary Diouara
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Nord du Mali : revenir au dialogue

Dans le nord du Mali, les combats ont repris entre les groupes armés signataires de l'accord de paix de 2015 et les forces gouvernementales, alors que les affrontements se poursuivent avec les jihadistes. L’initiative d’un dialogue inter-malien, proposée par Bamako, constitue une occasion de rétablir le calme.

Que se passe-t-il ? Au nord du Mali, alors que les affrontements avec les jihadistes n’ont jamais cessé, de nouveaux combats opposent, depuis août 2023, les forces maliennes et des paramilitaires russes, aux mouvements signataires de l’accord de paix de 2015. En novembre, l’armée malienne s’est emparée de Kidal, fief des rebelles depuis 2012.

En quoi est-ce significatif ? Ces affrontements ont de graves conséquences humanitaires et menacent le pays et plus largement le Sahel central d’une nouvelle spirale de violence. Si la reprise de Kidal marque un tournant, elle ne doit pas faire illusion : aucun des belligérants ne peut s’imposer durablement par la seule voie des armes.

Comment agir ? Fin décembre, les autorités maliennes ont annoncé la mise en place d’un dialogue intermalien, puis un mois plus tard la fin de l’accord d’Alger. Les belligérants devraient saisir l’occasion de ce dialogue, qui ouvre des perspectives d’apaisement, pour négocier un cessez-le-feu et s’engager vers des pourparlers inclusifs.

Synthèse

En novembre 2023, les Forces armées maliennes (Fama), avec le soutien de paramilitaires de Wagner, ont repris la ville de Kidal contrôlée, depuis 2012, par des groupes rebelles. Cet évènement a marqué le point culminant de la reprise des combats, qui a débuté en août 2023 entre forces gouvernementales et signataires de l’accord d’Alger. S’y ajoute, la persistance des attaques jihadistes au centre et au nord du pays. La multiplicité de ces violences meurtrières plonge le nord du Mali au cœur d’une nouvelle logique de guerre, aux conséquences humanitaires préoccupantes, et dont l’issue demeure incertaine. La reprise de Kidal représente certes une victoire pour les autorités maliennes, mais elle ne doit pas faire illusion : aucun des belligérants ne s’imposera durablement par la seule voie des armes. Cette reprise des hostilités a aussi accéléré la fin de l’accord d’Alger, à bout de souffle depuis deux ans. La récente offre de dialogue intermalien, lancée par les autorités de transition fin 2023, est une opportunité à saisir pour que la négociation prévale à nouveau sur l’affrontement, seule manière de parvenir à une paix durable

L’accord de paix d’Alger offrait jusque-là un cadre utile, accepté par les belligérants, depuis sa signature en 2015, mais sa mise en œuvre a cependant été lente et a buté sur des questions essentielles. Elle a notamment achoppé sur le transfert des pouvoirs aux régions et l’intégration des anciens rebelles dans les forces de défense et de sécurité maliennes. La première transition, instaurée par le coup d’État d’août 2020, avait maintenu ce cadre et même fait progresser l’application de l’accord. Le régime issu du second coup d’État de mai 2021 s’est engagé dans une autre voie, privilégiant une approche militaire.

Fermement installés au pouvoir, les militaires ont fait de la montée en puissance des Fama et de la réaffirmation de la souveraineté de l’État malien sur l’ensemble du territoire une priorité. Ils ont renforcé la coopération avec la Russie et fait appel au groupe paramilitaire russe Wagner pour renforcer leurs capacités militaires. Ils ont obtenu le départ des forces françaises de l’opération Barkhane, européennes de Takuba, et onusiennes de la Mission multidimensionnelle intégrée de Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). Ils se sont également retirés du G5 Sahel et de sa force conjointe chargée de lutter contre le terrorisme, puis ont créé en septembre dernier, avec le Burkina Faso et le Niger, l’Alliance des États du Sahel (AES), un pacte de défense mutuelle. Fin janvier ils ont annoncé leur sortie de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), l’organisation d’intégration régionale qui regroupe quinze pays de la sous-région.

Parallèlement, les relations entre les autorités de transition et les groupes armés signataires de l’accord d’Alger et réunis, depuis 2021, au sein du Cadre stratégique permanent (CSP), se sont dégradées, chaque camp se préparant à la perspective d’une reprise des combats. Les discussions sur la mise en œuvre de l’accord sont entrées dans une impasse alors que le gouvernement issu du coup d’État de mai 2021 accueillait des acteurs hostiles à l’accord en ses rangs et que les groupes signataires campaient de leur côté sur des positions intransigeantes. Les groupes jihadistes ont profité des blocages entre parties signataires et du vide créé par le départ des forces internationales pour consolider et étendre leur emprise sur les vastes zones rurales du nord du Mali. 

Dans ce contexte de tensions, les divergences autour de la reprise des anciennes bases de la Minusma au nord du pays par les autorités maliennes, a été le détonateur de nouveaux affrontements. Les combats ont repris en août 2023 pour culminer avec la prise de Kidal par les forces armées en novembre dernier. Ce fait d’armes des Fama, à forte portée symbolique, constitue à l’évidence une victoire importante pour le pouvoir malien. Elle matérialise un peu plus le projet de réaffirmation de la souveraineté de l’État sur l’ensemble du territoire, séduisant au passage une partie importante de l’opinion publique, notamment la frange la plus hostile aux aspirations séparatistes d’une partie du CSP qui souhaite créer une entité indépendante, nommée « Azawad ». 

Ni les autorités de transition ni les groupes armés rebelles ne semblent en mesure de remporter la guerre de façon décisive.

Bien que les combats entre les Fama et le CSP aient significativement baissé en intensité depuis la prise de Kidal, il semble peu probable que cette victoire aux graves conséquences humanitaires mette un terme à un conflit décennal, aux racines politiques profondes. Ni les autorités de transition ni les groupes armés rebelles ne semblent en mesure de remporter la guerre de façon décisive. Un enlisement du conflit risquerait à terme d’affaiblir les deux camps et de se répercuter sur l’ensemble du Sahel central. Le conflit actuel a, par ailleurs, exacerbé la polarisation entre ceux qui, au sein de la population malienne, soutiennent les autorités à Bamako et ceux restés proches du CSP. 

Parallèlement, les jihadistes, qui sont moins touchés par la perte de Kidal que le CSP dont c’était le fief, pourraient profiter de l’affaiblissement de ses ennemis. Ils apparaissent donc, à priori, comme les principaux bénéficiaires des violences actuelles et pourraient cette année, tout comme ils l’avaient fait en 2012, exploiter le conflit entre les Fama et les groupes politico-militaires du nord pour renforcer leur influence dans le pays. 

Pour le pouvoir en place et une partie de l’opinion publique, la reconquête de Kidal par les Fama symbolise le triomphe de l’approche militaire au détriment du règlement politique incarné par l’accord d’Alger au cours de ses huit ans d’existence. Pourtant, il est difficile d’envisager le retour durable de la paix dans le nord du Mali sans un processus politique permettant le dialogue, la réconciliation, et offrant des perspectives pour une meilleure gouvernance locale au bénéfice des populations. Après les affrontements de ces derniers mois, la relance du processus politique s’annonce compliquée et incertaine, mais elle est indispensable. C’est en effet la voie qui offre les meilleures chances d’une paix et d’une stabilité durables pour le nord du Mali et ses populations. 

Malgré l’abandon de l’accord d’Alger, la décision des autorités de transition d’ouvrir un dialogue intermalien, quelques semaines après la reprise de Kidal, redonne une chance à la négociation plutôt qu’à la poursuite des affrontements. Les autorités devraient tirer les leçons de l’échec de l’accord d’Alger, en veillant notamment à rendre ce nouveau processus plus inclusif afin de trouver les solutions requise pour stabiliser le nord. Cela passe par l’implication des acteurs politiques, de la société civile et des légitimités traditionnelles, mais également par celle des membres du CSP, et éventuellement des jihadistes. Le gouvernement devrait faire un effort particulier pour inclure le plus grand nombre de femmes et de jeunes au dialogue inter-malien. Le CSP devrait, de son côté, saisir cette occasion pour réengager le dialogue avec les autorités, négocier un cessez-le-feu et accepter de s’engager dans un processus plus adapté aux rapports de force actuels au Mali.

Bamako/Dakar/Bruxelles, 20 février 2024

I. Introduction

Depuis août 2023, le nord du Mali est en proie à une nouvelle escalade de violences opposant les Forces armées maliennes (Fama), soutenues par leurs alliés russes, aux groupes armés signataires de l’accord d’Alger de 2015 réunis depuis 2021 au sein du Cadre stratégique permanent (CSP), et cela alors que les affrontements avec les groupes jihadistes n’ont jamais cessé.[1] Les désaccords sur la gestion des anciennes bases de la Mission multidimensionnelle intégrée de Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) ont servi de détonateur à la reprise des hostilités entre les Fama et le CSP.[2] Mais ces dernières ont des racines plus profondes. Les autorités de transition ont progressivement démantelé l’architecture de stabilisation, mise en place à partir de 2013 par les partenaires internationaux du Mali, sous l’impulsion de la France. Le 25 janvier, elles ont également définitivement enterré l’accord de paix d’Alger, à bout de souffle depuis deux ans. 

En octobre 2023, une importante colonne de Fama, accompagnée du groupe paramilitaire russe Wagner, a quitté la ville de Gao en direction de Kidal. Le 14 novembre, après la progression lente de cette colonne et des combats de moyenne intensité avec les groupes armés du CSP, les Fama et les paramilitaires russes ont réussi à reprendre Kidal. Ils doivent cette victoire à leur préparation logistique et à leur supériorité en moyens militaires, notamment en avions de reconnaissance, drones, blindés et systèmes de vision nocturne. Cependant, dans la phase finale, les groupes armés du CSP n’ont pas cherché à résister à l’entrée des Fama dans la ville, préférant l’évacuer. Alors que les combats entre les Fama et le CSP ont significativement baissé en intensité depuis la prise de Kidal les affrontements avec les groupes jihadistes se poursuivent pour leur part au nord comme au centre du pays.


[1] À sa création en avril 2021, le CSP regroupait les mouvements armés issus de la Coordination des mouvements de l’Azawad et de la Plateforme des mouvements du 14 juin (Plateforme), toutes deux signataires de l’accord d’Alger de 2015. Aujourd’hui, le CSP se compose de la CMA et d’une partie de la Plateforme, notamment des ailes dissidentes du Gatia et du MAA.

La reconquête de Kidal marque une victoire symbolique importante pour les autorités de transition maliennes.

La reconquête de Kidal marque une victoire symbolique importante pour les autorités de transition maliennes, mais il est essentiel de ne pas se méprendre sur sa portée : aucune des parties en conflit ne semble en mesure de l’emporter durablement sur son adversaire. Au contraire, le risque d’une propagation et d’un enlisement du conflit est aujourd’hui bien réel. Les autorités à Bamako ont affirmé, le 14 novembre, leur intention de poursuivre leur entreprise de reconquête et de sécurisation du territoire, tandis que le CSP menace de s’en prendre aux garnisons maliennes stationnées dans toutes les régions du nord du Mali. Les groupes jihadistes, ayant étendu leur présence au cours de la dernière décennie, pourraient profiter de cette situation pour se renforcer davantage.

Ce rapport analyse les raisons de la reprise des combats au nord du Mali ces derniers mois, et souligne l’intérêt des belligérants à s’entendre autour d’un cessez-le-feu, puis à initier un nouveau processus de paix plus inclusif et en phase avec les rapports de force actuels au Mali. Il repose essentiellement sur une centaine d’entretiens réalisés entre juin 2023 et janvier 2024, dont une vingtaine avec des femmes, dans plusieurs localités du Mali (Bamako, Gao, Tombouctou et Kidal), ainsi qu’à Dakar au Sénégal et à Niamey au Niger. Dans le cadre de ce travail, l’équipe de recherche de Crisis Group a échangé avec un ensemble diversifié d’acteurs dont des responsables gouvernementaux, des représentants des mouvements signataires de l’accord d’Alger, des membres du Conseil national de transition (CNT), organe législatif temporaire qui remplace l’Assemblée nationale du Mali, des organisations de la société civile malienne, notamment des associations de jeunes et des groupements de femmes, et des diplomates basés, entre autres, à Bamako et en Afrique de l’Ouest.

II. Un processus de paix à bout de souffle

La reprise des hostilités entre les forces gouvernementales et les forces armées du CSP, depuis août 2023, pourrait bien ruiner tous les acquis d’un processus de paix jusque-là laborieux, mais qui offrait l’avantage d’éviter des affrontements entre les parties signataires.

A. Un accord de paix qui avait suscité un espoir prudent

En 2015, le gouvernement malien, les groupes armés séparatistes de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), et ceux de la Plateforme des mouvements du 14 juin 2014 (Plateforme), restés fidèlesà Bamako, ont conclu un accord de paix, mettant fin au conflit armé qui les opposait depuis 2012.[1] Cette année-là, une offensive conjointe d’insurgés séparatistes et jihadistes avait chassé les Fama du nord du Mali. Les insurgés avaient ensuite occupé les régions de Gao, Tombouctou et Kidal jusqu’en janvier 2013, date à laquelle une intervention militaire internationale menée par la France avait permis à l’armée malienne de reprendre le contrôle de Gao et de Tombouctou. Cependant, Kidal, bastion historique des rébellions séparatistes, était resté sous le contrôle des groupes armés à dominante arabo-touareg.[2] 

La question du contrôle de Kidal est vite devenue un point de friction entre Bamako et Paris. Les autorités maliennes ont longtemps reproché aux forces françaises, qui invoquaient alors le risque d’exactions contre les civils à Kidal, d’avoir empêché les Fama de reprendre le contrôle de cette ville symbolique de 38000 habitants.[3] Elles imputaient également à la France d’avoir conditionné le retour à Kidal des Fama à la signature d’un accord de paix avec les groupes rebelles.[4] Paris avait rejeté ces griefs.[5] En 2014, une tentative de l’armée malienne de reprendre Kidal avait échoué face à la supériorité militaire des groupes séparatistes et jihadistes.[6] À la suite d’une série de négociations facilitées par le gouvernement algérien et soutenues par un large groupe d’acteurs internationaux, réunis au sein d’une équipe de médiation internationale, l’accord de paix dit d’Alger avait été signé en juin 2015.[7]

Cet accord envisageait de rétablir la paix au Mali par le biais notamment d’une décentralisation renforcée et de l’intégration d’une partie des groupes rebelles dans l’armée malienne.[8] Il prévoyait également des projets de développement économique pour les régions du nord, ainsi que des réformes et des mesures en matière de justice et de réconciliation nationale. 


