Briefing / Africa 3 minutes

Double crise au Soudan: se reconcentrer sur l'IGAD

Alors que la crise au Darfour préoccupe de façon compréhensible la communauté internationale, le dénouement de 21 ans de guerre civile au Soudan opposant le gouvernement de Khartoum à la principale force rebelle du Sud, la SPLA (Sudan People's Liberation Movement/Army) ne recueille pas l'attention requise.

Résumé

Alors que la crise au Darfour préoccupe de façon compréhensible la communauté internationale, le dénouement de 21 ans de guerre civile au Soudan opposant le gouvernement de Khartoum à la principale force rebelle du Sud, la SPLA (Sudan People's Liberation Movement/Army) ne recueille pas l'attention requise. Le processus de paix conduit par l'IGAD (Autorité Intergouvernementale pour le Développement), sur le point d'aboutir en juin 2004, est désormais en danger. Le projet d'accord négocié à Naivasha contient des dispositions pouvant concourir à une solution politique au Darfour. Les deux processus sont étroitement liés et doivent être traités sans faire de différence et en urgence. Toutefois, à moins d'un changement des dynamiques actuelles et d'une pression plus forte de la part des Nations Unies sur Khartoum pour conclure l'accord de l'IGAD, la guerre pourrait bientôt resurgir à travers le pays.

Si le gouvernement choisit de retarder la conclusion de l'accord de paix au moment de la reprise des négociations de l'IGAD le 7 octobre, les six protocoles déjà signés mais pas encore en vigueur pourraient bien être remis en question (sous la pression des partisans de la ligne dure du régime et des intellectuels du Nord qui soutiennent que trop de concessions ont été accordées à la SPLA, et celle d'éléments au sein de la SPLA qui n'ont jamais cru en la parole du régime et pensent qu'il est affaibli par le Darfour. Si cela se produit, de nouveaux fronts peuvent s'ouvrir dans les Monts Nuba, la région méridionale du Nil Bleu ainsi que dans l'Est, dans une guerre qui a déjà coûté la vie à deux millions de personnes.

Si le gouvernement opte pour la coopération, la paix au Soudan pourrait voir le jour avant la fin de l'année. Conclure l'accord mené sous l'égide de l'IGAD (Naivasha) pourrait servir de base à une meilleure entente avec les mouvements de l'opposition regroupés au sein de l'Alliance Nationale Démocratique (NDA), et surtout, fournir un modèle de résolution à la crise du Darfour et mettre en marche le processus conduisant à une démocratisation et des élections nationales.

Cependant, il semblerait que le régime penche en faveur de plus d'intransigeance. Les signaux qu'il envoie à propos de l'IGAD sont au mieux mitigés et suggèrent qu'il ralentit le processus afin de persuader la communauté internationale d'assouplir ses exigences sur le Darfour. Khartoum a également empêché le déploiement d'une force de l'Union Africaine (AU) assez importante avec un mandat spécifique de protection des civils au Darfour, tandis que ses efforts visant à lier le désarmement des milices Janjaweed au cantonnement des rebelles du Darfour ont fait avorté les récents pourparlers menés par l'UA. Alors que le ministre des Affaires étrangères, Mustafa Osman Ismail, avait adopté une approche conciliante devant le Conseil de Sécurité le 29 septembre 2004, promettant coopération avec la force de l'UA, il n'en demeure pas moins une grande ambiguïté sur sa mise en œuvre concrète.

Khartoum semble miser sur le fait que les considérations commerciales et de souveraineté dissuaderont la plupart des pays et institutions internationales à aller au-delà d'une simple pression d'ordre rhétorique. Cela encourage la perception selon laquelle l'exercice d'une forte pression serait contreproductif, conforterait les soi-disant "hardliners", ou causerait des fissures dans le régime, laissant un Etat à la dérive dans son sillage. Ces tactiques ont parfaitement servi le régime depuis son accession au pouvoir en 1989.

Ces quinze dernières années nous enseignent cependant que lorsque le gouvernement a été l'objet de pressions sérieuses et précises, il a modifié son comportement. Il s'agit d'un régime pragmatique qui fera ce qu'il a à faire pour survivre, notamment en choisissant plutôt de coopérer que d'essayer d'imposer des solutions unilatérales.

La communauté internationale devrait agir sur plusieurs fronts afin de parvenir à une solution globale aux problèmes multiples et interconnectés du Soudan, qui prenne en compte à la fois le processus de paix de l'IGAD et le Darfour. Le Conseil de Sécurité devrait se doter de plus de leviers d'action sur le Darfour en ordonnant rapidement le déploiement des premiers éléments de la Commission d'enquête internationale conformément à sa résolution du 18 septembre 2004. Si aucun progrès concret n'est constaté avant la fin octobre, surtout en ce qui concerne la force de protection de l'UA, le Conseil devrait imposer un embargo sur les armes au gouvernement soudanais, un gel des avoirs financiers des compagnies appartenant au parti du pouvoir qui réalisent des affaires à l'étranger, ainsi qu'une interdiction de voyager aux hauts responsables de l'administration soudanaise.

La pression diplomatique doit être simultanément intensifiée pour obtenir une conclusion rapide du processus de l'IGAD. Le Conseil de Sécurité doit clairement stipuler que sans progrès de la part des parties lors de la reprise des négociations le 7 octobre et en l'absence de conclusion d'un accord final avant la fin de l'année, il évaluera les responsabilités de cet échec et prendra les décisions qui s'imposeront. D'autres questions doivent également être abordées, en particulier les complications que pose l'Armée de Résistance du Seigneur (Lord Resistance Army - LRA) à la tête de la violente insurrection ougandaise responsable de dommages auxquels Khartoum n'est pas étranger et qui s'inscrivent dans la poursuite de ses objectifs guerriers dans le Sud.

Enfin, le régime doit comprendre que ce n'est qu'en agissant de façon rapide et constructive sur le processus de l'IGAD et le Darfour qu'il peut éviter ou se débarrasser de sanctions significatives. Il ne devrait pas être autorisé à choisir les points sur lesquels il souhaite avancer, les jouant ainsi les uns contre les autres. Le moment est venu pour lui de choisir son chemin, et une certaine fermeté à New York et de la part des principales capitales est nécessaire pour éclairer sa décision.

Nairobi / Bruxelles, le 5 Octobre 2004

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