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Élections au Burundi: Reconfiguration radicale du paysage politique

Les élections générales au Burundi viennent de conduire à une transformation totale du paysage politique. La victoire remarquable de l'ancienne rébellion du CNDD-FDD à tous les différents scrutins et l'élection de son candidat à la présidentielle, Pierre Nkurunziza, le 19 août lui permettent dorénavant de contrôler les principales institutions du pouvoir.

Résumé

Les élections générales au Burundi viennent de conduire à une transformation totale du paysage politique. La victoire remarquable de l'ancienne rébellion du CNDD-FDD à tous les différents scrutins et l'élection de son candidat à la présidentielle, Pierre Nkurunziza, le 19 août lui permettent dorénavant de contrôler les principales institutions du pouvoir. En outre ce changement politique important s'inscrit dans un contexte où les corps de défense et de sécurité sont en profonde mutation et les anciens combattants du CNDD-FDD sont totalement intégrés dans ces nouvelles forces au sein desquelles ils occupent 40 pour cent des effectifs. Cela constitue une garantie substantielle contre d'éventuelles tentatives de coup de force pour interrompre la poursuite de ce processus et donc la mise en oeuvre des réformes prévues par l'accord d'Arusha pour la paix et la réconciliation. Néanmoins les élections ne représentent qu'un pas, certes important, vers une paix durable.

Cette évolution présente des risques et dangers dont certains se sont manifestés durant le processus électoral. Pour la première fois depuis l'indépendance du Burundi, un antagonisme violent entre Hutu fondé sur la lutte pour le pouvoir a pris le pas sur la confrontation interethnique traditionnelle entre Hutu et Tutsi. Car les résultats des élections ont placé plusieurs partis et acteurs politiques de premier plan devant des perspectives d'avenir incertain. Il est essentiel que le CNDD-FDD sache relever les défis suivants du nouveau gouvernement:

  1. Participation politique. Le processus d'Arusha avait entre autre l'objectif d'aboutir à une formule de partage du pouvoir entre les partis antagonistes dans le conflit burundais, notamment à travers l'instauration de quotas ethniques devant garantir à la minorité Tutsi une surreprésentation pour mieux défendre ses droits et intérêts. Il aboutit de fait à la fragilisation des partis politiques Tutsi. De ces derniers, seuls l'UPRONA et le MRC sauvent leur participation dans les institutions au sein desquelles les Tutsi membres de partis à majorité Hutu sont majoritaires. Il est dès lors indispensable pour le CNDD-FDD de mener une politique inclusive pour sauvegarder l'esprit de l'accord d'Arusha en associant les principaux partis Tutsi à la gestion du pays de telle sorte que la victoire des uns ne soit pas perçue comme la défaite des autres. Dans le même ordre d'idée, le CNDD-FDD doit impliquer le FRODEBU, l'ancien parti Hutu régnant devenu un grand perdant des élections, dans la gestion du pouvoir d'une manière substantielle.
     
  2. Poursuite de la justice transitionnelle. La mise en œuvre d'une véritable politique de réconciliation nationale et des réformes prévues par Arusha dépendra principalement de la volonté du parti CNDD-FDD. À cet égard la mise en place de mécanismes judiciaires pour juger les responsables des maints abus et massacres commis au cours de l'actuel conflit et des crises antérieures est un impératif.
     
  3. Sécurité. La guerre avec le PALIPEHUTU-FNL ne doit pas être minimisée. Cette question constitue officiellement l'une des priorités des nouvelles autorités qui ont accepté le principe de négociations avec le PALIPEHUTU-FNL. Mais ce dernier est perçu comme un concurrent potentiel à terme au leadership du CNDD-FDD. Dès lors il est essentiel de promouvoir chez les deux partis une logique de dialogue au détriment de la confrontation armée. L'option de ce dernier choix pourrait être, pour le CNDD-FDD, d'éliminer un rival politique et pour le FNL, d'essayer de placer la barre très haut dans la perspective des négociations.
     
  4. Engagement des acteurs internationaux. Une implication active de la société civile et une attention soutenue de la communauté internationale, particulièrement la mission des Nations Unies au Burundi, l'ONUB, et au besoin de fortes pressions, pourraient s'avérer nécessaires pour pousser les futures autorités à poursuivre la mise en œuvre de l'accord d'Arusha, la promotion d'une gouvernance axée sur la croissance économique, la création d'emplois et une distribution équitable des richesses, ainsi qu'une politique de respect des droits de l'homme et de réconciliation nationale.

I. Overview

Elections have radically transformed Burundi's political landscape. The success of the former CNDD-FDD rebels, including the selection of Pierre Nkurunziza as president on 19 August, gives the party control of all branches of government. Concurrently, the security sector has been profoundly restructured with CNDD-FDD fighters now making up 40 per cent of the army. They provide a safeguard against attempted coups to interrupt the peace process and thus a guarantee that further reforms required under the Arusha agreement for peace and reconciliation will be realised. Nonetheless, the elections are just one, albeit important, step toward a lasting peace.

The political sea change has created risks and dangers, some of which manifested themselves during the electoral process. For the first time since independence, a violent dispute over power among Hutu parties eclipsed the traditional Hutu-Tutsi interethnic conflict, and the elections have left some key political figures with uncertain futures. The following are essential challenges for the CNDD-FDD government to meet:

  • Political participation. One goal of the Arusha process was to devise a power-sharing formula among the parties to the conflict, in particular through creation of ethnic quotas that would give the Tutsi minority an overrepresentation in order to defend its rights and interests. The peace process, however, has weakened the Tutsi parties, with only UPRONA and MRC keeping seats in the official institutions. Most Tutsis now belong to traditionally Hutu parties but it is crucial that CNDD-FDD preserve the spirit of the Arusha agreement by involving the main Tutsi parties in the administration so that one group's success is not perceived as the other's loss. By the same token, CNDD-FDD should also reach out to FRODEBU, the former governing Hutu party, which was a major loser in the elections.
     
  • Transitional justice. National reconciliation and implementation of the Arusha reforms will depend to a large degree on the will of CNDD-FDD. The government will need to establish judicial mechanisms to judge those responsible for the many abuses and massacres committed during the civil war as well as during previous conflicts.
     
  • Security. The ongoing war with PALIPEHUTU-FNL must not be forgotten. It is officially one of the priorities for the new authorities, who have in principle agreed to negotiate with that militia. However, the movement is still perceived as a potential competitor for CNDD-FDD. Both may be tempted by more fighting -- the CNDD-FDD in order to eliminate a rival, the FNL to gain leverage for future negotiations. It is essential to promote dialogue between the two groups rather than confrontation.
     
  • International engagement. Active involvement of local civil society and focused attention of the international community, especially the United Nations mission in Burundi (ONUB), including strong pressure as warranted, is needed to encourage the new authorities to pursue implementation of the Arusha agreement; promotion of good governance based on economic growth, creation of jobs and equitable allocation of wealth; and respect for human rights and promotion of national reconciliation.

Nairobi/Brussels, 25 August 2005

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