[1] Les parties signataires de l’accord de paix d’Alger sont au nombre de trois : 1) le gouvernement malien, 2) la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), qui englobe des groupes armés séparatistes tels que le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA); et 3) les mouvements de la Plateforme, qui regroupent des mouvements armés fidèles à l’État malien, parmi lesquels figurent le Groupe armé touareg Imghad et alliés (Gatia), la Coordination des mouvements et fronts patriotiques de résistance (CMFPR) et une faction du mouvement arabe de l’Azawad (MAA). Voir Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger.

[3] Armin Arefi, «Pourquoi la France ne fait plus l’unanimité au Mali», Le Point, 7 juin 2013.

[4] «Mali : Choguel Maïga peut-il revenir sur les accords militaires signés avec la France», Jeune Afrique, 18 janvier 2022

[5] «Pourquoi la France ne fait plus l’unanimité au Mali», op.cit.

[6] «Mali : l’armée subit une cuisante défaite à Kidal», AFP, 19 août 2014. 

[7] La médiation internationale comprend quinze membres dont le Tchad, l’Algérie, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, les Nations unies, l’Union africaine, l’Organisation de la conférence islamique, l’Union européenne et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité. Voir le commentaire Afrique de Crisis Group, Minusma : négocier un départ sans accroc, 27 juin 2023.

B. Une mise en œuvre laborieuse, mais un cadre utile

Dès sa signature, l’accord a suscité des réserves tant de la part des parties signataires que d’observateurs extérieurs, dont Crisis Group.[1] Beaucoup ont reproché à la médiation internationale dirigée par l’Algérie d’avoir imposé l’accord sans prendre le temps d’aplanir toutes les divergences entre les belligérants.[2] Pour cette raison, l’accord ne satisfait véritablement aucune des parties signataires et souffre d’une faible popularité.[3] Il laisse également de côté une partie des belligérants, notamment les jihadistes, mais aussi d’autres groupes armés non affiliés aux deux coalitions signataires.[4] Par ailleurs, de nombreux mouvements de résistance civile, nés en 2012 pendant l’occupation du nord par les groupes jihadistes, notamment dans la région de Gao, des groupes de femmes et des acteurs politiques se sont ainsi sentis lésés dans la gestion du processus de paix d’Alger.[5] Ils ont longtemps reproché à celui-ci d’avoir promu les acteurs en armes au détriment des communautés ayant été les principales victimes des violences liées à ce conflit depuis 2012.[6]

L’accord d’Alger n’apporte pas non plus d’innovations décisives par rapport aux accords de paix signés dans les années 1990 et 2000, qui ont échoué à installer une paix durable.[7] Il privilégie un schéma de sortie de crise, reposant en grande partie sur une simple répartition du pouvoir politique entre les élites de la capitale et celles du nord, dans un contexte marqué par une profonde aspiration au changement des populations du nord.[8] 

L’application de l’accord a d’emblée été entravée par la résistance des parties signataires face à certaines dispositions clés. Ainsi, alors que les groupes armés revendiquaient une autonomie, l’État malien proposait une application plus limitée de la décentralisation en transférant des compétences et des moyens aux pouvoirs locaux, mais sans accorder d’autonomie.[9] L’accord a offert un compromis autour d’une décentralisation poussée, donnant des prérogatives plus étendues aux pouvoirs régionaux. Insatisfaites de ce compromis, les deux parties ont montré peu d’empressement dans sa mise en œuvre. 


[2] Ibid.

[3] Selon une enquête d’opinion effectuée par la Fondation Friedrich-Ebert en mars 2021, un Malien sur deux estime que l’accord peut ramener la paix et la sécurité. Voir «Mali-Mètre. Enquête d’opinion : Que pensent les malien(nes)», juin 2021.

[4] Parmi les groupes armés non-signataires de l’accord de paix d’Alger il y a le Congrès pour la justice dans l’Azawad (CJA) ainsi que d’autres mouvements affiliés à la Coordination des mouvements de l’inclusivité (CMI).

[5] Entretiens de Crisis Group, membres du CSA et acteurs de la société civile, Bamako, Gao et Kidal, juin-juillet 2023. Ce n’est qu’à la 45ème session du CSA qu’un groupe de neuf femmes a été intégré dans les instances du comité. 

[6] Entretiens de Crisis Group, membres du CSA et acteurs de la société civile, Bamako, Gao et Kidal, juin-juillet 2023 ; plusieurs dizaines d’individus ont participé aux pourparlers en tant que représentants des parties, mais on compte seulement quatre femmes parmi eux. D’autres femmes ont participé à une courte semaine d’auditions de la société civile à Alger. Entretiens de Crisis Group, Bamako, janvier et juin 2021.

[7] En 1992, l’État malien et les groupes rebelles du nord du Mali ont conclu le Pacte national pour mettre fin à une rébellion ayant débuté deux ans auparavant. Malgré cela, les hostilités ont persisté jusqu’en 1996, année de la cérémonie de la Flamme de la paix, durant laquelle des armes des rebelles ont été symboliquement incinérées. En 2006, après une nouvelle rébellion dans le nord, les deux parties ont signé un autre accord connu sous le nom d’Accord d’Alger pour la restauration de la paix, de la sécurité et du développement dans la région de Kidal. 

[8] Tous les accords précédents prescrivaient essentiellement les mêmes choses : un statut spécial et l’autodétermination des régions du nord, une représentation accrue des populations du nord dans les institutions de l’État, l’intégration des rebelles dans les forces de défense et de sécurité maliennes et un programme de développement ambitieux pour les régions du nord. Toutefois, à la différence des accords de 1992 et 2006, celui de 2015 donne un rôle plus important aux acteurs internationaux, notamment en faisant d’eux les garants de sa mise en œuvre. Voir le Rapport Afrique de Crisis Group, Mali : la paix à marche forcée ?, 22 mai 2015. 

[9] Les groupes armés qui vont former la CMA en 2014 avaient d’abord revendiqué l’indépendance, ensuite le fédéralisme avant de se résoudre à signer un accord consacrant le principe d’une décentralisation poussée.

Une grande partie des tensions s’est cristallisée autour de l’élection au suffrage direct des présidents de région.

Une grande partie des tensions s’est cristallisée autour de l’élection au suffrage direct des présidents de région. Dans ce cadre, ces derniers devenaient les premiers responsables de l’administration locale, prenant l’ascendant sur les gouverneurs nommés depuis Bamako. Les dirigeants maliens voyaient dans une telle dévolution du pouvoir un risque d’affaiblissement de l’État, voire d’éclatement de la nation.

L’intégration des anciens combattants rebelles au sein de l’armée malienne a constitué l’autre grand sujet de divergences. Les groupes armés exigeaient que cette intégration se fasse en respectant les grades de leurs combattants afin de garantir, entre autres, leur implication dans les structures du haut commandement militaire. Incertains de la loyauté des anciens rebelles et redoutant les frustrations que de telles mesures pouvaient générer au sein des forces régulières, les autorités maliennes se sont montrées réticentes à l’application de cette disposition de l’accord.[1]

Les parties divergeaient également sur les éléments de l’accord auxquels donner la priorité. L’État malien privilégiait le désarmement des groupes signataires de l’accord, tandis que ceux-ci mettaient en avant des progrès dans les réformes politiques, notamment celles permettant une plus grande autonomie de gestion locale.[2]

Malgré ces divergences, les deux parties ont maintenu des discussions régulières au sein du Comité de suivi de l’accord (CSA), un cadre de dialogue prévu par le texte de 2015, qui regroupait la médiation internationale et les parties associées au processus de paix. Par ailleurs, d’un commun accord avec les groupes signataires, le gouvernement du président Ibrahim Boubacar Keïta (2013-2020) a mis en place, entre 2015 et 2017, plusieurs structures dédiées à l’application de l’accord. Ces mécanismes de mise en œuvre et de suivi ont permis des avancées notables, comme le redéploiement d’une partie de l’administration dans les régions du nord.[3] En outre, une première vague de désarmement des combattants accomplie en 2020 a permis la création d’unités mixtes, déployées dans plusieurs localités du nord, y compris Kidal.[4] 


[1] Entretiens de Crisis Group, acteurs étatiques et membres des groupes armés signataires de l’accord de paix, Bamako, juin 2023.

[2] Ibid.

[3] Voir le commentaire Afrique de Crisis Group, « L’accord d’Alger cinq ans après »op. cit.

[4] Ces unités mixtes se sont démobilisées après la reprise des hostilités entre les Fama et le CSP en août 2023. 

Le premier gouvernement de transition ... a démontré son engagement en faveur de l’accord de paix.

Le coup d’État d’août 2020 n’a pas interrompu cette dynamique. Le premier gouvernement de transition, encouragé et soutenu par les partenaires internationaux, a démontré son engagement en faveur de l’accord de paix. Il a pris plusieurs décisions symboliques visant à renforcer la confiance avec les groupes armés signataires et à donner un signal fort en faveur de la mise en œuvre de l’accord. Pour la première fois depuis 2015, des figures issues des mouvements signataires ont ainsi intégré le gouvernement.[1] D’autres ont été nommées au sein du Conseil national de transition (CNT), organe législatif temporaire qui remplace l’Assemblée nationale du Mali depuis décembre 2020.

Autre innovation, neuf femmes ont intégré le CSA, fin 2020.[2] Bien que limitée et tardive, cette participation féminine a permis que les débats, initialement focalisés sur des questions d’arrangements politiques et sécuritaires, fassent une plus grande place à d’autres enjeux comme les services sociaux et le développement.[3] Grâce à leur activisme, elles ont contribué à amplifier la communication extérieure autour de l’accord et l’adhésion des communautés. La recherche de consensus entre les parties a également progressé.[4] 

Malgré une mise en œuvre lente, qui butait sur des questions essentielles, l’accord de paix continuait d’offrir un cadre utile dans lequel les parties signataires s’inscrivaient depuis six ans, autant par espoir de voir une amélioration que pour éviter le retour à la confrontation armée. La première transition (2020-2021), instaurée à la suite du coup d’État d’août 2020, a non seulement maintenu ce cadre, mais elle a aussi réalisé des progrès, notamment en renforçant la confiance entre les parties signataires.


[1] Dans un gouvernement composé de 25 ministres, les figures des groupes armés signataires ont occupé cinq postes, y compris ceux de l’Agriculture, des Maliens établis à l’extérieur et de l’Intégration africaine, de la Jeunesse et de l’Emploi. 

[2] «Communiqué de la quarante et unième session du comité de suivi de l’accord (CSA)», 18 novembre 2020.

[3] Entretien de Crisis Group, femme membre du CSA, Bamako et Dakar, juin 2023. 

[4] Entretiens de Crisis Group, hauts responsables de la médiation et des femmes membres du CSA, Bamako, janvier 2021.

III. La seconde transition : du blocage de l’accord au retour de l’approche militaire

Le second coup d’État de mai 2021 et le regroupement des groupes armés signataires de l’accord d’Alger autour d’une nouvelle structure unifiée, le CSP, a interrompu la dynamique vertueuse qui s’était mise en place à la fin de l’année 2020.[1] Sous l’impulsion des cinq colonels désormais pleinement au pouvoir à Bamako, une approche militariste s’est progressivement dessinée et a contribué à une montée des tensions entre les anciens belligérants. Le processus de paix, qui peinait déjà à progresser, s’est ainsi retrouvé dans l’impasse. De son côté, la médiation internationale dirigée par l’Algérie, affaiblie par le départ des forces internationales et l’intransigeance des dirigeants maliens, s’est avérée incapable d’enrayer la dégradation de la situation.


[1] Pour plus de détails sur le coup d’État de mai 2021, voir le rapport Afrique de Crisis Group N°304, Transition au Mali : préserver l’aspiration au changement, 21 septembre 2021.

A. L’accord dans l’impasse

Après leur prise du pouvoir, les colonels ont vite affiché une position ambigüe vis-à-vis de l’accord de paix. D’un côté, Assimi Goïta, désormais à la tête d’une transition dont il était précédemment le vice-président, a exprimé publiquement, comme ses prédécesseurs, son plein soutien à l’accord.[1] En juin 2021, quelques jours seulement après le second coup d’État, le président Assimi Goïta a rencontré les groupes armés signataires pour les rassurer sur sa détermination à poursuivre la mise en œuvre de l’accord d’Alger. Il a reconduit les représentants des groupes armés au sein du gouvernement et décidé de la mise en place d’un ministère dévoué à la mise en œuvre de l’accord, dirigé par le colonel Ismaël Wagué.[2] D’un autre côté, une aile plus dure et opposée à l’accord s’est constituée.

