Congo: la démocratie dans la ligne de mire
Congo: la démocratie dans la ligne de mire
DR Congo: A Full Plate of Challenges after a Turbulent Vote
DR Congo: A Full Plate of Challenges after a Turbulent Vote
Op-Ed / Africa 3 minutes

Congo: la démocratie dans la ligne de mire

Ceux qui pensaient que les élections au Congo inaugureraient une période de paix ont été déçus. Les 22 et 23 mars derniers, Kinshasa a été frappée par une des pires vagues de violence de toute son histoire, alors que les forces armées congolaises menées par la garde présidentielle de Joseph Kabila affrontaient les éléments de la protection rapprochée du candidat perdant des élections présidentielles, Jean-Pierre Bemba.

Plus de deux cents personnes ont été tuées et des milliers de civils ont été pris en otages, en plein centre-ville, pendant deux jours de lourds combats.

Ce n'était pas un incident isolé : fin janvier, les forces de sécurité ont massacré plus de cent militants de l'opposition, lors d'une manifestation dans la province du Bas-Congo.

Le gouvernement congolais vient malheureusement de montrer qu'il privilégiait les tactiques de guerre plutôt que la consolidation de la démocratie, malgré la tenue des élections ; et ses partenaires internationaux semblent vouloir observer la mise à mal du processus de paix sans rien faire.

La récente vague de violences donne l'image d'un gouvernement qui ne tolère pas de forte opposition. Dans la capitale, la pomme de discorde s'est focalisée sur la présence des quelques centaines de gardes de Jean-Pierre Bemba, qui avaient assuré la protection de l'ancien chef rebelle pendant la transition.

Kabila désirait remplacer cette garde par douze policiers. Une proposition rejetée par Bemba qui considérait cette protection comme insuffisante. Bemba n'avait certes pas le droit de s'entourer de plusieurs centaines de gardes dans la capitale. Cependant, il avait déjà été victime d'une attaque à l'arme lourde par la garde de Kabila en août 2006, lors de l'annonce des résultats du premier tour des élections présidentielles.

Des négociations et des pressions internationales sur les deux parties auraient été nécessaires pour régler pacifiquement cette question.

Les jours passèrent, mais personne dans la communauté internationale n'a véritablement agi pour éviter la confrontation. Résultat : des milliers de soldats ont combattu dans le centre-ville, avec tirs de mortier et d'artillerie tombant sur les écoles et les églises.

Dans la gestion de la situation dans la province côtière du Bas-Congo, on a fait preuve d'un même usage abusif de la violence, mais cette fois les rivaux du gouvernement n'étaient, pour la plupart, pas armés.

Le 31 janvier, des membres du mouvement mystico-politique Bundu dia Kongo s'étaient rassemblés pour protester contre la défaite de leur leader à l'élection au poste de gouverneur. La coalition kabiliste est soupçonnée d'avoir soudoyé les législateurs provinciaux pour gagner ces élections dans trois provinces où Bemba devait facilement l'emporter, dont le Bas-Congo.

Une échauffourée entre la secte et la police entraîna la mort de plusieurs manifestants et policiers. Les autorités décidèrent alors d'avoir recours à l'armée. Les forces de sécurité ont ouvert le feu sur des manifestants non armés et ont notamment lancé des grenades dans une église, où des manifestants s'étaient réfugiés. Au moins vingt hommes et femmes y laissèrent la vie. D'après les Nations unies, plus de cent personnes auraient été tuées dans ces violences.

Ces deux incidents illustrent la volonté du gouvernement d'avoir recours à la force pour imposer coûte que coûte son autorité, au lieu de privilégier la négociation. Dans les deux cas, il a répondu aux provocations par un usage disproportionné de la force, faisant au passage des centaines de victimes civiles. Kabila s'en est d'ailleurs vanté lors de sa conférence de presse : « Est-ce qu'il y a des négociations à faire ? Je ne pense pas. Cette fois-ci, il s'agit de faire appliquer la loi. » Cette récente vague de violences apparaît comme faisant partie d'une campagne de répression plus large à l'encontre de l'opposition. Des dizaines de ses membres ont été détenus à Kinshasa sur la base de charges douteuses d'espionnage ou d'insurrection. Les stations de télévision appartenant à l'opposition ont été fermées et Kabila a promis d'« assainir les médias ».

L'impasse avec l'opposition a aussi pris une dimension régionale : le soutien à Kabila vient de l'Est, là où il a remporté un raz-de-marée électoral. Dans l'Ouest, cependant, quatre-vingts pour cent des électeurs ont voté contre lui et leur frustration pourrait bien attiser les tensions intercommunautaires parmi la population.

Pendant ce temps, la communauté internationale s'est montrée, au mieux, complaisante. Les Nations unies ont condamné les violences dans le Bas-Congo mais n'ont pas désigné de responsable. Les ambassades sont restées silencieuses, cautionnant de façon implicite l'approche violente qui est celle des autorités.

Comme le dit le président Kabila, la loi doit être respectée. Mais cela implique aussi d'assurer les droits de l'opposition, de garantir la liberté de la presse, de privilégier la négociation sur la confrontation armée et de ne pas ouvrir le feu sur les populations civiles.

Un premier pas serait de juger les commandants de l'armée et de la police responsables du massacre dans le Bas-Congo, tout en rédigeant la loi, très attendue, sur les droits et les devoirs de l'opposition politique.

En même temps, la communauté internationale doit continuer à se porter collectivement garante des acquis du processus de paix, dont les droits de l'opposition font intégralement partie.

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