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Les ratés du fédéralisme nigérian

Loin d’être parfaits, la politique et le système fédéral du Nigéria contribuent à la montée de la violence qui déstabilise l’un des pays leaders d’Afrique.

Synthèse

Loin d’être parfaits, la politique et le système fédéral du Nigéria contribuent à la montée de la violence qui déstabilise l’un des pays leaders d’Afrique. Incapables d’encourager un véritable partage du pouvoir, ils ont suscité des rivalités dangereuses entre le pouvoir central et les 36 États nigérians à propos du pétrole et des autres ressources naturelles du pays; ils ont encouragé des luttes farouches entre des groupes d’intérêt qui cherchent à s’emparer de l’État et de ses richesses et ont facilité l’émergence de milices ethniques violentes tandis que les politiciens exploitent et exacerbent les tensions intercommunautaires pour camoufler leur corruption. Face aux symptômes, notamment la montée du militantisme, le gouvernement a tôt fait de diagnostiquer une simple criminalité contre laquelle il a préconisé l’emploi d’un plus grand nombre de policiers et de militaires. Mais si le Nigéria ne s’attaque pas aux causes sous-jacentes du contrôle des ressources, de l’égalité des droits, du partage du pouvoir et de la responsabilité, il devra faire face à une crise interne aux proportions croissantes.

Le problème des ressources est particulièrement critique dans le delta du Niger, riche en pétrole mais terriblement pauvre, où, depuis janvier 2006, le Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger (MEND) et d’autres groupes armés ont mené une campagne de plus en plus violente à l’encontre du gouvernement fédéral et des compagnies pétrolières étrangères. Le MEND réclame le contrôle des ressources au niveau local sur la richesse pétrolière du delta et rejette le “plan Marshall” que le président Olusegun Obasanjo a proposé pour la région. Après avoir enlevé plusieurs employés étrangers des compagnies pétrolières, le mouvement est récemment passé à des activités plus meurtrières (attentats à la voiture piégée). Il affirme vouloir paralyser l’industrie pétrolière, dont il a déjà réduit la production de 25 pour cent cette année.

Le principe du “caractère fédéral” du Nigéria est inscrit dans la constitution. Il s’agit d’un type de quota qui vise une répartition égale des postes politiques et autres avantages gouvernementaux entre les diverses populations du Nigéria. Ce principe est faussé par un autre, le principe de l’indigénéité, selon lequel la jouissance de ces avantages dépend de l’endroit où sont nés les parents et grands-parents d’un individu. Il en résulte des conflits intercommunautaires et des discriminations contre les non-indigènes dans les 36 États du pays. Dans l’État du Plateau, par exemple, des affrontements récurrents depuis 2001 entre les communautés “indigènes” et les “colons”, qui rivalisent pour l’obtention des postes politiques et les services gouvernementaux, ont causé la mort de milliers de personnes et le déplacement d’un plus grand nombre encore.

Le profond sentiment d’aliénation ressenti par divers groupes à travers le pays a favorisé l’ascension des politiques identitaires fondées sur l’ethnicité, encouragé les milices ethniques et a provoqué, dans douze États du nord du pays, des litiges sur l’application de la loi islamique (Charia). Les milices exigent de la population une loyauté ethnique plutôt que nationale. Certains, comme le Mouvement pour l’actualisation de l’État souverain du Biafra (MASSOB), veulent faire sécession. D’autres, comme le Congrès du peuple O’odua (OPC) ou les Bakassi Boys, agissent comme des forces de sécurité, y compris pour le compte de certains gouvernements fédérés, et sont responsables d’abus des droits de l’Homme qui ont coûté la vie à des centaines de personnes.

Selon le gouvernement fédéral, ces événements relèvent généralement d’un problème de maintien de l’ordre et d’application de la loi, auquel il a donc répondu par la force. Par exemple, il a écarté les revendications des militants du delta du Niger qu’il considère comme une simple violence. Il estime que les forces de sécurité fédérales peuvent toujours réprimer la violence dans cette région ainsi que dans l’État du Plateau et a décrété l’interdiction générale des milices ethniques, poursuivant un certain nombre de leurs chefs pour trahison.