L’aile dure s’est constituée principalement autour du colonel Sadio Camara, ministre de la Défense, et de Choguel Maïga, le Premier ministre nommé en juin 2021. Le ministre de la Défense ne s’exprime guère sur l’accord, mais plusieurs sources maliennes ou internationales estiment qu’il est le principal soutien d’une approche militaire permettant à l’État d’imposer ses vues dans le processus de mise en œuvre de l’accord de paix, ou d’une renégociation à partir d’une position de force.[3] 

De même, Choguel Maïga, ministre de l’Economie numérique et porte-parole du gouvernement de janvier 2015 à juillet 2016 sous la présidence d’Ibrahim Boubacar Keïta (2013-2020), a d’abord soutenu l’accord de paix, avant de s’en détourner et de le combattre après sa sortie du gouvernement.[4] Lui-même originaire du nord et issu de la communauté Songhay, largement opposée au projet séparatiste, il s’est notamment illustré par ses diatribes contre l’accord de paix et plus généralement contre les rébellions dominées par des groupes arabo-touareg.[5] Il reproche à l’accord de favoriser l’émergence d’un État fédéral, première étape selon lui d’une partition du Mali.[6] À la place d’une mise en œuvre intégrale de l’accord, Choguel Maïga milite pour une « relecture », possibilité qu’ouvre l’article 65 de l’accord, ou une « mise en œuvre intelligente » de celui-ci, sans jamais expliciter ce qu’il entend précisément par là.[7] 

La nomination de Choguel Maïga à la primature doit moins à son opposition à l’accord qu’à l’influence de la coalition politique, le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), dont il est issu et dont les militaires au pouvoir cherchaient le soutien. Néanmoins, une partie des groupes signataires a interprété sa nomination comme un signe du faible attachement des dirigeants maliens à l’accord, voire, pour certains, leur volonté de tourner le dos au processus de paix.[8] 


[1] «Discours de S.E le Colonel Assimi Goïta lors du 1er Conseil des Ministres du nouveau Gouvernement», Présidence de la République du Mali, 16 juin 2016.

[2] Il s’agit du ministère de la Réconciliation nationale, de la paix et la cohésion nationale, chargé de l’accord pour la paix et la réconciliation. Le colonel Wagué fait partie des cinq membres de la junte. En tant que ministre, il a œuvré pour la mise en œuvre de l’accord, mais ses relations difficiles avec certains dirigeants des groupes signataires ont entravé les progrès.

[3] Entretiens de Crisis Group, acteurs politiques et membres de la médiation internationale pour la mise en œuvre de l’accord, Bamako, juillet et juin 2023.

[4] Choguel Kokalla Maïga a été ministre de l’Économie numérique, de l’Information et de la Communication. En qualité de porte-parole du Gouvernement, il a publiquement défendu l’accord lors de rencontres à l’intérieur comme à l’extérieur du Mali. Voir « L’accord d’Alger a deux avocats à Paris : Choguel Maïga et Zahabi Ould Mohamed », RP Medias TV, avril 2015. 

[5] Pour plus de détails sur les prises de position de Choguel Maïga à propos de l’accord de paix, voir Choguel K. Maïga, Les rébellions au Nord du Mali : des origines à nos jours, (Bamako, 2018). 

[6] «Accord pour la paix et la réconciliation au Mali : Choguel K. Maïga va-t-il renier ses convictions pour être Premier Ministre ?», Arc en Ciel, 7 juin 2021.

[7] Entretien de Crisis Group, acteurs impliqués dans la signature et la mise en œuvre de l’accord, Bamako, juin 2023. 

[8] Entretiens de Crisis Group, cadres du CSP, Bamako et Kidal, juin et juillet 2023.

Les autorités de transition ne sont pas seules responsables de la détérioration du climat autour de l’accord de paix depuis mai 2021.

Pour autant, les autorités de transition ne sont pas seules responsables de la détérioration du climat autour de l’accord de paix depuis mai 2021. Le CSP a également contribué aux blocages. La nomination de Choguel Maïga est intervenue peu après la réunion des groupes armés signataires jusque-là rivaux (CMA et Plateforme) autour du CSP, en avril 2021.[1] Cette nouvelle structure est destinée à aplanir les dissensions entre les principales coalitions de groupes armés et à favoriser une synergie d’actions entre les signataires dans la mise en œuvre de l’accord de paix.[2] Cependant, sa création en dehors du cadre de l’accord d’Alger a également contribué à la détérioration du climat autour du processus de paix. Les autorités maliennes, au départ tenues à l’écart du CSP, se sont méfiées d’une initiative qui s’exerçait, selon elles, à leur détriment en unissant les groupes politico-militaires du nord en une seule entité pouvant peser davantage en faveur d’une mise en œuvre de l’accord au profit des groupes armés.[3]

En quelques mois, ces différents développements ont érodé la confiance entre les parties signataires. Les autorités à Bamako ont refusé de reconnaître le CSP en tant qu’acteur de l’accord. En réaction, celui-ci a boycotté les réunions du CSA avant de suspendre sa participation aux mécanismes de mise en œuvre de l’accord, conduisant à la paralysie du processus de paix.[4] Huit ans après sa signature, l’accord s’est retrouvé dans l’impasse.


[1] «Mali : les mouvements armés du nord créent le ‘Cadre stratégique permanent’», Agence Anadolu, 6 mai 2021.

[2] Ces divergences ont souvent constitué des obstacles à la mise en œuvre de l’accord.

[3] En juin et juillet 2021, le gouvernement malien a d’ailleurs tenté de prendre le contrôle du CSP en le rebaptisant Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP/PSD). L’initiative a cependant échoué. Les groupes armés ont maintenu le principe d’une présidence tournante du CSP/PSD que doivent se partager périodiquement le gouvernement, la Plateforme et la CMA. Entretiens de Crisis Group, membres de cabinets ministériels impliqués dans la mise en œuvre de l’accord de paix, Bamako, juin et juillet 2023.

[4] Voir communiqué final du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD), Djouhnan, 21 décembre 2022.

B. L’option de la force

À Bamako, à mesure que le processus de paix s’enlisait, l’idée d’une intervention militaire à Kidal pour affirmer l’autorité de l’État gagnait en popularité, confortant, au sein du gouvernement, les partisans d’une ligne dure. L’approche militaire s’est ainsi imposée progressivement au sommet du pouvoir malien. Dès le mois de mai 2021, les autorités maliennes ont, en effet, affiché leur volonté de restaurer la sécurité sur l’ensemble du territoire national en utilisant leurs propres moyens et en œuvrant à « la montée en puissance des Forces armées maliennes ».[1]

Pour ce faire, Bamako a fait l’acquisition d’une grande quantité d’équipements militaires – notamment des aéronefs, des drones et des véhicules blindés. Les autorités de transition ont, en outre, augmenté les effectifs des forces de défense et de sécurité et mis l’accent sur la formation de celles-ci.[2] Ils ont considérablement renforcé leur coopération militaire avec la Fédération de Russie, premier exportateur de matériel militaire vers l’Afrique et allié historique du Mali depuis l’époque soviétique.[3] Le principal artisan de ce rapprochement avec Moscou est le ministre de la Défense, le colonel Sadio Camara, fervent souverainiste et présenté par de nombreux observateurs comme le partisan d’un règlement militaire de la question du nord du Mali.[4]

En plus d’acheter des armes auprès de la Russie, les autorités à Bamako ont fait appel aux services de la compagnie paramilitaire Wagner, liée au Kremlin. Celle-ci a déployé, à partir de la fin 2021, une force estimée à plus de 1000 combattants, répartis sur plusieurs bases, notamment dans les régions du nord et du centre du pays.[5] Mieux équipées et redynamisées par l’arrivée du partenaire russe, les Fama ont, peu à peu, renforcé leur capacité à circuler dans les espaces ruraux et appris à mieux se protéger des attaques d’envergure des groupes insurgés.[6]

Cet investissement dans leur force d’intervention militaire, officiellement dédiée à la lutte contre le terrorisme, a détérioré un peu plus les relations avec les groupes armés signataires de l’accord d’Alger, en particulier la CMA, qui y voyait une menace directe.[7] La CMA craignait que les Fama, soutenues par leur partenaire russe et par le groupe Wagner, préparent la reconquête par la force des zones sous son contrôle. Ses responsables dénonçaient également « l’intervention d’un organisme qui n’est ni un État ni une mission de maintien de la paix » et redoutaient les effets d’une confrontation armée pour des populations civiles déjà meurtries par une décennie de crise.[8] Quant aux tenants d’une ligne plus dure au sein des rebelles, en particulier ceux de la branche militaire du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), un groupe appartenant à la CMA, ils estimaient que la reprise des affrontements allait offrir une occasion de défaire à nouveau l’armée malienne et de relancer leur projet d’un État indépendant de l’Azawad.[9]


[2] «Mali : des Sukoï 25, des Albatros L39 et des MI8 pour l’armée malienne» et «Col. Assimi Goïta : “Nous assistons à une réelle montée en puissance des forces armées maliennes”», Sahel Tribune, 19 janvier 2022. Un programme de recrutement de 2000 jeunes recrues, dont certains anciens membres des groupes d’autodéfense, a ainsi été lancé dans les régions du Nord. Voir «Recrutement spécial : des jeunes volontaires détenteurs d’armes ou de munitions de guerre désormais dans la légalité», communiqué des Force armées maliennes, 9 juin 2022. 

[3] «Le Mali reçoit de nouveaux aéronefs militaires de la Russie et de la Turquie», Jeune Afrique, 17 mars 2023. Selon le rapport de l’institut de recherche Sipri, la Russie est le principal fournisseur d’armes à l’Afrique en 2018-22, fournissant 40 pour cent des importations africaines d’armes majeures. Voir Sipri, Trends in International Arms Transfer, mars 2023, p.7.

[4] Entretiens de Crisis group, acteurs politiques maliens et diplomates, Bamako, juin 2023.

[5] «Wagner au Mali : Enquête exclusive sur les mercenaires de Poutine», Jeune Afrique, 18 février 2022.

[6] Les Fama et des membres du groupe Wagner ont conduit, à partir de la fin 2021, de nombreuses opérations militaires, notamment dans le centre, obtenant des succès tactiques même si aucune région n’a véritablement été reprise aux mains des groupes jihadistes et que les civils payent un lourd tribut dans ces affrontements. «Rapport sur les événements de Moura du 27 au 31 mars 2022», Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, mai 2023.

[7] «Mali : la CMA, vent debout contre les mercenaires russes», Jeune Afrique, 28 novembre 2021.

[8] Ibid.

[9] Entretien de Crisis Group, participants aux réunions de la médiation, Kidal, Bamako, juin 2023. 

En avril 2023, les trois mouvements armés de la CMA ... ont fusionné leurs forces armées au sein d’une entité militaire unifiée.

Une partie des groupes armés signataires ont alors commencé à se préparer à une possible reprise des hostilités, en renforçant leur capacité de défense anti-aérienne et en réorganisant leurs troupes.[1] En avril 2023, les trois mouvements armés de la CMA – le MNLA, le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) – ont fusionné leurs forces armées au sein d’une entité militaire unifiée.[2] Cette décision visait à consolider leur alliance et à renforcer la coordination de leurs forces militaires en prévision des affrontements à venir. Ensuite, au niveau plus large du CSP, les mouvements se sont réunis pour mutualiser leurs capacités militaires.[3] Ils ont discuté non seulement de la montée des tensions avec Bamako, mais aussi de la nécessité de protéger les populations du nord contre la violence jihadiste et le banditisme. 

Ces discussions n’ont abouti à aucune décision concrète et des divergences sont apparues au sein du CSP, dont les différents groupes n’ont pas les mêmes ennemis. Pour la CMA, les ennemis les plus importants sont les Fama et leurs alliés russes. En revanche, deux mouvements proches de Bamako parmi les plus importants de la Plateforme, le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) et le Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia) prônent une coopération entre tous les mouvements signataires pour lutter contre les jihadistes. Les communautés dont ils sont issus ont été, ces dernières années, particulièrement éprouvées par les atrocités commises par l’État islamique au Sahel (EI-Sahel).[4]

Plus largement, dans les mois qui ont précédé la reprise de Kidal, une partie des mouvements du CSP ont profité de la recrudescence des tensions avec Bamako pour remobiliser leurs soutiens au sein des communautés du nord du Mali. Même si le projet séparatiste qui implique la création d’une entité étatique indépendante nommée « Azawad » est loin de faire l’unanimité au nord, la polarisation actuelle favorise un regain du discours « pro-Azawad », notamment au sein d’une partie des communautés touareg et arabes du nord.[5] 

À Kidal, ce discours « pro-Azawad » a repris de l’ampleur, il apparait par exemple régulièrement dans les discussions sur les réseaux sociaux ou sous forme de graffitis sur les murs de la ville. De nombreux messages audios et vidéos ont circulé pour appeler à la mobilisation générale.[6] Les groupes armés du CSP se sont, quant à eux, posés en protecteurs de leurs communautés face à d’éventuelles exactions des Fama et du Groupe Wagner à l’encontre des civils. Les populations leur reprochant l’impasse du processus de paix, les problèmes d’insécurité et la perception de taxes par les mouvements, sans contrepartie de services publics efficaces, les dirigeants des groupes armés ont vu dans ce positionnement un moyen de regagner en popularité.


[1] Entretiens de Crisis Group, responsables de la CMA, Bamako et Kidal, juin-juillet 2023. 

[2] «Mali : ce que la fusion des mouvements de l’Azawad va changer», Jeune Afrique, 9 février 2023.

[3] De la création du CSP en mai 2021 jusqu’en août 2023, date à laquelle le conflit avec les Fama a éclaté, les groupes armés du CSP ont tenu plusieurs rencontres sans se mettre d’accord sur les modalités pratiques d’une telle mutualisation de leurs moyens ou même s’entendre sur la définition de l’ennemi à combattre en priorité. Entretiens de Crisis Group, cadres du CSP, Bamako, juin 2023. 

[4] Entretiens de Crisis Group, cadres du CSP, Bamako, juin 2023.

[5] Entretiens de Crisis Group, habitants de Kidal, juin 2023.

[6] Audios et vidéos authentifiés et consultés par Crisis Group, 8 août 2023. 

C. Une médiation internationale impuissante et paralysée

La médiation internationale sous l’égide de l’Algérie s’est montrée impuissante à enrayer cette montée des tensions entre anciens belligérants après mai 2021, d’autant que les autorités maliennes poussaient pour sortir du cadre de dialogue imposé par l’accord. La mise en œuvre de l’accord passait notamment par la tenue périodique de réunions du comité de suivi de l’accord, où siégeaient les parties signataires, mais aussi par des actions de facilitation et de soutien de la médiation internationale. 

