Report / Middle East & North Africa 3 minutes

La crise algérienne n’est pas finie,

Depuis décembre 1991, l'Algérie connaît une vague de violence, qui a dégénéré, entre 1992 et 1998, en une quasi guerre civile.

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Synthèse

Depuis décembre 1991, l'Algérie connaît une vague de violence, qui a dégénéré, entre 1992 et 1998, en une quasi guerre civile. Ce conflit  oppose le régime soutenu par les militaires à un complexe réseau d'opposition clandestine, sous l'égide du mouvement islamique, le Front Islamique du Salut (FIS – Jabha Islamiyya li’l-Inqadh). Il a été déclenché par le coup d'Etat orchestré par l'armée qui avait pour but de bloquer la victoire du FIS aux élections législatives de 1991. Selon les chiffres officiels, 100.000 personnes ont été tuées au cours de cette période, soit 1200 morts par mois.

En avril 1999, une page a été tournée dans la longue crise politique algérienne avec l'élection à la présidence d'Abdelaziz Bouteflika, candidat des militaires et ministre des affaires étrangères sous le président Boumediène dans les années 70. Cette élection a suscité de grands espoirs et a même fait reculer la violence pour un temps. Le président a  en effet rapidement décrété une amnistie limitée pour les responsables de la violence –par la loi sur la concorde civile – et a promis de mettre en œuvre des réformes fondamentales visant à mettre un terme à la violente crise qui secoue le pays depuis 1992.

Aujourd'hui, ces espoirs ont été déçus. Le nombre de civils tués augmente à nouveau; l'amnistie décrétée l'an dernier n'a eu que des effets limités; la loi sur la concorde civile a été perçue par les Islamistes comme une mesure policière plutôt qu'une tentative politique de réconciliation. Dix-huit mois après l'élection de Bouteflika, un sentiment de mécontentement à l'égard de l'action du président grandit au sein de l'élite et des militaires algériens.

En bref, la crise du pays n'est pas finie. Les autorités d'Alger n'ont cherché à résoudre aucune des causes principales de la violence manifestée en 1992 et 1993. Elles n'ont pas accepté la nécessité fondamentale de restructurer et de donner une nouvelle légitimité à l'Etat algérien, d'accepter l'échec de la stratégie d'éradication des Islamistes et d'entamer un processus de dialogue politique avec eux. Aujourd'hui il est nécessaire que les Islamistes s'expriment dans l'arène politique officielle. Les partis politiques légaux doivent participer de manière significative à la vie politique et veiller à ce que des hommes politiques élus répondent du gouvernement et des institutions de l'Etat. Cela permettrait à la vie politique algérienne de repartir sur de nouvelles bases.

Dans ce contexte, il est essentiel de bien définir le rôle des forces armées algériennes dans la vie politique. L'armée, qui continue à se voir comme le garant de la stabilité en Algérie, reste aujourd'hui très impliquée dans les affaires politiques du pays. Revoir le rôle de l'armée dans la politique et la soumettre à un contrôle civil doit être la priorité de tout programme de réforme. Rallier l'armée à la cause du changement reste toutefois le plus urgent et le plus grand défi à relever. Les chances de succès d'une telle entreprise dépendront en grande mesure de la gestion du changement et de la capacité du leadership politique algérien à convaincre les militaires que leurs intérêts fondamentaux ne seront pas lésés.

La résolution définitive de la crise algérienne est un défi intellectuel qui nécessite une nouvelle approche de la part de la communauté internationale et, en particulier, des Etats européens, pour lesquels l'issue de la crise est un enjeu d'importance. Jusqu'à maintenant, l'attitude européenne envers l'Algérie a privilégié le maintien de la stabilité du régime et la répression de la violence par des moyens militaires, sans accorder d'attention aux causes profondes du conflit. L’armée algérienne a été vue comme le meilleur moyen de contrôler la violence, d'éviter une émigration massive et  d'éventuels débordements de la violence terroriste en Europe même et de garantir l'approvisionnement de l'Europe en pétrole brut et en gaz naturel. Les Etats européens ont implicitement accepté qu'ils n'avaient aucun rôle à jouer dans la politique algérienne. Cette approche n'a que partiellement réussi. A quelques exceptions près, la violence n'a pas eu de conséquences sur l'Europe et est restée limitée au territoire algérien. Il n'y a pas eu d'arrivée massive de réfugiés algériens, et le pétrole et le gaz ont continué à être acheminés sans interruption. Cependant, comme le démontre ce rapport, la situation demeure extrêmement précaire, et la violence risque de s'intensifier sérieusement à nouveau.

