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Ramener la paix au Nord Kivu

Le Nord Kivu est, de nouveau, un foyer de crise en République Démocratique du Congo. Depuis que les combats ont repris entre les insurgés de Laurent Nkunda et l’armée nationale en décembre 2006, plus de 370 000 civils ont été déplacés dans la province.

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Synthèse

Le Nord Kivu est, de nouveau, un foyer de crise en République Démocratique du Congo. Depuis que les combats ont repris entre les insurgés de Laurent Nkunda et l’armée nationale en décembre 2006, plus de 370 000 civils ont été déplacés dans la province. Après que les dernières tentatives faites pour intégrer les troupes de Nkunda dans l’armée ont échoué, la crise a encore empiré à partir du mois de mai 2007. Les efforts faits par les Nations unies pour imposer un cessez-le-feu et nommer un envoyé spécial en charge de la médiation de la crise n’ont pas abouti. La décision prise, le 15 octobre, par le président Joseph Kabila de suspendre les offensives militaires puis d’appeler l’ensemble des groupes armés congolais actifs dans la région à désarmer ou à intégrer l’armée est positive. Toutefois, les combats continuent et il n’y a toujours pas de véritable dialogue avec Nkunda. Une initiative globale doit être lancée de manière urgente afin de désamorcer la crise et de traiter des causes profondes à l’origine du conflit.

Cette nouvelle crise est le résultat des échecs du processus de paix congolais en matière d’intégration de l’armée, de gouvernance économique et de justice transitionnelle. Au cours de la second moitié de la transition – qui s’est achevée officiellement avec l’élection du président Joseph Kabila et celle d’une nouvelle Assemblée nationale en 2006 – les tensions avaient diminué grâce à une politique d’endiguement, d’apaisement et la priorité donnée, sur le plan international, à la tenue des élections. Les causes à l’origine de ces tensions n’ont toutefois jamais été traitées. La province est ainsi restée coupée en deux et les territoires de Masisi et Rutshuru comme pris dans une guerre froide entre l’ancien groupe rebelle soutenu par le Rwanda, le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) et l’armée nationale (FARDC). Il y eu également très peu d’avancées en ce qui concerne le désarmement et de la réintégration des milices Mayi Mayi ou le rapatriement des rebelles hutu rwandais (FDLR). L’exploitation illégale des ressources naturelles s’est ainsi poursuivie et toutes les communautés ont continué à s’armer, animées par de profonds ressentiments les unes envers les autres, liés aux problèmes d’insécurité foncière, aux violations massives des droits humains pendant la guerre et aux rivalités pour le contrôle des ressources naturelles.

Les élections nationales et provinciales de 2006 ont conduit à la disparition politique du RCD. Renforcé par son élection, le président Kabila a engagé des discussions discrètes avec Nkunda, avec la facilitation du Rwanda, et conclu un accord portant sur l’intégration progressive des troupes de Nkunda dans les forces armées régulières, un processus connu localement sous le nom de mixage. De façon implicite, il était également convenu que les troupes de Nkunda ne quitteraient pas la province tant que les conditions générales de sécurité ne se seraient pas améliorées de manière significative. Cependant, ni Nkunda ni Kabila n’ont été en mesure de contenir les extrémistes de leurs camps opposés à cet accord.

Par peur d’être assassinés en représailles ou de perdre tout ce qu’ils avaient acquis illégalement pendant la guerre, les leaders tutsi de Goma ont accusé Nkunda de trahison et ont menacé de lui retiré leur soutien. Les durs du côté de Kabila ont accusé le président d’accorder aux Tutsi un traitement apparemment préférentiel dans le processus d’intégration dans l’armée et ont profité des protestations publiques concernant les violations des droits humains et les déplacements de populations entraînés par les opérations contre les FDLR pour mettre à mal la légitimité de l’accord. Finalement, le mixage s’est effondré en mai 2007 et a conduit à une nouvelle escalade militaire. Jusqu’à présent, la crise n’a pas franchi la frontière et entraîné une implication directe du Rwanda. Tant Kinshasa que Kigali ont manifesté de la retenue et choisi de maintenir leurs consultations régulières. Toutefois, sur le terrain, les combats se poursuivent, la situation humanitaire est catastrophique et aucun des deux camps n’a véritablement de chance de l’emporter militairement. Une escalade militaire risquerait de déstabiliser un peu plus la région.