Depuis mai 2021, les autorités maliennes affichaient de plus en plus leur volonté de reprendre en main le processus de paix, en favorisant un dialogue intermalien sans intermédiaires internationaux.[1] Pour cela, elles ont convoqué, en octobre dernier, une première rencontre avec les groupes armés signataires visant à jeter les bases d’un processus de paix endogène. Néanmoins, la CMA, principale coalition de groupes rebelles, n’a pas répondu favorablement à cette invitation.

Cette position des autorités maliennes traduit autant la réaffirmation de la souveraineté nationale que le rejet d’une architecture internationale de stabilisation mise en place à partir de 2013, que les nouveaux dirigeants maliens jugent inefficaces, voire contreproductives pour ramener la paix au Mali.[2]

Depuis le coup de mai 2021, les autorités de transition ont poussé les différentes composantes du dispositif de stabilisation internationale vers la sortie. En février 2022, Paris a annoncé le retrait de l’opération Barkhane dont les derniers éléments partent du Mali en août 2022.[3] À la même date, les troupes de l’opération Takuba, une initiative militaire européenne lancée en 2020, quittent également le territoire malien.[4] Parallèlement, en mai 2022, les autorités à Bamako annoncent leur retrait du G5 Sahel, une organisation régionale chargée de coordonner les actions de stabilisation de cinq pays du Sahel – Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad.[5] Finalement, en juin 2023, les autorités de transition exigent et obtiennent le retrait de la Minusma. Ce retrait s’est achevé fin 2023. En septembre 2023, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont créé l’Alliance des États du Sahel (AES) pour mieux coordonner leurs actions en matière de sécurité, de développement et de diplomatie.[6] Le 28 janvier 2024, ils annoncent ensemble leur retrait sans délai de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), l’organisation d’intégration regionale regroupant quinze pays ouest-africains.[7]


[1] Voir le discours d’Abdoulaye Diop à l’Assemblée générale des Nation unies, «Le Mali affirme prendre son destin en main», ONU Info, 22 septembre 2023. 

[3] «Mali : “Barkhane” vient clore un cycle de trente années d’opérations extérieures de la France en Afrique», Le Monde, 22 août 2022.

[4] «Mali : la France officialise la fin de Takuba, le groupement des forces spéciales européennes» Le Figaro avec AFP, 1er juillet 2022.

[5] «Le retrait du Mali signe de facto la mort du G5 Sahel», Le Monde, 17 mai 2022. 

[6] « Le Niger, le Mali et le Burkina veulent renforcer leur coopération », Jeune Afrique, 31 décembre 2023. 

[7] “Retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger : Quelles conséquences pour la Cedeao ?”, Jeune Afrique, 29 janvier 2024.

Le départ des principaux acteurs du dispositif de stabilisation a considérablement affaiblit la médiation internationale.

Le départ des principaux acteurs du dispositif de stabilisation a considérablement affaiblit la médiation internationale. L’Algérie, chef de file de cette médiation, a été particulièrement affectée par cette nouvelle situation. Ces dernières années, la relation entre Bamako et Alger s’est, en effet, refroidie. Une partie de la classe politique malienne et de la hiérarchie militaire ne pardonnent pas à la médiation algérienne son rôle prépondérant dans un processus qu’elles jugent desservir l’État malien et affaiblir son autorité dans les régions du nord du pays.[1] De plus, l’Algérie a assisté impuissante à l’émergence d’initiatives conçues en dehors du cadre de l’accord, notamment le regroupement des mouvements armés signataires de l’accord d’Alger autour d’une nouvelle structure unifiée, le CSP. Signe de cette tension, en janvier 2023, Bamako a décliné la proposition algérienne de tenir une réunion des parties signataires hors du Mali.[2]

La médiation était jusqu’alors utile pour désamorcer les multiples moments de tensions entre les parties signataires de l’accord d’Alger. Entre 2014 et 2022, l’Algérie, mais aussi d’autres membres de l’équipe de médiation internationale, comme la France, l’ont fait à plusieurs reprises par un habile jeu de pression et de dialogue.[3] La Minusma, qui assurait le secrétariat technique du Comité de suivi de l’accord et la logistique des activités de médiation, contribuait également à ce mécanisme de désamorçage des tensions. Les représentants spéciaux du Secrétaire général des Nations unies qui se sont succédé à la tête de la mission ont régulièrement usé de leurs bons offices pour aider les parties signataires à surmonter les blocages récurrents.[4]

Le départ des forces internationales a enfin un impact significatif sur la situation sécuritaire. Bien qu’il n’ait pas su garantir la protection des civils, notamment dans les zones rurales largement sous le contrôle des groupes armés jihadistes, le dispositif international de stabilisation, permettait, entre autres, d’éviter la confrontation directe entre les parties signataires. Son démantèlement a replacé les autorités maliennes désireuses de redorer leur image après les défaites de 2012 et 2014, et les mouvements signataires habitués à administrer leur espace sans Bamako, dans une situation de face-à-face.


[1] L’Algérie aurait mis sur un pied d’égalité le gouvernement et des mouvements armés, dont la légitimité à représenter les populations du nord est sujette à caution. Entretien de Crisis Group, acteur de la médiation, Bamako, juin 2023. 

[2] «Mali : la médiation internationale à Kidal pour sauver l’accord de paix», RFI, 2 février 2022. 

[3] Entretien de Crisis Group, acteur de la médiation, Bamako, juin 2023. 

[4] Entretiens de Crisis Group, responsables de la Minusma et acteurs de la médiation, Bamako, juin 2023. 

IV. Le retour de la guerre

La dégradation continue des relations entre les signataires de l’accord d’Alger a conduit à la reprise des affrontements entre les Fama et le CSP en août 2023. La rétrocession des camps de la Minusma a servi de détonateur. Une phase de combats de quelques semaines a débouché sur la reprise de Kidal par les Fama en novembre 2023. C’est une victoire symbolique, militaire et politique importante pour l’État malien, mais qui ne marque pas pour autant la fin des hostilités. Au contraire, il semble bien que le Mali soit entré dans une nouvelle phase du conflit qui l’affecte depuis 2012. 

A. Le retrait de la Minusma, détonateur du retour à la guerre

En juillet, la Minusma a entamé le processus de transfert de ses douze bases militaires, en conformité avec les dispositions des Nations unies qui stipulent que leur contrôle revient à l’État hôte.[1] Des désaccords ont rapidement opposé le gouvernement et le CSP sur cette question.[2] Certaines des bases onusiennes, notamment celles de Ber (région de Tombouctou), Aguelhok, Tessalit et Kidal (région de Kidal), se trouvent dans des zones dont les groupes signataires de l’accord de paix de 2015 revendiquent le contrôle, même si de petites unités de l’armée s’y trouvaient. Les positions des Fama et des groupes signataires dans ces zones étaient régies par des accords qu’ils ont signés entre 2013 et 2015.[3] 

Dès août 2023, des affrontements, sans précédent depuis la signature de l’accord d’Alger en 2015, ont opposé les Fama, appuyés par leurs alliés russes, et les combattants du CSP. Le 11 août, les combats se sont concentrés autour de la base de Ber. Deux jours plus tard, à l’issue d’affrontements violents, mais brefs, l’armée malienne est parvenue à prendre possession du camp de Ber juste après son évacuation par la Minusma. 

Les combats se sont étendus au-delà du contrôle des bases onusiennes, ce qui a permis aux Fama d’élargir considérablement leur empreinte sur des portions du territoire où elles étaient en nombre limité. En août-septembre, le CSP a accusé l’armée malienne d’avoir attaqué plusieurs de ses positions dans les régions de Tombouctou et de Kidal, en violation de l’accord de paix de 2015. Le 10 septembre, le CSP a annoncé prendre des mesures de légitime défense.[4] Peu après, ses combattants ont lancé une série d’attaques contre des positions avancées de l’armée malienne, notamment à Léré (région de Tombouctou), Dioura (région de Mopti), Bamba et Bourem (région de Gao). 

Ces attaques ont renforcé les divisions au sein du CSP, apparues quelques mois plus tôt sur la question des ennemis à combattre en priorité. Deux membres importants de cette alliance, tous deux réputés proches des autorités à Bamako et parlant respectivement au nom du MSA et de la Plateforme, se sont désolidarisés publiquement et ont annoncé le retrait de leurs mouvements du CSP.[5] Pour justifier leur désaveu de la décision du CSP de prendre « des mesures de légitime défense », Moussa Ag Acharatoumane, dirigeant du MSA, a fustigé l’incapacité du CSP à protéger les populations de Ménaka contre les violences de l’EI-Sahel. Mohamed Ould Matali, dirigeant d’une fraction du MAA et membre de la Plateforme a, pour sa part, déclaré que son mouvement soutenait les autorités de transition dans leurs efforts de paix menés dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord. De leur côté, les dirigeants du Gatia, un autre groupe affilié à la Plateforme, se sont divisés sur la question. À la suite de ces défections, l’unité du CSP a volé en éclats, affaiblissant davantage ses positions sur le terrain. 


[1] En plus de son quartier général basé à Bamako, la Minusma disposait de douze bases réparties en quatre secteurs : nord (Kidal, Tessalit, Aguelhoc), est (Gao, Ménaka, Ansongo), ouest (Tombouctou, Ber, Goundam, Diabaly) et centre (Mopti-Sévaré et Douentza). 

[2] Le CSP a contesté cet argument et a suggéré que les anciens camps de la Minusma soient transférés à des structures civiles ou qu’ils abritent des services publics (écoles, centres de santé, etc.). Entretiens de Crisis Group, cadres du CSP, Bamako, juin 2023.

[3] «Accord préliminaire à l’élection présidentielle et aux pourparlers inclusifs de paix au Mali», signé à Ouagadougou le 18 juin 2013 ; «Positions déclarées au 23 mai 2014 : annexe 2 au PV de la séance N° 16 de la Commission technique mixte de sécurité», Minusma, mai 2014 ; «Arrangement sécuritaire pour une cessation des hostilités», Alger, 5 juin 2015.

[4] Le 10 septembre, le CSP-PSD a accusé les autorités de transition d’avoir mené, quelques jours plus tôt, des raids sur les positions de la CMA à Foyta, dans la région de Tombouctou, et de la Plateforme, à Afalwlaw, dans la région de Gao. Déclaration du CSP, Kidal, 10 septembre 2023. 

[5] Signe de leur proximité avec les autorités à Bamako, Moussa Ag Acharatoumane est membre du Conseil national de transition (CNT), l’organe législatif de la transition, tandis que Mohamed Ould Matali est conseiller spécial du président du CNT. Voir «déclaration de retrait du MSA au sein du CSP-PSD», 24 septembre 2023. 

B. La reprise de Kidal, une victoire militaire et politique

En octobre 2023, une colonne d’une centaine de véhicules des Fama, accompagnée de leurs alliés russes, a quitté Gao en direction de la région de Kidal, bastion du CSP. Des affrontements entre les Fama et le CSP ont ralenti la progression du convoi, notamment à l’approche d’Anéfis, une ville située à l’entrée de la région de Kidal, que l’armée malienne a fini par prendre et occuper le 7 octobre. Deux semaines plus tard, les Fama ont pris position à Tessalit, une ville stratégique située au nord de Kidal, à proximité de la frontière algérienne.[1]

Finalement, le 14 novembre, les Fama ont pris le contrôle de la ville de Kidal. L’ensemble des groupes armés du CSP, qui s’y trouvaient, ont évacué la ville après seulement deux jours de combats à l’approche de la ville.[2] Bien que les autorités maliennes regroupent leurs adversaires du CSP et du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin, Jnim) sous le qualificatif de « terroristes », ces différents groupes n’ont pas collaboré comme ce fut le cas en 2014.[3] Dominé militairement, le CSP est sorti affaibli par ces évènements. Pour les autorités de transition, la prise de Kidal est, au contraire, une victoire à la fois militaire et politique. 

En reprenant Kidal, elles ont démontré que la montée en puissance de l’armée engagée depuis deux ans portait ses fruits. Des sources sécuritaires maliennes affirment que la puissance de feu des Fama a été décisive pour la victoire de Kidal, grâce notamment à ses nouvelles capacités aériennes de surveillance et de combats, comme les drones.[4] L’appui des supplétifs de Wagner, qui ont hissé le drapeau noir de leur organisation sur le fort de Kidal peu après la prise de la ville, a également été déterminant.[5] Enfin, les Fama ont été aidées par un appui logistique venant du Niger, notamment en carburant.[6]


[1] «Pour l’armée malienne, la prise de Kidal passe aussi par Tessalit», Jeune Afrique, 20 octobre 2023.

[2] Le CSP affirme s’être retiré de Kidal pour préserver les populations civiles des exactions des Fama et de Wagner. Entretiens de Crisis Group, cadres du CSP, décembre 2023 et janvier 2024. 

[3] Les groupes armés de la CMA, en particulier le HCUA et le MNLA, ont leurs quartiers généraux dans la ville de Kidal. Le Jnim concentre sa présence dans les zones rurales de la région de Kidal, notamment vers la frontière avec l’Algérie. 

[4] Entretiens téléphoniques de Crisis Group, acteurs sécuritaires maliens, novembre 2023.

[5] «Au Mali, Wagner hisse son drapeau sur le fort de Kidal», Jeune Afrique, 22 novembre 2023. 

[6] Courriels de Crisis Group, source sécuritaire malienne, décembre 2023. 

Pour les autorités de transition maliennes, la prise de Kidal est une victoire politique majeure.