Alger/Paris/Londres/Bruxelles, 20 octobre 2000

Executive Summary

Since December 1991, Algeria has been seized by a wave of violence, which achieved, between 1992 and 1998, the status of virtual civil war.  That war was fought between, on the one hand, a military-backed regime and, on the other, a complex, clandestine opposition derived from the country’s banned umbrella Islamist movement, the Front Islamique du Salut (FIS – Jabha Islamiyya li’l-Inqadh).  It was triggered by an army-backed coup that blocked the electoral victory of the FIS in the 1991 legislative elections. Official figures put the number of people killed during this period at some 100,000 – or 1,200 deaths a month.

In April 1999, a page was turned in Algeria’s lengthy political crisis with the election as President of Abdelaziz Bouteflika, the military’s preferred candidate and the country’s veteran Foreign Minister under President Boumediènne in the 1970s.  Following Bouteflika’s election, hopes rose and violence receded, as the new President introduced a limited amnesty for the perpetrators of violence – the Law on Civil Concord – and promised further fundamental reforms designed to bring the crisis of violence in the country to an end.

Today, however, those hopes have been largely dashed.  Violence is, once again, on the rise.  The amnesty decreed last year has been only partially successful; the Civil Concord Law was denounced by the Islamists as a police measure rather than a reconciliation policy. Eighteen months after Bouteflika’s election, there is a growing sense of dissatisfaction with the President’s performance among members of the Algerian elite and the Algerian military. 

In short, the country’s crisis is far from over and the fundamental issues that caused it have not yet been properly addressed. In particular, no attention has been paid by the authorities in Algiers to addressing the key issues around which violence erupted in 1992-93: the need to fundamentally restructure and relegitimise the Algerian state, accept the failure of the strategy of eradication of the Islamists and open up the political process. For the Islamists, there must be legitimate means for them to express themselves within the formal political arena.  For the legal political parties, there must be an opportunity to participate meaningfully in political life, and to make the government and institutions of the state accountable to elected politicians – something that would mark a significant new departure in Algerian politics.

Against this background, the role of the Algerian armed forces in Algeria’s political life is critical.  The army, which continues to see itself as the guarantor of Algeria’s stability, retains an intimate involvement in the country’s political affairs.  And while tackling the army’s role in politics and subjecting the army to civilian control must be a vital goal for any reform program, winning the army’s support for change will be an enormous challenge.  Much will depend upon the way in which political change is managed in the coming years and the ability of Algeria’s political leadership to persuade the military that its core interests will not be adversely affected by change.

Resolving Algeria’s crisis effectively will also require new thinking and a new approach on the part of the international community and, in particular, the European states and the European Union, which have an especially important stake in the outcome of the crisis.  Until now, European attitudes towards Algeria have tended to put a premium on maintaining the stability of the regime and containing violence, without paying sufficient attention to the root causes of the conflict.  A strong Algerian military has been seen as the best means of keeping a lid on unrest, avoiding massive outward migration and the possible spill-over of terrorist violence into Europe itself, and preserving Europe’s supply of crude oil and natural gas.  For their part, European states have largely accepted that they have no role to play in determining Algeria’s future political complexion.  This approach has been only partially successful.  With a few exceptions, violence has not come ashore in Europe, but has been contained within Algeria; there has been no massive influx of Algerian refugees; and oil and gas has continued to flow.  However, as this report demonstrates, the situation remains highly precarious, the country remains in crisis and violence is escalating again.

Algiers/Paris/London/Brussels, 20 October 2000

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