Le gouvernement fédéral a bien sûr obligation de faire face à la violence en utilisant toute la force de la loi mais il doit également examiner plus en profondeur les circonstances qui ont provoqué ces troubles. Il devrait accorder un plus grand niveau de contrôle sur les ressources aux communautés locales et remplacer le concept anachronique d’indigénéité par un test de résidence pour l’application du principe du caractère fédéral. Plus fondamental peut-être, le gouvernement fédéral devrait initier un processus de réforme constitutionnel démocratique qui permettrait aux nigérians, qui ont si souvent été gouvernés par des militaires depuis l’indépendance, de se lancer pour la première fois dans un large débat sur la restructuration des accords de partage du pouvoir du pays.

Dakar/Bruxelles, 25 octobre 2006

Executive Summary

Nigeria’s federal system and politics are deeply flawed, contributing to rising violence that threatens to destabilise one of Africa’s leading countries. Failing to encourage genuine power sharing, they have sparked dangerous rivalries between the centre and the 36 states over revenue from the country’s oil and other natural resources; promoted no-holds-barred struggles between interests groups to capture the state and its attendant wealth; and facilitated the emergence of violent ethnic militias, while politicians play on and exacerbate inter-communal tensions to cover up their corruption. The government has been quick to brand many of the symptoms, especially the rise of militancy, as simple criminality to be dealt with by more police and more troops. But unless it engages with the underlying issues of resource control, equal rights, power sharing and accountability, Nigeria will face an internal crisis of increasing proportions.

The resource problem is at its most acute in the oil rich but desperately poor Niger Delta, where since January 2006, the Movement for the Emancipation of the Niger Delta (MEND) and other armed groups have waged an increasingly violent campaign against the federal government and foreign oil companies. It demands local resource control of the Delta’s oil wealth and rejects the “Marshall Plan” President Olusegun Obasanjo has proposed for the region. It recently shifted from high-profile kidnappings of foreign oil workers to more deadly activities, including car bombings. MEND says it wants to cripple the oil industry, whose output it has already reduced this year by 25 per cent.

The constitution enshrines a “federal character” principle, a type of quota which seeks to balance the apportionment of political positions, jobs and other government benefits evenly among Nigeria’s many peoples but is distorted by a second principle, that of indigeneity, which makes the right to such benefits dependent upon where an individual’s parents and grandparents were born. The result is widespread discrimination against non-indigenes in the 36 states and sharp inter-communal conflict. In Plateau State, for example, recurrent clashes since 2001 between “indigene” and “settler” communities competing over political appointments and government services have left thousands dead and many more thousands displaced.

The deep sense of alienation felt by diverse groups throughout the country has fuelled the rise in ethnic identity politics, ethnic militias and, in twelve northern states, disputes over the application of Islamic law (Sharia). The militias demand ethnic rather than national loyalty. Some, such as the Movement for Actualisation of the Sovereign State of Biafra (MASSOB), seek secession from Nigeria. Others, like the O’odua Peoples’ Congress (OPC) and the Bakassi Boys, operate as security outfits, including for state governments, and are responsible for human rights abuses that have left hundreds dead.

The federal government has characterised many of these developments as no more than a law and order problem and has responded accordingly with force. It has dismissed the demands of Niger Delta militants, for example, as simple thuggery and assumed that federal security forces can always quell the violence there and in Plateau State, while decreeing sweeping bans on the ethnic militias and putting a number of their leaders on trial for treason.

The federal government has an obligation, of course, to deal with violence by the full rigour of the law but it also needs to look deeper into the circumstances that give rise to so much trouble. It should grant a significant level of resource control to local communities and replace the anachronistic concept of indigeneity with a residence test when applying the federal character principle. Perhaps most fundamentally, it should create a democratic constitutional reform process that would allow Nigerians, so often since independence under military governments, to engage for the first time in a free and wide-ranging debate over restructuring the country’s power-sharing arrangements.

Dakar/Brussels, 25 October 2006

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