Pour les autorités de transition maliennes, la prise de Kidal est une victoire politique majeure. Elle est en adéquation avec le discours tenu par les colonels qui, depuis leur arrivée au pouvoir, affichent leur volonté de réaffirmer la souveraineté de l’État sur l’ensemble du territoire national et en particulier à Kidal, bastion des insurrections séparatistes depuis les années 1960. La reprise de Kidal satisfait aussi les aspirations d’une partie importante de l’opinion publique. Dans les rues de la capitale Bamako, et dans bien d’autres localités du Mali, cette reconquête a accueillie par des manifestations de joie.[1] D’ailleurs, les quelques appels à la désescalade lancés à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, par des segments minoritaires de la société, ont été insuffisants pour empêcher la confrontation.[2] 

Les autorités de transition, dont la popularité s’effritait du fait des difficultés socio-économiques, dont d’importantes coupures d’électricité à Bamako, trouvent dans la prise de Kidal un moyen de redorer leur blason.[3] Elle les met également en position de force pour la prochaine élection présidentielle prévue en 2024, mais dont la date exacte doit encore être précisée après l’annonce en septembre 2023 d’un « léger report ». Une candidature issue des rangs des cinq colonels aurait des chances sérieuses de l’emporter dans les conditions actuelles. La Charte de la transition adoptée en octobre 2020 interdit en principe une telle candidature, mais des soutiens de la transition estiment que la nouvelle constitution adoptée par référendum en juin 2023 la rend désormais possible.[4]

Depuis la prise de Kidal, les affrontements entre les Fama et le CSP ont significativement diminué. Ces derniers sont principalement limités à des escarmouches ou des frappes de drones dont l’une a tué un responsable des groupes armés. Plusieurs dirigeants du CSP ont quitté le Mali, tandis qu’une partie des troupes s’est retirée plus au nord, vers les zones frontalières avec l’Algérie. En novembre 2023, le procureur de la cour d’appel de Bamako a entamé une procédure judiciaire contre plusieurs dirigeants du CSP, les accusant d’ « association de malfaiteurs » et « d’acte de terrorisme ».[5] Pour sa part, le CSP a déclaré en décembre l’instauration d’un blocus sur toutes les régions du nord du Mali, sans que cela ne soit suivi d’effets jusqu’ici, témoignant de sa faiblesse actuelle. 

Par ailleurs, les relations entre Bamako et Alger se sont davantage crispées. En décembre, l’Algérie a tenté de raviver le processus de paix en invitant plusieurs mouvements signataires de l’accord d’Alger, y compris ceux du CSP, ainsi que l’imam Mahmoud Dicko, chef religieux influent, souvent critique à l’égard des autorités de transition. Ces rencontres ont été dénoncées par les autorités maliennes, qui les ont qualifiées d’« actes inamicaux posés par les autorités algériennes, sous le couvert du processus de paix au Mali ».[6] Chacune des deux capitales a rappelé temporairement son ambassadeur pour consultations.[7] Début janvier, les deux ambassadeurs ont regagné leurs postes respectifs, laissant penser à un dégel diplomatique entre les deux pays. 

Cependant, un mois plus tard, les autorités de la transition ont mis fin à l’accord de paix et accusé l’Algérie « d’ingérence dans les affaires intérieures du Mali ».[1] Alger a rejetté ces accusations et a rappellé son rôle en faveur de la paix et de la stabilité du Mali.[2] Cette nouvelle tension, sans précédent depuis le début de la crise de 2012, risque de plonger Alger et Bamako dans une longue période de refroidissement diplomatique.[3] 


[1] « Communiqués N°064 et 065 du gouvernement de la Transition », Bamako, 25 janvier 2024.

[2] « Communiqué du Ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger », Alger, 26 janvier 2024.

[3] Entretiens Crisis Group, diplomates algériens, janvier 2024.

[1] « Scènes de liesse au Mali après la prise de Kidal par l’armée », Studio Tamani, 15 novembre 2023.

[2] Plusieurs partis politiques, dont le Parti pour la renaissance nationale, la Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance, l’Alliance pour la démocratie au Mali appellent les protagonistes à retourner à la table de négociations et à renouer le dialogue. Le Groupe de réflexion, d’actions et d’initiatives novatrices, organisation de la société civile réunissant des acteurs du secteur privé et des intellectuels, a appelé à l’apaisement et au dialogue en septembre 2023. De son côté, la Mauritanie, dont l’ancien président avait réussi à arracher un accord de cessez-le-feu en mai 2014, a dépêché son ministre des Affaires étrangères en octobre 2023 pour tenter d’apaiser la situation. «Coopération bilatérale Mali-Mauritanie : les dessous de la visite du ministre des Affaires étrangères mauritanien à Bamako», Bamada.net, 11 octobre 2023.

[3] En plus des importantes coupures d’électricité entrainant un ralentissement de l’activité économique, les conditions de vie se dégradent pour une grande partie de la population malienne. Voir aussi «Les Maliens déplorent la situation économique de leur pays, mais sont optimistes quant au futur», Great, CDD-Ghana, Afrobarometer, mars 2023.

[4] Entretiens de Crisis Group, acteurs politiques maliens, Dakar et Bamako, octobre 2023. Parmi les arguments cités pour appuyer cette thèse, il y a la révision du code électoral, notamment l’article 155, qui impose à tout militaire désireux de se porter candidat à un scrutin présidentiel de démissionner au moins quatre mois avant l’élection, au lieu de six mois aupraravant. 

[5] «Mali : la justice accuse des chefs rebelles et jihadistes de s’associer “pour semer la terreur”», RFI, 29 novembre 2023.

[6] «Alger et Bamako : rien ne va plus ?», Le Point, 27 décembre 2023.

[7] Ibid.

[8] « Communiqués N°064 et 065 du gouvernement de la Transition », Bamako, 25 janvier 2024.

[9] « Communiqué du Ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger », Alger, 26 janvier 2024.

C. Un avenir incertain

La situation actuelle est marquée par une forte incertitude sur la forme que pourrait prendre, à terme, le conflit au nord du Mali. Il semble peu probable que la reprise de Kidal mette un terme à un conflit décennal, aux racines politiques profondes. Les belligérants peuvent remporter des batailles, mais aucun ne semble en mesure de remporter la guerre par la seule voie des armes. Le président malien Assimi Goïta s’est lui-même gardé de tout triomphalisme en déclarant, le jour de la prise de Kidal, que la mission qui « consiste à recouvrer et à sécuriser l’intégrité du territoire » n’est pas « achevée ».[1] Fin décembre 2023, il a répété, dans son discours télévisé du nouvel an, le choix du gouvernement de « privilégier l’appropriation nationale du processus de paix » à travers « un dialogue direct intermalien ».[2] Le 31 janvier, un comité de pilotage de ce dialogue a été mis en place, sans représentant du CSP. Ce dernier a d’ailleurs rapidement rejeté la proposition en la qualifiant de « cinéma ».[3] Bien que le contenu du dialogue reste à définir, il inaugure un nouveau processus distinct de l’accord d’Alger et intermalien. 

Pour les autorités maliennes, le défi immédiat est de conserver le contrôle de Kidal. Elles y ont concentré d’importants moyens militaires, dont des milliers de soldats, des véhicules blindés et des moyens aériens, mais il est difficile de dire combien de temps elles pourront maintenir un tel dispositif forcément coûteux et qui fait courir le risque de dégarnir d’autres fronts.[4] Par ailleurs, même en ayant concentré de telles ressources militaires, ces ressources ne suffisent pas à établir un contrôle sur les vastes zones désertiques autour de Kidal et plus largement de l’immense région du nord malien. Dans ces zones rurales, les insurgés séparatistes et jihadistes, qui n’ont pas épuisé leurs forces dans la bataille de Kidal, pourraient relancer des actions de guérilla, en harcelant les patrouilles et les convois logistiques de l’armée.[5]


[1] «Mali : Assimi Goïta annonce que l’armée “s’est emparée” de la ville de Kidal», Agence Anadolu, 14 novembre 2023. 

[2] «Discours à la nation du président de la Transition col. Assimi Goita du 31 décembre 2023», Office de radio et télévision du Mali, 31 décembre 2023.

[3] «Annonce d’un dialogue intermalien : “la solution” pour le MSA allié de Bamako, “du cinéma” pour les rebelles du CSP», RFI, 3 janvier 2024.

[4] Voir «Mali : le Jnim revendique des attaques contre l’armée à Niafunké et Goundam», RFI, 25 novembre 2023.

[5] Le CSP déclare s’être retiré de Kidal pour des raisons tactiques, mais appelle les populations du nord à la mobilisation pour la «nouvelle étape de la lutte». «Au Mali, l’armée prend position dans Kidal», Jeune Afrique, 14 novembre 2023.

Le conflit actuel a accentué la polarisation au sein de la population malienne ... entre ceux qui soutiennent les autorités à Bamako et celles restées proches du CSP.

Le conflit actuel a accentué la polarisation au sein de la population malienne, en particulier dans les régions du nord, entre ceux qui soutiennent les autorités à Bamako et celles restées proches du CSP. Cette polarisation menace directement la coexistence pacifique entre ces communautés, dans un pays déjà confronté à un défi de réconciliation nationale. Sur les médias sociaux, les messages haineux et stigmatisants, en particulier contre le CSP et ses soutiens, se sont multipliés de façon préoccupante depuis la reprise des hostilités en août 2023.[1] Cette polarisation a installé la peur dans l’esprit de nombreux Maliens des régions du nord. 

Une partie des communautés touareg et arabes, souvent perçues comme des soutiens du CSP dans les rangs des Fama et de Wagner, ont préféré quitter les localités du nord pour trouver refuge en zones rurales ou dans les pays voisins, principalement en Algérie, en Mauritanie et au Niger.[2] Ces populations craignent des actes de vengeance, comme à l’époque des rébellions des années 1990 et 2010, lors desquelles l’armée malienne et des groupes d’autodéfense ont été accusés d’exactions contre ces communautés. Les combats ont ainsi obligé, depuis le mois d’août, plusieurs dizaines de milliers de personnes à fuir leur lieu de résidence.[3] 

Lors de leur remontée vers Kidal, des représentants du CSP ont accusé les Fama et leur allié russe de violences graves à l’encontre de civils, dont des exactions visant les populations suspectées d’alliance avec le CSP, notamment à Ersane, une localité à mi-chemin entre Gao et Kidal.[4] Les autorités maliennes ont démenti ces accusations et affirmé que les Fama agissaient dans le respect des droits humains. Elles ont accusé en retour les groupes armés, en déclarant avoir elles-mêmes découvert un charnier aux abords de Kidal.[5] 

Pour occuper le terrain et tenter de rassurer au moins une partie des communautés de Kidal, les autorités maliennes ont nommé, le 22 novembre 2023, un nouveau gouverneur de la ville. Il s’agit du général El Hadj Gamou, une figure controversée dans la région, qui a commandé la région militaire de Kidal au milieu des années 2000 et connaît personnellement certains dirigeants du CSP et du Jnim. D’origine touareg et vétéran de la rébellion des années 1990, le général Gamou est réputé être le chef militaire du Gatia, groupe avec lequel, il aurait combattu à plusieurs reprises entre 2012 et 2015 les groupes séparatistes, en particulier la CMA.[6] Celui-ci pourrait percevoir sa nomination comme une provocation. Etant issu du sous-groupe ethnique imghad, souvent décrit comme vassal et rival de la fraction des Ifoghas, à laquelle appartient la chefferie de Kidal, ainsi que certains dirigeants de la CMA, sa nomination pourrait également réveiller de vieux clivages communautaires entre ces deux groupes de population. 

La situation actuelle présente un dernier risque important pour le Mali. Les groupes jihadistes pourraient être les grands gagnants du conflit armé qui oppose les forces gouvernementales aux groupes du CSP.


[1] Dans certaines grandes villes du nord, telles que Tombouctou, Goundam, Diré, Niafunké et Rharous, cette tension est palpable. Dans ces villes où les populations sédentaires prédominantes sont les Songhay, les Peul et les Bellah, historiquement proches de Bamako, un discours anti-Azawad et favorable aux autorités de transition gagne du terrain. Entretiens de Crisis Group, habitants de Gao, Kidal et Tombouctou, août et septembre 2023.

[2] Une grande partie des combattants du CSP provient des communautés touareg et arabe, ce qui est à la base des soupçons de collusion entre des membres de ces communautés et les groupes armés.

[3] Dans la région de Kidal, le nombre de déplacés internes a plus que doublé au cours des derniers mois. Voir «Mali : Note d’informations humanitaires sur la région de Kidal», OCHA, novembre 2023.

[4] «Des civils décapités à Ersane par l’armée malienne et ses supplétifs de Wagner», RFI, octobre 2023.

[5] «L’armée du Mali annonce avoir découvert un charnier à Kidal», Deutsche Welle, 20 novembre 2023.

[6] « Mali : à quoi joue le général Gamou ? », Jeune Afrique, 18 octobre 2016.

Un combattant du Cadre stratégique permanent (CSP) à Anefis lors des affrontements entre l'armée malienne/Wagner et le CSP, octobre 2023. Souleymane Ag Anara

V. Les jihadistes, principaux bénéficiaires de la reprise du conflit ?

Bien avant la reprise du conflit au nord du Mali, les jihadistes étaient déjà les principaux bénéficiaires de la mise en œuvre laborieuse de l’accord de paix. Ils pourraient, tout comme en 2012, exploiter la reprise du conflit armé entre les Fama et les groupes politico-militaires du nord pour renforcer leur influence dans le pays.

A. Une percée des groupes jihadistes depuis 2015

Durant les huit années de piétinement autour du texte signé à Alger, les jihadistes ont tiré parti du retard dans le rétablissement de l’État pour étendre et renforcer considérablement leur position dans les zones rurales du centre et du nord du Mali. Le départ des forces internationales, à partir de 2022, a renforcé un peu plus cet avantage. 