Afin de compenser la faiblesse de l’armée nationale, le président Kabila a cherché à coopter la mission des Nations unies au Congo (MONUC) dans les opérations. La MONUC devrait continuer à résister à ces pressions afin de ne pas se retrouver prise entre les feux croisés de Nkunda et des FDLR. La communauté internationale devrait encourager Kabila à suspendre ses offensives militaires et à lancer une initiative globale pour la paix au Nord Kivu, visant dans un premier temps à désamorcer la crise et à améliorer l’environnement sécuritaire général dans la province pour, ensuite, dans un second temps s’attaquer aux questions centrales liées à la restauration de l’autorité de l’État dans la province, telles que la régulation de l’exploitation des ressources naturelles, le retour des réfugiés, et la mise en place d’un processus de justice transitionnelle facilitant la Dutaire. Une impasse prolongée conduirait inévitablement à de nouvelles vagues de déplacés chez les civils et renforcerait le risque de nettoyage ethnique et de tueries vengeresses des deux côtés.

Au cours des trois dernières années, le règlement du conflit au Kivu a été régulièrement différé au profit des efforts destinés à consolider la transition et à permettre l’élection du président Kabila. Mais le Nord Kivu a été l’épicentre de la violence au Congo depuis le début du conflit, il y a plus de quinze ans. Il est temps désormais de régler ce grand oubli de la transition congolaise et de mettre un terme à une crise qui provoque d’immenses souffrances et, qui, plus généralement, continue de faire peser des risques pour la stabilité du Congo et de ses voisins.

Nairobi/Bruxelles, le 31 octobre 2007

Executive Summary

North Kivu is again a crucible of conflict in Congo. Since fighting resumed between the insurgents of Laurent Nkunda and the national army in December 2006, over 370,000 civilians have been displaced in the province. Due to the failure of the latest attempt to integrate Nkunda’s troops into the army, the crisis has become much worse since May 2007. UN attempts to impose a ceasefire and appoint a special envoy to mediate have failed. President Joseph Kabila’s 15 October decision to suspend offensive operations and his subsequent call on all Congolese armed groups in the region to present themselves for disarmament or army integration is welcome but fighting continues, and there is no real dialogue with Nkunda. A comprehensive initiative needs to be launched urgently to de-escalate the crisis and address the root causes of the conflict.

This new crisis results from failures of the Congo peace process on army integration, economic governance and transitional justice. During the second half of the political transition – which formally ended with the election of President Kabila and a new legislature in 2006 – a policy of containment, appeasement, and international emphasis on the holding of elections cooled tensions but left their causes unaffected. The province remained in effect split into two pieces, with Masisi and Rutshuru territories caught in a cold war between dissidents from the former Rwandan-backed rebel group, the Congolese Rally for Democracy (RCD), and the national army (FARDC). Little progress was made on disarmament and reintegration of Mai Mai militias or repatriation of the Rwandan Hutu (FDLR) rebels. The illegal exploitation of natural resources continued unabated as all communities armed, animated by deep mutual resentments over land security, mass human rights abuses during the war and control of natural resources.

The 2006 national and provincial elections liquidated politically the RCD. Strengthened by his election, Kabila held discreet talks with Nkunda, facilitated by Rwanda, and concluded an agreement for the progressive integration of Nkunda’s troops into the regular armed forces, a process locally known as mixage, with the understanding that they would not have to leave the province until the general security situation improved significantly. But neither Nkunda nor Kabila was able to contain their hardliners opposed to the settlement.

Afraid to become the victims of revenge killings and lose everything they had illegally acquired during the war, Goma-based Tutsi leaders accused Nkunda of betrayal and threatened to stop supporting him. Kabila’s hardliners attacked him over the perceived preferential treatment given to the Tutsi in the army integration process and used the public outcry over the massive human rights violations and displacement of civilians caused by the operations against the FDLR to undermine the agreement’s legitimacy. Mixage collapsed in May 2007, leading to new escalation.

So far, the crisis has not jumped the border to draw in Rwanda. Both Kinshasa and Kigali have shown restraint and chosen to continue with regular consultations. However, on the ground, there is combat; the humanitarian situation is appalling; neither side has a good prospect of military success; and escalation continues to carry the risk of destabilisation of the wider region.

To compensate for the national army’s weakness, Kabila has been trying to co-opt the UN mission (MONUC) into his operations, a move the UN should continue to resist lest it be caught in the crossfire between Nkunda and the FDLR. The international community should encourage Kabila to suspend his military offensive and launch a comprehensive peace initiative for North Kivu, aimed first at de-escalating the conflict and improving the general security environment in the province, then addressing the core issues related to restoration of state authority such as regulation of the exploitation of natural resources, return of refugees and a transitional justice process facilitating community reconciliation. A prolonged deadlock would inevitably result in further displacement of civilians and increased risk of ethnic cleansing and revenge killing on both sides.

Over the past three years, ending the North Kivu conflict has been repeatedly postponed in favour of efforts to consolidate the transition and secure Kabila’s election. But North Kivu has been the epicentre of Congo’s violence since the conflict began more than fifteen years ago. Now is the time to address this major gap in the Congolese transition and end a crisis which is producing immense suffering and continues to carry wider risks for Congo and its neighbours.

Nairobi/Brussels, 31 October 2007

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