Principale cible des opérations françaises depuis 2019, le groupe jihadiste EI-Sahel est sans doute, pour l’heure, le grand gagnant du démantèlement de l’architecture internationale de stabilisation. Le retrait des forces internationales, en particulier françaises de l’opération Barkhane et européenne de la mission Takuba très présentes dans son bastion de la région de Ménaka, lui a permis d’élargir et de renforcer ses positions. En outre, galvanisé par un nouveau dirigeant, Abou al-Bara al-Saharaoui nommé en 2022 après la mort de son fondateur Adnane Abou Walid al-Saharaoui, et fort d’un arsenal de guerre acquis lors des attaques contre plusieurs bases militaires de la région, l’EI-Sahel a lancé de nouvelles offensives, au cours de ces deux dernières années. À partir d’avril 2023, ses combattants ont réussi à prendre le contrôle de la région de Ménaka, à l’exception de la ville éponyme, ainsi que d’une partie de la région de Gao, étendant la zone d’influence du groupe jusqu’aux portes de la région de Kidal. Ce faisant, ils ont progressivement conquis des zones auparavant contrôlées par les groupes armés signataires et le Jnim.[1] 

De son côté, le Jnim a également profité du retrait des forces internationales pour se renforcer. Ses dirigeants et combattants peuvent désormais se déplacer avec plus de facilités, sans craindre les frappes des forces françaises. Malgré un certain affaiblissement lié à l’élimination de plusieurs de ses chefs militaires par les forces françaises et aux affrontements avec l’EI-Sahel, le Jnim a consolidé et étendu ses positions au-delà de ses bastions historiques. À travers des attaques, il a notamment renforcé sa présence dans de nouvelles zones du centre et du sud du pays.[2]

Les autorités de transition peinent à endiguer ces dynamiques d’expansion jihadiste. Elles concentrent leurs opérations de lutte contre les jihadistes dans les régions du centre, plus peuplées et proches de Bamako, mais sans parvenir à les repousser ni à contenir leur progression vers les régions du sud. Au nord, les Fama maintiennent certes leur présence dans les grandes villes et même des bourgades, telles que Gossi, Tessit et Labbezanga, situées respectivement dans les régions de Tombouctou, Gao et Ménaka. Elles organisent également des patrouilles ponctuelles, souvent en compagnie de leurs alliés russes, et bombardent parfois les zones occupées par le Jnim et l’EI-Sahel, mais sans faire de la lutte contre ces groupes leur priorité. Elles semblent laisser ces groupes jihadistes s’affronter entre eux, dans l’espoir qu’ils se neutralisent mutuellement.[3] Cependant, le Jnim et l’EI-Sahel ont continué leurs attaques contre les Fama. Bien que les luttes intestines entre Jnim et l’EI-Sahel aient entrainé des pertes importantes des deux côtés, leur capacité de nuisance reste intacte. 

Les groupes jihadistes ont progressé dans les zones rurales, mais le départ des forces internationales ne leur a pas permis de remporter un avantage décisif sur les forces maliennes. Les insurgés restent incapables de contester à l’État la maitrise des espaces urbains, ni même des grands axes de circulation qui les relient. 


[1] « Rapport final du Groupe d’experts créé en application de la résolution 2374 (2017) du Conseil de sécurité sur le Mali », Conseil de sécurité des Nations unies, 3 août 2023. 

[2] Le Jnim a multiplié ses attaques autour des forêts proches de Bamako et publié des vidéos de propagande pour marquer sa présence dans ces forêts. On y voit des combattants issus des communautés du sud du pays, notamment des Sénoufos, des Bobos et des Bambaras. Au-delà du Mali, le Jnim a également étendu sa présence ces dernières années dans plusieurs pays de la région, dont le Burkina Faso, le Niger, le Bénin, le Togo et la Côte d’Ivoire. Voir le briefing Afrique N°192 de Crisis Group, Empêcher les jihadistes de pénétrer dans le nord de la Côte d’Ivoire, 11 août 2023, ainsi que le rapport Afrique N°310 de Crisis Group, Contenir l’insurrection jihadiste dans le Parc W en Afrique de l’Ouest, 26 janvier 2023. 

[3] Entretiens de Crisis Group, officier de l’armée et haut cadre de l’administration, Bamako, juin 2023.

B. Les jihadistes impliqués dans les derniers combats contre les forces gouvernementales ?

Depuis août 2023 et la reprise des hostilités entre les autorités maliennes et les désormais ex-groupes armés signataires, les affrontements directs entre l’EI-Sahel et le Jnim ont considérablement diminué. Un accord ou du moins un cessez-le-feu entre les deux entités jihadistes qui ont des adversaires en commun, à savoir l’État malien et Wagner, ne peut pas être écarté.[1]

Le Jnim préfère concentrer ses actions contre les forces gouvernementales, qui apparaissent comme une menace plus immédiate. En août 2023, son émir pour la région de Tombouctou, Talha Al-Libi, a appelé, les « moudjahidines » à s’en prendre aux Fama, à leurs partenaires russes et à tous ceux qui les soutiennent.[2] En août et septembre, le mouvement a lancé plusieurs attaques d’envergure contre des positions de l’armée malienne, notamment à Ber et Acharan dans la région de Tombouctou, mais aussi à Gao et à Bamba, dans la région de Gao. L’une des attaques les plus marquantes a eu lieu le 7 septembre, contre un bateau de transport reliant Gao à Tombouctou ; cette attaque a fait une cinquantaine de morts selon un bilan officiel.[3] La branche du Jnim à Tombouctou, active dans la zone, a nié sa responsabilité dans cette attaque..[4]


[1] Des rumeurs, que Crisis Group ne peut ni confirmer ni infirmer, ont circulé sur les réseaux sociaux, faisant état d’un possible accord entre l’EI-Sahel et le Jnim dans la région de Ménaka. Ces rumeurs sont également alimentées par l’absence d’affrontements entre eux dans la région de Ménaka depuis septembre 2023, alors qu’ils étaient fréquents auparavant. Cependant, dans une vidéo récente publiée en décembre 2023, Iyad ag Ghali, le chef du Jnim, continue de désigner l’EI-Sahel comme son ennemi, l’accusant d’apostasie. Voir la vidéo «Dieu soutient, certes, ceux qui soutiennent (Sa Religion)», al-Zallaqa (principal canal médiatique du Jnim), 12 décembre 2023.

[2] Ces audios ont circulé sur différentes plateformes numériques, notamment WhatsApp. Crisis Group dispose des copies de ces enregistrements.

[3] Des sources locales font état de plus de cent morts dans l’attaque, comprenant des civils et des militaires. «A bord du Tombouctou, ceux qui étaient coincés à l’intérieur y sont restés», Jeune Afrique, 15 septembre 2023.

[4] Voir «Déclaration de la Province de Tombouctou (Wilayat Timbuktu, in Arabic) N° 3/45», Jnim, 23 septembre 2023.

Le Jnim a ... imposé un blocus sur Tombouctou pour contraindre les populations à ne pas collaborer avec les forces maliennes.

En septembre, le Jnim a également imposé un blocus sur Tombouctou pour contraindre les populations à ne pas collaborer avec les forces maliennes.[1] Après des semaines de pénurie dans la ville, le blocus a cependant été assoupli à la suite de négociations menées par les notables de l’agglomération.[2] En décembre, le Jnim a affirmé avoir rétabli le blocus, dénonçant le fait que sa levée profitait avant tout à leur ennemi.[3]

L’EI-Sahel, quant à lui, est resté en retrait des principaux affrontements entre les Fama, le CSP et le Jnim, qu’il considère tous comme des ennemis. Ses bastions dans la région de Ménaka sont éloignés des zones de combat à Tombouctou, Gao, et Kidal. En août et novembre derniers, la rétrocession des camps de la Minusma de Ménaka et Ansongo, deux villes dans la zone d’influence de l’EI-Sahel, mais dans lesquelles les Fama disposent de bases militaires, s’est déroulée sans accroc. En décembre, l’EI-Sahel a néanmoins lancé deux attaques contre les Fama, à Ménaka et Labbezanga, entraînant la mort de dizaines de soldats.[4]

À ce jour, le CSP et le Jnim ne semblent pas avoir établi d’alliance formelle car, si le CSP et le Jnim ont les mêmes ennemis, ils n’ont, en revanche, pas les mêmes objectifs. Plusieurs dirigeants du CSP ont, jusqu’ici, écarté toute éventualité d’alliances avec les jihadistes du Jnim. Les dirigeants du CSP affirment qu’une alliance avec le Jnim n’est « ni une réalité ni une option ».[5] De son côté, en décembre, le Jnim a publié une vidéo de son dirigeant, Iyad ag Ghali, dans laquelle il réaffirme son objectif d’imposer la charia dans l’ensemble du Sahel.[6]

De plus, il y a un passif non encore soldé entre les dirigeants du Jnim et ceux du CSP. En 2012, ils ont collaboré pour chasser les Fama et prendre le contrôle des régions de Gao, Tombouctou et Kidal. Cependant, par la suite, les jihadistes ont écarté les séparatistes du contrôle de ces régions. Puis, en 2014-2015, une partie du MNLA, un groupe appartenant à la CMA, s’est alliée aux forces françaises pour combattre les jihadistes. En représailles, ces derniers ont assassiné plusieurs cadres du MNLA.[7] Depuis, des négociations entre les deux mouvements ont permis de réduire les tensions, mais le MNLA continue de considérer le Jnim comme un ennemi.[8]

Pourtant, même si les deux parties continuent d’afficher leurs divergences comme en 2012, la perspective d’une alliance entre séparatistes et jihadistes n’est pas à écarter. Ces derniers mois, les différents groupes n’ont certes pas noué d’alliances formelles, mais les dirigeants du Jnim et du CSP ont tenu des réunions pour tenter de coordonner leurs actions sur le terrain et leurs combattants échangeaient des informations.[9] Sans qu’une coordination formelle puisse être établie, ils attaquaient les forces armées maliennes chacun de leur côté, mais lors d’une même séquence. Lors d’une réunion avec des dirigeants des mouvements signataires en début d’année, Iyad ag Ghali leur aurait proposé de se joindre à lui pour lutter contre l’EI-Sahel, mais sans transiger avec son objectif d’imposer la charia dans le nord du Mali.[10] 


[1] Ce blocus peut être également interprété comme une punition à l’encontre des habitants de Tombouctou, dont certains ont exprimé publiquement leur soutien à la reprise des camps de Ber par les Fama et leurs alliés russes. Dans un enregistrement audio, le Jnim a critiqué ces manifestations de joie en faveur des Fama. Il est à noter qu’en 2022, le Jnim a déjà mis en œuvre avec succès cette tactique de blocus dans des localités telles que Boni, Gossi et Hombori. Voir «Blocus sur l’axe Boni-Hombori : le GSIM installe des barrages et cible les Fama», Maliactu, 30 juin 2022.

[2] Communications électroniques de Crisis Group, habitants de Tombouctou et ressortissants de cette région, novembre 2023.

[3] Voir communiqué du Jnim, wilayat Tombouctou, N° 5/45, 11 décembre 2023.

[4] «Ménaka, Labbezanga … cinq attaques jihadistes au Mali dimanche, plusieurs dizaines de soldats tués», RFI, 4 décembre 2023.

[5] «Mali : Attaye ag Mohamed : “L’action du CSP c’est de la légitime défense. Nous n’avons pas de nouvelles revendications”», RFI, 28 septembre 2023.

[6] «Dieu soutient, certes, ceux qui soutiennent (Sa Religion)”, op. cit. 

[7] Entretiens de Crisis Group, cadres du MNLA, Niamey et Bamako, février et juin 2023. 

[8] Ibid.

[9] Une réunion entre les dirigeants du Jnim et du CSP a eu lieu entre Anéfis et Kidal en octobre 2023 au cours de laquelle les deux parties ont discuté de leur strategie militaire pour faire face à l’avancée des Fama vers Kidal. Le Jnim aurait denandé et obtenu du soutien en véhicules auprès du CSP. Communication éléctronique de Crisis Group, combattant du CSP, janvier 2024.

[10] Des acteurs présents à ces rencontres confient à Crisis Group : «En gros, Iyad nous a demandé d’abandonner notre lutte pour nous joindre à lui». Entretien de Crisis Group, Bamako, juin 2023. 

C. Des conséquences humanitaires préoccupantes et un risque d’élargissement régional

Les conséquences de la montée en puissance des jihadistes et de la reprise des combats entre les Fama et le CSP demeurent inquiétantes. La progression des différents groupes jihadistes a contribué à une forte détérioration de la situation humanitaire, en particulier dans les zones d’activité de l’EI-Sahel. Ce groupe persécute les populations perçues comme hostiles à sa présence, forçant beaucoup à l’exil, et obligeant les autres à vivre sous son joug. Ces violences ont engendré un climat d’insécurité, détruit les moyens de subsistance, et entraîné des déplacements internes et transfrontaliers de populations fuyant les violences. 

De son côté, le Jnim, grand adversaire de l’EI-Sahel, apparait jusqu’ici plus soucieux que son rival d’offrir une forme de protection aux populations des zones qu’il contrôle. Même si le JNIM peut exercer des pressions et même des violences à l’encontre des civils dans les espaces qu’il contrôle, le groupe se présente comme le principal protecteur des populations face aux violences de l’EI-Sahel. Entre janvier et février 2023, Iyad ag Ghali, s’est rendu dans plusieurs localités des régions de Kidal, Ménaka, et Gao, pour solliciter l’appui des populations dans la lutte contre l’EI-Sahel.[1] Selon plusieurs sources, certains civils ont fourni un soutien financier au Jnim et d’autres ont rejoint ses rangs, à la suite de ces visites.[2]

Les combats des derniers mois ont néanmoins accentué la crise humanitaire, déjà importante ces dernières années. Dans de nombreuses localités du nord du Mali, l’accès à l’alimentation, à l’éducation et à la santé s’est considérablement détérioré.[3] Selon un rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, à Gao et Ménaka, respectivement 68 et 60 pour cent des ménages ont fait face à l’insécurité alimentaire au cours de la deuxième moitié de 2023, poussant de nombreux jeunes et femmes à la mendicité.[4]


[1] Des photographies publiées par al-Zallaqa et datées du 21 janvier 2023 montre Iyad ag Ghali assis avec des personnes présentées comme des notables communautaires de la région de Ménaka lui présentant leur allégeance. Documents consultés par Crisis Group, août 2023.

[2] Certaines communautés de cette région auraient donné jusqu’à 30 millions de francs CFA (soit 45000 euros) au Jnim en guise de contribution aux efforts de guerre entrepris par Iyad contre l’EI-Sahel. Entretien de Crisis Group, chef d’un groupe armé du nord du Mali, Bamako, juin 2023. Voir « Rapport final du Groupe d’experts », op. cit.

[3] «Évaluation de la situation humanitaire dans la zone des trois frontières», USAID et Reach, septembre 2023.

[4] «Mali DIEM : données en situations d’urgence, bulletin de suivi, cycle 6», Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), décembre 2023. 

Depuis août 2023, plus de 600 personnes ont perdu la vie dans des incidents en lien avec la reprise des hostilités au nord du Mali, dont près de la moitié était des civils.

Les combats se soldent également par un lourd bilan humain. Depuis août 2023, plus de 600 personnes ont perdu la vie dans des incidents en lien avec la reprise des hostilités au nord du Mali, dont près de la moitié était des civils, selon un décompte réalisé par l’ONG Acled (Armed Conflict Location and Event Data Project). Selon un rapport du Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires, le nombre de déplacés internes dans la région de Kidal, qui comptait moins de 70000 habitants lors du recensement de 2009, a connu une augmentation de 116 pour cent, passant de 14964 en décembre 2022 à 32394 en septembre 2023.[1] La situation est d’autant plus préoccupante que les zones contrôlées par les insurgés sont difficiles d’accès pour les acteurs humanitaires.[2]

Enfin, la détérioration de la situation sécuritaire dans le nord du Mali menace les pays voisins, dont certains sont déjà dans une situation précaire, d’un risque de déstabilisation supplémentaire. Des milliers de civils ont fui les combats pour se réfugier en Mauritanie, au Niger et en Algérie, y rejoignant des dizaines de milliers d’autres réfugiés déjà présents depuis le début du conflit en 2012.[3]

Le risque de propagation des récents affrontements vers les pays voisins est limité, mais n’est pas pour autant négligeable. Dans les années 1990 et 2000, les rébellions indépendantistes dans les régions nord du Mali et du Niger se sont mutuellement influencées. Créée en septembre 2023, l’AES a déjà joué un rôle en soutenant la reconquête de Kidal.[4] Plusieurs sources affirment, en effet, que l’appui de Ouagadougou et de Niamey a été important lors de cette offensive.[5] Parallèlement, au sein des communautés arabo-touareg de la région du Sahel, des voix se sont élevées pour exprimer leur solidarité avec le CSP. Au Niger, des partisans du président Bazoum, destitué en juillet, quelques semaines avant le déclenchement des hostilités dans le nord du Mali, ont appelé à la mobilisation des Touareg nigériens en faveur du CSP, en réaction au soutien des autorités maliennes à la junte nigérienne.[6] Bien que d’autres voix au sein de ces mêmes communautés ont appelé au calme, des dizaines de combattants nigériens semblent avoir rejoint les rangs du CSP.[7]


[1] Voir «Mali : Note d’informations humanitaires sur la région de Kidal», Bureau des Nations Unies pour la coordination des Affaires humanitaires, 8 novembre 2023.

[2] Le personnel humanitaire négocie néanmoins avec les groupes jihadistes pour accéder aux populations dans le besoin, cela avec un succès inégal. Entretiens de Crisis Group, acteurs humanitaires, Bamako et Gao, juin-juillet 2023.

[3] Voir «Niger : Situation des réfugiés maliens», Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, 31 juillet 2022.

[4] «Communiqué du gouvernement du Burkina Faso sur la libération de Kidal», 14 novembre 2023 ; «Le Niger félicite le Mali pour la reprise de Kidal», Africanews, 16 novembre 2023.

[5] «Comment le Niger et le Burkina Faso ont contribué à l’offensive de l’armée malienne sur Kidal ?», RFI, 17 novembre 2023.

[6] «Mali : la colonne de l’armée progresse lentement dans la région de Gao», RFI, 3 octobre 2023.

[7] Selon des sources ayant participé aux combats entre les Fama et le CSP, des combattants nigériens transportés sur sept pick-ups ont traversé la frontière entre le Niger et le Mali pour combattre aux côtés du CSP. Entretien de Crisis Group, cadre du CSP, février 2024.

Femmes et enfants dans le camp de déplacés d'Intikwa à Kidal, octobre 2023. Souleymane Ag Anara

VI. Revenir au dialogue pour résoudre durablement la crise

La reconquête de Kidal par les Fama représente un succès majeur pour les autorités de transition. Cependant, cette victoire est loin de marquer la fin du conflit et l’amorce d’une paix durable. Au mieux, les autorités maliennes pourront consolider leur présence dans les principaux centres urbains du nord, mais sans pouvoir asseoir leur domination sur les vastes zones rurales qui les entourent. Au pire, elles pourraient s’embourber dans un engrenage de violence, mettant à l’épreuve à la fois les forces armées et les populations civiles qu’elles cherchent à protéger. Ainsi, il est difficile d’imaginer le rétablissement de la paix dans le nord du Mali sans un processus politique favorisant le dialogue et la réconciliation entre les parties en conflit.

En ce sens, la décision des autorités maliennes d’ouvrir un dialogue intermalien, quelques semaines après la reprise de Kidal, redonne une chance à la négociation. En lançant un nouveau processus de dialogue, à la fin de décembre 2023, elles ont enterré un peu plus l’accord d’Alger, avant de le déclarer complètement caduc en janvier 2024. Ce dialogue intermalien ouvre de nouvelles perspectives de résolution politique du conflit, que l’ensemble des protagonistes devraient saisir plutôt que de s’enliser dans un conflit sans vainqueur définitif possible. 

Alors que les contours de ce nouveau processus restent à définir, trois options se présentent aux autorités de transition : un dialogue national avec les forces vives ; un dialogue avec les groupes armés signataires, notamment le CSP, permettant de traiter des questions spécifiques telles que le désarmement et la réintégration des anciens combattants ; et enfin un dialogue élargi à tous les groupes armés, y compris jihadistes, présents sur le territoire national. Chacune de ces options comporte des avantages certains, mais aussi des limites non négligeables. Les autorités pourraient d’ailleurs les envisager comme trois séquences complémentaires d’un même processus qui chercherait à devenir de plus en plus inclusif. 

A. Option 1 : engager un dialogue national avec les forces vives

Les autorités de transition pourraient faire le choix de privilégier un dialogue intermalien avec les forces vives de la nation, sans se limiter à la seule question du Nord, mais en l’incluant. Celui-ci pourrait prendre la forme d’assises nationales ouvertes aux forces politiques et sociales, notamment les partis politiques, les organisations de la société civile, les représentants traditionnels et les responsables religieux les plus respectés. 

Cette voie est celle que les autorités à Bamako semblent emprunter actuellement. Dans son message à la nation, fin décembre 2023, le président Goïta a précisé que le dialogue intermalien vise à « éliminer les racines des conflits communautaires et intercommunautaires ».[1] Dans la foulée, le gouvernement a organisé des rencontres avec les autorités religieuses et les chefferies traditionnelles pour recueillir leurs points de vue, mais aussi les inciter à porter l’initiative. Le 31 janvier, un comité de pilotage composé de 140 membres porté à 156 membres le 2 février a été mis en place par les autorités maliennes pour orienter ce processus.[2] Cette nouvelle structure, dirigée par Ousmane Issoufi Maïga, ancien premier ministre (2004-2007) et originaire de la région de Gao, rassemble notamment des représentants de partis politiques, de la société civile, des forces de défense et de sécurité ainsi que des personnalités issues du centre et du nord. Les autorités maliennes travaillent donc à élargir la base de soutien à ce nouveau processus.


[1] «Discours à la nation du président de la Transition », op. cit. 

[2] « Décret N°2024-0061/PT-RM du 31 janvier 2024 portant nomination des membres du comité de pilotage du dialogue inter-maliens pour la paix et la réconciliation nationale », Journal officiel de la république du Mali, 31 janvier 2024.

Cette initiative a l’avantage d’associer les forces civiles, notamment les jeunes et les femmes, que les processus précédents ... avaient largement marginalisées.

Cette initiative a l’avantage d’associer les forces civiles, notamment les jeunes et les femmes, que les processus précédents, notamment celui d’Alger, avaient largement marginalisées. De manière générale, l’idée d’un tel dialogue suscite surtout l’intérêt des formations politiques siégeant à Bamako, d’organisations de la société civile et des groupes armés signataires proches du gouvernement, notamment le MSA et le Gatia.[1]

Un tel dialogue, centré sur ces catégories d’acteurs, présente d’évidentes limites. Les autorités maliennes ont déjà lancé, au cours de la dernière décennie, des consultations ou des forums inter et intracommunautaires de ce type, sans résultat convaincant. Ces processus sont, en effet, largement orientés par les autorités. Les participants sont sélectionnés en fonction de leur proximité avec le pouvoir, les consultations se révèlent souvent factices, les conclusions des délibérations reflétant, in fine, les vues du pouvoir central plus que celles des parties prenantes. Ensuite, ce processus basé sur les forces civiles risque d’exclure une grande partie des groupes armés. Ceux qui sont proches de Bamako expriment leur soutien à l’initiative, mais les autorités ne semblent pas faire de l’implication des groupes restés au sein du CSP une priorité, comme en témoignent la décision de poursuivre en justice les principaux responsables du CSP et l’absence de ses représentants au sein du Comité de pilotage.

Dans ce format de dialogue, les participants pourraient tenter de trouver des solutions aux questions qui divisent les Maliens et alimentent les conflits. Parmi celles-ci, le retour de l’État dans les zones où il a été absent depuis plus d’une décennie, le développement des zones périphériques comme celles du nord – dont les populations s’estiment laissées pour compte –, le retour des personnes déplacées, y compris celles qui ont quitté leur foyer à partir de 2012, et la gouvernance des zones rurales, notamment en matière d’accès et de gestion des ressources naturelles. Ce sont là des questions importantes, souvent discutées par le passé, mais qui n’ont jusqu’ici pas trouvé de solution, en partie par manque de volonté politique et d’investissements financiers adéquats. Les autorités de transition, si elles sont sincères dans leur volonté de construire un nouveau Mali, tiennent là une occasion de faire une différence majeure avec leurs prédécesseurs. 

Un processus intermalien centré sur le dialogue avec les principales forces politiques et sociales aurait l’avantage d’inclure des acteurs qui étaient absents des processus précédents. Bien qu’il exclut une partie des belligérants, ce dialogue offre néanmoins une opportunité aux forces vives de la nation d’influencer les choix des autorités pour une résolution pacifique de la crise au nord du Mali. Les participants pourraient, en effet, débattre et suggérer les contours d’une offre politique que les autorités de transition présenteraient ensuite aux groupes armés du CSP, voire aux jihadistes, en vue de les inciter à déposer les armes. Les participants de ce dialogue intermalien pourraient même envisager de donner un mandat au gouvernement de transition pour entamer des discussions avec les insurgés. Une telle démarche permettrait de conférer à ces discussions une forme de validation populaire qui a fait défaut à l’accord d’Alger. 


[1] Entretiens téléphoniques de Crisis Group avec des responsables politiques et des acteurs de la société civile, Bamako, janvier 2024. Voir aussi « Annonce d’un dialogue intermalien : ‘la solution’ pour le MSA allié de Bamako, ‘du cinéma’ pour les rebelles du CSP », RFI, 3 janvier 2024.

B. Option 2 : renouer le dialogue avec les groupes armés signataires du CSP

Une deuxième option pour les autorités maliennes serait de renouer le dialogue avec les groupes armés du CSP, afin de mettre fin aux hostilités et se donner les moyens de construire une véritable paix durable. Il s’agit aussi pour les autorités maliennes d’apporter des réponses à des enjeux spécifiques au nord du pays, notamment le désarmement et la réintégration des anciens combattants, ce qui peut difficilement se faire sans rétablir un dialogue avec les groupes armés du CSP. Ces pourparlers pourraient donc s’inscrire dans le cadre du dialogue intermalien lancé par le président Goïta. Une autre solution serait un processus parallèle et distinct qui réunirait, au moins initialement, les seuls acteurs en armes, afin de permettre plus facilement de vaincre les méfiances actuelles et encourager les groupes armés à rejoindre cette initiative. 

Les parties au conflit n’ont, ni l’une ni l’autre, la mainmise sur l’ensemble du territoire au nord du Mali, et n’ont donc pas intérêt à voir le conflit s’enliser. Les autorités maliennes contrôlent essentiellement les zones urbaines, alors que les zones rurales restent aux mains des groupes armés. Ces dernières, que le pouvoir central peine à occuper et à gouverner, pourraient devenir l’enjeu de nouveaux combats. Les affrontements pourraient s’embourber et les populations civiles en feraient les frais. Au regard de cette situation, Bamako aurait donc tout intérêt à renouer le dialogue et à s’engager sur la voie d’un cessez-le feu. En position de faiblesse après leur fuite de Kidal, les groupes rebelles n’ont, quant à eux, rien à gagner dans la poursuite d’un conflit armé, qui a toutes les chances d’être long et destructeur, tant pour eux que pour les communautés qu’ils veulent représenter.

Première étape pour renouer le dialogue et s’engager sur la voie d’un cessez-le feu, les belligérants devront sans doute identifier un ou plusieurs médiateurs. Cette médiation devrait avoir la confiance des deux camps pour pouvoir conduire des pourparlers et aider à garantir, le cas échéant, le respect du cessez-le-feu. Une médiation conduite par un ou plusieurs acteurs nationaux apparaît comme une solution plus acceptable par les belligérants dans le contexte actuel. Le Haut conseil islamique (HCI), qui regroupe les différentes organisations islamiques du pays, bénéficie à la fois de la légitimité populaire et d’une assise nationale lui permettant de jouer un rôle clé dans un tel processus. D’autres personnalités ayant des accès privilégiés aux groupes armés du CSP, ainsi que les notabilités du nord – tels que les chefs des grandes factions touareg de Kidal qui n’ont pas rompu avec Bamako – pourraient y être associées. 

De leur côté, les partenaires internationaux ne devraient pas chercher à jouer un rôle majeur dans ce processus comme ils l’ont fait pour l’accord de paix de 2015. C’est notamment le cas pour l’Algérie. Cette dernière a rappellé ces dernières semaines son rôle en faveur de la paix et de la stabilité du Mali. Cette implication s’explique notamment par sa proximité géographique avec le nord du Mali. La reprise des affrontements et l’abandon de l’accord signé sous son égide la touchent directement. Bamako et Alger, dont les relations se sont récemment refroidies, ont cependant toutes les deux intérêt à éviter la rupture et devraient travailler au rétablissement de liens de confiance. 

Les parties belligérantes devraient également s’entendre sur des mesures de confiance mutuelle.

Les parties belligérantes devraient également s’entendre sur des mesures de confiance mutuelle. Bamako y trouverait son intérêt dans la mesure où elle a atteint ses principaux objectifs militaires, qui visaient à reprendre le contrôle de toutes les anciennes bases de la Minusma et à reconquérir Kidal, fief des rebelles.[1] Pour consolider ces acquis, les autorités maliennes peuvent s’appuyer dans un premier temps sur des représentants de la communauté touareg qui leur sont favorables. Cette manière de gouverner n’est cependant pas sans rappeler la gestion des régimes précédents qui ont souvent recouru à la cooptation d’élites du nord, sans que cela ne suffise à apaiser durablement les tensions qui agitent cette partie du pays. Pour apporter une réponse durable à la crise au Nord, les autorités devraient tendre largement la main aux insurgés du CSP. En gage de bonne volonté, elles pourraient, dans un premier temps, lever les poursuites judiciaires qui pèsent sur les principaux responsables du CSP et qui constitueraient un obstacle à leur participation à d’éventuels pourparlers de paix. 

Les groupes rebelles, actuellement en position de faiblesse militaire, ont la possibilité de ramener leur lutte vers le terrain politique en renouant le dialogue avec les autorités maliennes. Ils pourraient tirer des enseignements de l’expérience du dialogue politique mené au Niger entre 2007-2010, entre les autorités à Niamey et les rebelles touareg du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ). À cette période, le MNJ était également défait militairement. Le dialogue lui a permis de rejoindre la sphère politique, au niveau local et national, grâce à des élections locales et régionales ou encore grâce à des nominations à des postes de responsabilités, y compris au sein du gouvernement. Il a favorisé le retour de la paix dans la région d’Agadez, ancien bastion de la rébellion, ainsi que la reprise des activités économiques et la relance des projets de développement par l’État et les partenaires internationaux. 

Le CSP pourrait, de son côté, envoyer un signal positif en élargissant la fin de son blocus à l’ensemble des régions du nord et en répondant favorablement aux initiatives de dialogue direct si le gouvernement fait un pas vers lui. En février, le CSP a déclaré la levée du blocus sur les villes de Tombouctou et de Gao. Les régions de Ménaka, Kidal et Taoudeni restent par contre sous blocus.[2] En janvier, les autorités ont également tendu la main aux rebelles, en appelant « les frères égarés » ou encore les « Maliens de tous les bords » à renouer le dialogue dans le cadre du processus intermalien.[3] Un tel dialogue offrirait au CSP l’opportunité, malgré sa position de faiblesse actuelle, de ne pas ruiner tous les fragiles acquis obtenus dans le cadre de l’accord d’Alger, notamment en matière de prérogatives dévolues aux pouvoirs locaux.

Ces pourparlers pourraient notamment capitaliser sur les acquis obtenus au cours des huit années de mise en œuvre, certes laborieuse, de l’accord d’Alger. Des progrès significatifs ont été réalisés dans le cadre de la réforme de la décentralisation, avec l’adoption de textes de loi visant à rationaliser l’organisation territoriale du pays, à renforcer les prérogatives des autorités locales, et à rendre les institutions politiques plus inclusives. Ces réformes ne bénéficient pas seulement à la stabilisation des régions du Nord, mais contribuent également à accroître l’efficacité de la gouvernance locale à l’échelle nationale.

De plus, les efforts de désarmement et d’intégration des combattants rebelles au sein des forces de défense et de sécurité maliennes devraient être poursuivis. Dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord d’Alger, les parties ont réussi à créer plusieurs unités mixtes composées des Fama et des groupes armés signataires. Ces unités ont été déployées dans les régions du Nord, avant que les tensions actuelles ne compromettent leur présence. La relance de ce dispositif pourrait servir de point de départ pour la reprise du processus de désarmement et l’intégration des combattants rebelles.

Enfin, les institutions et autres structures créées dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord d’Alger sont autant de canaux et de points d’entrée pouvant servir à relancer un dialogue avec les groupes armés du CSP. L’expérience acquise à travers les actions menées ces dernières années au sein du ministère de la réconciliation et d’autres structures comme les commissions en charge de désarmement et de l’intégration peut, quant à elle, servir à ne pas répéter les erreurs ayant conduit à l’échec de l’accord d’Alger. 


[1] Les Fama ont annoncé, le 20 décembre 2023, leur entrée dans la localité d’Aguelhok, abritant le dernier camp de la Minusma qui restait encore hors de leur contrôle. Cette étape marque ainsi la fin de la reprise de tous les anciens camps de la Minusma. 

[2] Voir communiqué du CSP publié le 10 février 2024.

[3] «Le dialogue inter-malien : une voie vers la paix ?», Studio Tamani, 5 janvier 2024.

C. Option 3 : Construire un nouveau pacte national

La troisième option, qui complèterait les deux précédentes, consisterait, pour les autorités maliennes, à faire de la remise en cause de l’Accord d’Alger une occasion inédite d’engager un dialogue élargi à l’ensemble des groupes armés présent sur le territoire malien, y compris ceux qui, parmi les jihadistes, en accepteraient le principe. Jusqu’ici les tentatives de vastes concertations nationales, comme les discussions avec les groupes armés dans le cadre de l’accord d’Alger, ont buté sur une limite fondamentale : ils n’intègrent pas les insurgés jihadistes alors que ceux-ci sont les principaux responsables des affrontements depuis dix ans.

Les autorités maliennes pourraient s’inspirer du modèle de Pacte national, processus inclusif ayant associé l’ensemble des groupes armés rebelles du début des années 1990. À cette époque, l’idée d’initier un dialogue avec les groupes séparatistes soulevait autant de questions que celle d’engager des pourparlers avec les jihadistes aujourd’hui. Mais, la volonté des autorités de l’époque d’accepter le dialogue avec les insurgés pour permettre la paix a prévalu. Ce pacte, signé en 1992 entre l’État et les mouvements séparatistes arabo-touareg, n’a certes jamais été complètement appliqué. Il avait cependant marqué à l’époque la démarche volontariste des dirigeants maliens, visant à transformer profondément leur République pour construire la paix.[1] 

Cette troisième option est incontestablement plus compliquée à mettre en œuvre, car beaucoup plus ambitieuse et cherchant à associer des protagonistes aux intérêts souvent perçus comme incompatibles. Le dialogue avec les jihadistes s’annonce difficile et incertain. Ni les autorités de transition ni les jihadistes n’en manifestent réellement la volonté. En 2020, à la suite de demandes populaires pressantes et face à une dégradation croissante de la situation sécuritaire, le président Keïta avait pourtant annoncé son souhait d’entamer ce dialogue. Les dirigeants du Jnim, tout en posant des conditions, en avaient accepté le principe. Mais la destitution du président Keïta quelques mois plus tard a coupé court à ces initiatives.[2] Les autorités de transition actuelles, contrairement à leurs prédécesseurs, se sont peu intéressées à l’idée d’engager des pourparlers avec ces insurgés pour sortir de la crise. De leur côté, Iyad ag Ghali a récemment réaffirmé son rejet de la laïcité – un principe encore défendu récemment par le président Assimi Goïta – et exigé l’application de la charia sur l’ensemble du territoire.[3]


[1] Pacte national signé entre le gouvernement du Mali et les Mouvements et Fronts unifiés de l’Azawad, 11 avril 1992.

[2] Cette question a été retenue par les autorités maliennes lors de la première phase de la transition (octobre 2020-mai 2021) comme une piste supplémentaire à l’action militaire pour juguler l’insécurité. « Moctar Ouane, premier ministre malien : nous combattrons le terrorisme, quel qu’il soit », RFI, 5 mars 2021. 

[3] «Dieu soutient, certes, ceux qui soutiennent (Sa Religion)», op. cit.

Le dialogue avec les jihadistes peut faciliter des cessez-le-feu ... et créer les conditions nécessaires pour permettre la démobilisation partielle des combattants jihadistes.

Néanmoins, ces obstacles ne sont pas rédhibitoires. Ces dernières années, les multiples pourparlers entre les communautés locales, les groupes d’auto-défense et les jihadistes démontrent la possibilité d’engager des discussions et même de trouver des compromis, au moins à l’échelle locale. Comme en témoignent l’expérience du Burkina Faso en 2020 et celle du Niger entre 2015 et 2022, le dialogue avec les jihadistes peut faciliter des cessez-le-feu, même s’ils sont temporaires, et créer les conditions nécessaires pour permettre la démobilisation partielle des combattants jihadistes.[1] Dans ses précédents rapports sur le Mali, Crisis Group a formulé une série de propositions concrètes sur les moyens de matérialiser le dialogue, notamment avec les jihadistes du Jnim.[2]

Par ailleurs, au sein de leur nouvelle alliance, l’AES, les autorités du Mali, du Niger et du Burkina Faso, confrontées aux mêmes groupes jihadistes, le Jnim et l’EI-Sahel pourraient envisager de coordonner leurs efforts en matière de dialogue avec ces groupes pour plus d’efficacité. Cette coordination renforcerait leur position vis-à-vis des insurgés lors de négociations, et permettrait de prévenir le risque que des pourparlers et d’éventuelles accalmies dans un pays ne poussent les jihadistes à se déplacer vers un autre. Alors qu’ils cherchent plus d’efficacité en mutualisant leurs moyens militaires contre ces groupes transfrontaliers, ils pourraient aussi faire de l’AES un cadre de coordination pour le dialogue en vue d’une paix commune et durable. 

Le président de la transition malienne pourrait saisir l’opportunité de la reprise de Kidal, qui constitue un indéniable tournant dans la crise, pour initier un tel dialogue avec tous les acteurs armés présents sur le territoire malien. Parce qu’il est le garant de l’unité nationale, Assimi Goïta aurait intérêt à se positionner au-dessus des parties belligérantes et à les encourager à renouer le dialogue. Cette approche est dans son intérêt à court et à moyen terme : dans une situation encore peu stabilisée où les difficultés économiques s’accumulent et face à la perspective d’un conflit prolongé, les revers peuvent succéder rapidement aux victoires et les risques de retournement de l’opinion sont réels. La popularité du président de la transition, et par extension celle de son régime, ne repose pas uniquement sur sa capacité à mener la guerre, mais surtout sur sa capacité à instaurer la paix.

Sans que le recours aux armes n’ait permis aux autorités de remporter la guerre, celles-ci ont réussi à créer un rapport de force qui les avantage vis-à-vis des groupes armés signataires, une situation quasi inédite depuis le début de la crise en 2012. Elles peuvent désormais consolider durablement cet acquis par le dialogue. La balle est dans le camp de Bamako : la reprise de Kidal, aussi importante soit-elle, peut rester une péripétie de plus dans une guerre de longue haleine, ou constituer un tournant historique vers le règlement du conflit.


[1] En 2020, le pouvoir burkinabé avait engagé des discussions avec les jihadistes du Jnim pour faciliter la tenue de l’élection présidentielle notamment dans le nord du pays. Quant au Niger, il a lancé à partir de 2015 dans la région de Diffa, un processus de « déradicalisation » des ex-combattants de Boko Haram. Dans le même pays, le travail de la Haute autorité à la consolidation de la paix a permis de démobiliser des dizaines de combattants dans la région de Tillabéri. « Y a-t-il une exception nigérienne dans la lutte contre le terrorisme ? », Institut d’études de sécurité, 31 mars 2023.

VII. Conclusion

Depuis leur arrivée au pouvoir, en mai 2021, les autorités de transition ont pris des décisions inédites. Elles se sont notamment tournées vers la Russie pour renforcer leurs capacités militaires. Cette nouvelle approche s’est accompagnée du démantèlement progressif de la plupart des mécanismes internationaux de stabilisation mis en place à partir de 2013. Tous ces changements ont entrainé d’abord l’affaiblissement de la médiation internationale sous l’égide de l’Algérie et ensuite une escalade sans précédent entre les Fama et une partie des anciens mouvements rebelles, signataires de l’accord d’Alger en 2015. Il en a résulé la reprise de Kidal en novembre puis, le 25 janvier, la fin officielle de l’acord de paix. Bien que la bataille de Kidal ait marqué une étape importante, elle est loin de signifier la fin des hostilités. Aucune des parties n’a pourtant intérêt à ce que le conflit s’enlise. 

En l’absence d’un vainqueur définitif, l’ensemble des belligérants devraient revenir au dialogue. La solution politique est un chemin long et semé d’embûches, comme le montre l’échec de l’accord de paix d’Alger, aujourd’hui enterré. C’est pourtant la voie qui offre les meilleures chances d’une paix et d’une stabilité durables pour le nord du Mali. En l’empruntant, les autorités pourraient consolider leurs récents gains militaires et améliorer leurs chances d’atteindre une stabilité politique durable au Mali. Elles remporteraient un succès historique en rassemblant et en réconciliant durablement les Maliens entre eux.

Bamako/Dakar/Bruxelles, 20 février 2024

Annexe A: Carte du Mali

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